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A mes maîtres vénérés
MM. GAUCHAT, JUD et BOVET
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Table des matières.
Page
A. Introduction . 7
1. Bibliographie . 7
2. Le folklore . 10
3. Histoire du folklore, description des oiseaux, confusion
des deux oiseaux . 17
4. Noms grecs et latins . 20
B. Les noms français . 23
1. Noms formés sous l’influence du conte antique. ... 23
a) Les trois étapes du mot roitelet . 25
b) La zone d’expansion récente de roitelet parisien . . 28
c) Les noms du type roitelet en Suisse romande ... 31
2. Bitriscus et ses dérivés . 35
a) Roibri . 38
b) Roi Robert, les noms de personnes . 39
c) Déformations de reyberé . 41
d) Bitriscus en Normandie . 45
e) Roi Bertaud . 48
f) Berichon . 51
3. Peteret et ses dérivés . 52
a) Collision avec rampantin . 55
b) Rey petit et ses dérivés . 57
c) Remplaçants de peteret à signification semblable . . 60
4. Noms do formation romane . 64
a) Les désignations inspirées par la petite taille de l’oiseau 65
b) Noms suggérés par son air impertinent . 70
c) Noms d’amiété . 71
d) Rekutcet et autres désignations se rapportant aux
mœurs de l’oiseau, spécialement son adresse à se fau¬
filer dans les buissons . 74
e) Noms onomatopéiques . 84
f) Confusion avec d’autres oiseaux . 89
g) Noms appartenant spécialement aux Regulus Cristatus 94
r . 5. Mots obscurs . 98
' ^ 6. Conclusions . 99
a) La multitude des noms . 99
b) L’ordre de la succession . 100
C. Indices . . 105
1. Index des mots . 105
2. Index des matières . 109
, -i 5
A
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University of Illinois Urbana-Champaign Alternâtes
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A. INTRODUCTION.
1. Bibliographie.
a) Dictionnaires.
La plupart des dictionnaires que je cite sous le nom
des auteurs se trouvent dans la bibliographie de M. von
Wartburg: Die Ausdrücke für die Fehler des Gesichts-
organs (R.D. ROM., lU, 496 — 503). Quant aux vocabulaires
de la Suisse romande, je renvoie à la Bibliographie lin-
guistique de la Suisse romande, Chap. III, publiée par la
rédaction du Glossaire des Patois de la Suisse romande.
En dehors des œuvres mentionnées dans ces deux listes
j’ai utilisé les sources suivantes:
Meyer -Lübke, Eomanisches etymologisches Wbrterhuch,
Heidelberg 1911 — 16.
Fenouillet, Monographie du patois savoyard, Annecy 1902.
Ravanat, Le patois de Grenoble, Grenoble 1911.
b) Latin vulgaire, vieux français et provençal.
Thésaurus linguae Latinae, Lipsiae 1900 — 16.
Du Gange, Glossarium mediae et infimae latinitatis,
1813—87.
Corpus Glossariorum Latinorum a Gust. Loewe inchoatum,
compos. recens. ed. Geo. Gatz, Lipsiae 1884 — 94.
Bollandus, Acta Sanctorum, Bruxellis 1784 ss.
Hôlder, Altkeliischer Sprachschatz, 2 Bande, Leipzig
1891—1904.
Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française,
Paris 1880—1902.
Cotgrave, A dictionnaire ofthe French and English tongues,
London 1611.
Raynouard, Lexique roman, 6 tomes, Paris 1838 — 44.
E. Levy, Provenzalisches Supplement-Wôrterbuch, Leipzig,
1894—1905.
8
c) Ornith.ologie.
Cd. GeBner, Vogelbuch, Zürich 1581.
Ulysses Aldrovandius, Ornithologia, t. II, p. 649, Bononiae,
1599—1603.
Brisson, Ornithologie ou méthode contenant la division
des oiseaux en ordres, sections, genres, espèces et
leurs variétés, Paris 1760, t. III, p. 1427 et 579.
Buffon, Histoire naturelle, 1749 — 89, t. X, p. 136 et 146.
Joh. Andréas Naumanns (ier Vôgel Deutsch-
lands, in 13 Bânden, aufs neue herausgegeben von
seinen Sôhnen 1823 — 60, 3. Teil, Bd. 4.
A. E. Brehms Tierlehen, Leipzig 1911 W.
Victoire Fatio, Vertébrés de la Suisse, oiseaux I, 1899.
Th. Studer u. G. von Bui’g, Verzeichnis der schweizerischen
Vôgel und ihre Verbreitungsgebiete, neueste Aufl. 1916.
Gd. de la Bassetière, Essai sur le chant de quelques oiseaux,
1913.
Précigou, Ornithologie de la Haute - Vienne, Limoges 1904.
La plus ancienne ornithologique en langue française,
celle de Belon (1555), ne se trouve pas à Zurich. Mais
elle a été utilisée par tous les auteurs subséquents.
d) Folklore.
P. Sébillot, Le folklore en France, t. III; Faune et Flore,
Paris 1916.
Revue des traditions populaires, recueil mensuel de mytho¬
logie, 1886 SS.
e) Etudes spéciales sur les noms des oiseaux.
Eug. Rolland, Faune populaire de la France, t. II : Les
oiseaux sauvages, Paris 1879.
Compléynent de la faune populaire, t. X, publié par Gaidoz,
Paris 1905 (Rolland, compl.).
H. Büskens, Die franzôsischen Namen der Singvôgel,
GieBner Diss. 1911.
Hensel, Die Vôgel in der provenzalischen und nordfran-
zôsischen Lyrik des Mittelalters (Rom. Forschungen,
XXVI, p. 584—670)-
Ch. Beauquier, Faune et Flore popidaire de la Franche-
Comté, t. 1, Paris 1910.
9
Fritz Robert, Les noms des oiseaux en grec ancien, Thèse
de Bâle 1911.
Hugo Suolahti, Die deutschen Vogelnamen, Strai^burg 1909.
Clem. Merlo, I nonii romanzi delle stagioni e dei mesi,
p. 3 SS., Torino 1904. (L’introduction de ce livre
contient une collection de noms italiens du roitelet.)
Bonelli, 1 nomi degli uccelli nei dialetti lomhardi (Studi
di filologia romanza, t. IX, p. 374 — 486, 1903).
f) Les noms onomatopéiques.
Wundt, Volkerpsychologie, Bd. 1, p. 257.
Oskar Hauschild, Deutsche Tmmamen in Schrift, Sprache
und Mundart (Zeitschrift f . deutsche W ortf orschung,
XI, 149).
Wilhelm Wackernagel, Voces variae animantium, ein Bei-
trag zur Naturkunde und zur Geschichte der Sprache,
2. Auflage 1869.
Winteler, Naturlaute und Sprache, Ausführungen zu
Wackernâgels Voces variae animantium (Programm
der aargauischen Kantonsschule 1892).
Meyer-Lübke, Einführung, § 75.
Nyrop, Grammaire historique de la langue française, III, p. 17.
Frieda Rocher, Reduplikationshildungeyi im Franzôsischen
und Italienischen, Thèse de Berne 1921.
g) Ouvrages manuscrits.
1. M. Gauchat a eu la bonté de mettre à ma dispo¬
sition les matériaux du Glossaire des patois de la Suisse
romande en préparation.
2. J’ai utilisé en outre des matériaux inédits du
Dizionari rumantsch de M. Pult, à St-Gall.
3. Enfin M. Schmidt, à St-Gall, a bien voulu me
communiquer les résultats d’une enquête qu’il a faite dans
la Suisse romande sur les noms du roitelet.
Que ces Messieurs veuillent bien agréer tous mes
remercîments pour leur appui, en particulier mes maîtres
vénérés MM. Gauchat et Jud, qui m’ont constamment as¬
sistée de leurs précieux conseils.
10
2. Le folklore.
§ 1. Si nous jetons un coup d’œil sur la demi-carte
que l’Atlas linguistique de France (ALF) consacre au
roitelet (B. 1697), nous sommes frappés de la grande
variété de noms que cet oiseau porte en français. Et
encore l’Atlas est-il loin de les mentionner tous.i) Les
cartes „rossignoL‘ (1168), ,.)merle“ (843), „loriot“ (1612)
par contre ne contiennent guère plus d’un type d’appel¬
lation pour toute la France.^)
Cette multitude de noms prouve que l’imagination
de l’homme s’est beaucoup occupée du roitelet, bien que
ce petit être ne lui fût d’aucune utilité. L’oiseau devait
frapper par sa petite taille et ses allures curieuses. D’ailleurs
il n’est pas rare en France; il ne fuit pas le voisinage
de l’bomme ; en hiver il s’approche même des maisons.
Mais ce qui a certainement le plus contribué à le distin¬
guer, c’est le fait que de tout temps il a été l’objet de
légendes diverses. Je crois qu’aujourd’bui rnême, le roitelet
est encore pour bien des gens un être fabuleux plutôt
qu’un oiseau réel.
Rien ne nous permet d’admettre un état de chose
différent au moyen âge, alors que toute la science zoolo¬
gique était livresque, fabuleuse et moralisante. La fable
aura précédé en France le nom de roi à peu près comme
le roman du renard précéda et causa la substitution du
mot ,,renard“ à l’ancien ,^goupil“.2) Le nouveau nom est
plus expressif, parce qu’il évoque quantité d’historiettes
drôles et spirituelles.
§ 2. Voici la fable dans la version de Grimm :
Früber hatten aucb die Vôgel wie der Hammer,
der Hobel und die Müble ihr eigene Spracbe, die jeder-
9 En italien aussi, on constate une grande diversité de noms.
Pour la ville de Bergame seule, Bonelli (p. 453) n’indique pas moins
de huit noms du roitelet.
“) Il y a pour cela différentes raisons. Tout d’abord une
tradition latine vivante partout; le merle est, en outre, très connu
des oiseleurs ; quant au rossignol, c’est le grand favori des poètes.
Ch. K. Rockel, Goupil, eine semasiologische Monographie,
Thèse de Breslau 1906.
11
mann verstand ; jetzt lautet es nur wie zwitschern,
kreischen und pfeifen, und bei einigen wie Musik ohne
Worte.
Es kam aber den Vogeln in den Sinn, sie wollten
nicht langer ohne Herrn sein und einen unter sich zum
Kônig wahlen. — Sie wollten sich nun über die Sache
besprechen, und an einem schônen Maimorgen kamen sie
aile aus Waldern und Feldern zusammen, Adler und
Buchfinke, Eule und Kriihe, Lerche und Sperling, was
soll ich sie aile nennen? Selbst der Kuckuck kam und
der Wiedehopf, sein Küster, der so heiBt, weil er sich
immer ein paar Tage früher hdren liifit. Auch ein ganz
kleiner Vogel, der noch keinen Namen hatte, mischte sich
unter die Schar ... Es war aber beschlossen, daB der
Konig sein sollte, der am hôchsten fliegen kônnte . . .
Sie wollten gleich an diesem schonen Morgen aufsteigen^
damit niemand hinterher sagen konnte : ,,Ich ware wohl
noch hoher geflogen, aber der Abend kam, da konnte ich
nicht mehr.“ Auf ein gegebenes Zeichen erhob sich also
die ganze Schar in die Lüfte. Der Staub stieg da von
dem Felde auf, es war ein gewaltiges Sausen und Brausen
und Fittichschlagen, und es sah aus, als w^enn eine schwarze
Wolke dahinzôge. Die kleinen Vôgel aber blieben bald
zurück, konnten nicht weiter und lielen wieder auf die
Erde. Die grôBeren hielten’s langer aus, aber keiner konnte
es dem Adler gleichtun; der stieg so hoch, daB er der
Sonne hâtte die Augen aushacken kônnen. Und als er
sah, daB die andern nicht zu ihm herauf konnten, so
dachte er : was willst du noch hoher fliegen? Du bist doch
der Kônig, und er fing an, sich wieder herabzulassen.
Die Vôgel unter ihm riefen ihm aile gleich zu : „Du
muBt unser Kônig sein, keiner ist hôher geflogen als du.“
.^Ausgenommen ich,“ schrie der kleine Kerl ohne Namen,
der sich in die Brustfedern des Adlers verkrochen hatte.
Und da er nicht müde war, so stieg er auf, und stieg
so hoch, daB er Gott auf seinem Stuhl konnte sitzen
sehen. Als er aber so weit gekommen war, legte er seine
Flügel zusammen, sank herab und rief mit feiner, durch-
dringender Stimme: „Kônig bün ick, Kônig bün ick!“ —
12
„Du unser Kônig?“ schrien die Vogel zornig; „diu’cb
Ranke und List hast du es dahin gebracht.“
Sie machten eine andere Bedingung ; der sollte Konig
sein, der am tiefsten in die Erde fallen kônnte. . . . Der
Kleine ohne Namen aber suchte ein Mâuseloch, schlüpfte
hinab und rief mit seiner feinen Stimme heraus: „ Konig
bün ick, Konig bün ick!“
Sie beschlossen, ihn in seinem Loch gefangen zu
halten und auszuhungern. Die Eule machte die Wache.
In der Nacht aber wurde sie müde, tat ein Auge zu und
schaute mit dem andern steif in das Mâuseloch. Der kleine
Kerl guckte mit dem Kopf heraus und wollte wegwitschen,
aber die Eule trat gleich davor, und er zog den Kopf
wieder zurück. Dann tat die Eule das eine Auge wieder
auf und das andere zu und wollte so die ganze Nacht
abwechseln. Aber als sie das eine Auge wieder zumachte,
vergaB sie, das andere aufzutun, und sobald die beiden
Augen zu waren, schlief sie ein. Der Kleine merkte das
bald und schlüpjfte weg.
Von der Zeit an darf sich die Eule nicht mehr am
Tage sehen lassen . . . Auch der kleine Vogel lâBt sich
nicht gerne sehen, weil er fürchtet, es ginge ihm an den
Kragen, wenn er erwischt würde. Er schlüpft in den
Zâunen herum, und wenn er ganz*sicher ist, ruft er wohl
zuweilen: Konig bün ick, und deshalb nennen ihn die
andern Vogel aus Spott Zaunkônig.
§ 3. Cette fable, racontée déjà par les anciens, fit
le tour de TEurope au mojen-âge, à une époque où tout
le monde était avide de fables allégoriques et de contes
merveilleux, et où la science exacte était inconnue. En
fait de zoologie, la période médiévale ne connaît guère
que des ouvrages moralisants où la plus large part est
faite à l’allégorie. Le Physiologus est le modèle du genre.
La zoologie du moyen-âge s’y étale dans toute sa bizar¬
rerie. A côté de récits curieux, cet ouvrage médiocre
contient surtout des descriptions d’animaux étranges et
de pays fabuleux. N’oublions pas que la théologie, en
ce teinps-là, absorbait toutes les forces intellectuelles de
l’homme. La nature n’existait que pour autant qu’elle
13
lui était utile ou qu’elle pouvait lui servir à démontrer
la puissance de Dieu, mais il ne la trouvait pas digne
d’être observée et étudiée pour elle-même. Par contre
on écoutait avec intérêt les fables, comme on aimait les
récits étranges et les contes allégoriques.
La fable du roitelet et de l’aigle ne se trouve pas
dans le Physiologus. Cependant on la connaît au XIIP"'®
siècle. 1) Puis elle se répand rapidement ; 2) son cadre
s’élargit de plus en plus et l’on 7 voit apparaître l’ob¬
servation des allures singulières du troglodyte, le détail
caractéristique qui nous charme dans la version de Grimm.
On invente l’épisode du chat-huant, qui fait suite au récit
primitif. 3) Et ce n’est pas tout; la fable est prise comme
réalité par les savants, qui la reproduisent dans leurs gros
ouvrages latins sur l’histoire naturelle des oiseaux.^)
En France aussi elle se répand un peu partout.^)
Grimm a retrouvé ce conte populaire dans un recueil de
fables que le rabbi Barachia Niktani versifia dans la deuxième moitié
du XIII®“* siècle en langue hébraïque, et il en a publié une tra¬
duction dans la Zs. de Wolf, Fur die Mythologie und Sittenkunde,
I, II, III. Thomas Catimpratensis (Liber de natura rerum, XIir“®
siècle) raconte que le roitelet osa disputer à l’aigle sa royauté.
2) Au XV®”® siècle, on écrivit en Allemagne beaucoup de
poèmes dialogués où tous les oiseaux viennent donner un conseil
à leur roi nouvellement élu, le roitelet (cfr. Pfeiffer, Vas Marchen
vont Zaunkônig, Germania, t. VI, p. 80). A la même époque l’ancien
nom wrendo, qui subsiste encore dans l’anglais icren, fut remplacé
par la traduction du latin „regulus‘‘ ; Kôniglin, plus tard Zaunkbnig,
contamination de Zminschlüpfer avec Kôniglin.
Ce conte est connu dans l’Allemagne entière, en Irlande
et en Hollande (Goyert et Walter, Vlàmische Sagen, Legenden und
Volksmarchen, p. 199). Le nom lithuanien du troglodyte karalius
et le nom polonais krolik qui signifient aussi roi, prouvent qu’il
était aussi connu des Slaves. Il y a également une version roumaine,
contenant l’épisode du chat-huant (publiée dans la Rev. des trad.
pop., VIII, 595).
^) C. Gefiner dans son Vogelhuch (p. 65 de l’édition allemande
de 1581) et Aldrovande (t. II, p. 649).
^) J’en puis citer les versions suivantes: En Basse-Bretagne
c’est Jésus-Christ qui rassemble tous les oiseaux et fait roi celui
qui vole le plus haut (Luzel, Contes populaires de Basse-Bretagne,
III, p. 231). On trouvera encore d’autres versions, celles des Côtes-
du-Nord, dans P. Sébillot (Rev. des trad. pop., II, 215), et une ver-
14
§ 4. Chez les Celtes aussi, la légende s’est emparée
du roitelet. Ainsi les habitants de l’île de Man croient
que le roitelet est une fée métamorphosée. Voici ce qu’ils
racontent à ce sujet: Une fée très belle, qui attirait les
hommes à elle pour les noyer, était poursuivie pour ses
méfaits. Traquée de toutes parts et sur le point de tomber
entre les mains des chasseurs, elle réussit à leur échapper
en se changeant en roitelet. Dès lors, elle est condamnée
à revêtir la forme du petit oiseau chaque année, le premier
jour de l’an. Ce jour-là, les hommes font une chasse
acharnée au pauvre roitelet. Ils le tuent, mais il con¬
servent ses plumes comme talisman contre les naufrages
au cours de l’année commencée.^)
A Carcassonne, le premier dimanche de décembre les
jeunes gens font la chasse au roitelet au moyen d’une
gaule. Le premier qui abat un de ces oiseaux est pro¬
clamé roi; on le fête par un cortège et un festin le jour
des Rois.^) Sébillot trouve obscurs le motif et l’origine
de cette coutume. Peut-être y a-t-il lieu de la rapprocher
de la légende celtique.
Rolland décrit d’après Bar j aval (Dictons du dépar¬
tement de Vaucluse, 1853) une coutume semblable existant
naguère à Entraignes où les jeunes gens cherchaient la
veille de Noël à prendre une petouze (troglodyte) vivante.
Ils l’apportaient au curé qui, après la messe de minuit,
montait en chaire et la lâchait dans l’église. Celui qui la
sion champenoise (Rev. des trad.pop., I, 389). La fable de l’Auvergne
est publiée ibidem, XII, 549. Bladé {Contes populaires de la Gas¬
cogne, Paris 1885, III, p. 218) en donne une version un peu mo¬
difiée. Il ne s’agit plus de l’élection d’un roi, mais bien du courage
du roitelet osant braver l’aigle. Parmi les correspondants du Glos¬
saire de la Suisse rom., ceux d’Ormont-dessus. Montherond, Trient,
Sales, Estavayer, Charmoille rapportent cette fable à propos du
mot roitelet.
Adalbert Kuhn, Die Herkunft des Feuers und des Gotter-
tranks, 1859, p. 107.
Uhland (Schriften, III, 82) raconte une chasse semblable le
jour de St-Etienne, dans le sud de l’Irlande; mais il n’en connaît
pas la raison.
2) Baron Trouve, Description du département de V Aude, 1819,
II, 383.
15
rapportait était exempté de la dîme des olives pour une
année ou béni par le curé. Au sortir de l’église, chacun
complimentait le „rei de la vaquete“.i)
Aldrovande raconte une autre très jolie coutume,
dont il prétend avoir entendu parler en Gaule : Le jour
des Rois les parents troglodytes assemblent toutes leurs
nichées de l’année — et il semble qu’elles soient nom¬
breuses — et chantent en chœur avec elles. Rolland cite
la même légende pour la Normandie.
Nous voyons donc que l’oiseau a joué un rôle lé¬
gendaire déjà chez les Celtes, ce qui nous expliquera la
survivance du nom celtique sur une grande étendue de
la France.
§ 5. Dans le nord de la France, surtout en Nor¬
mandie, le roitelet est l’oiseau béni, l’oiseau du bon Dieu
( God!s hen en Angleterre [cfr. § 58]). On n’ose ni le tuer
ni le dénicher. Celui qui commet l’un de ces actes est
sévèrement puni par le feu du ciel ou par quelque autre
malheur, ceci pour avoir renouvelé à notre Seigneur le
supplice de la croix (Nièvre).
Dans les Vosges et en Franche-Comté le roitelet est
considéré comme portant bonheur. Il avertit du malheur
en criant: kiki, kiki (Nièvre). Il joue le rôle attribué
ailleurs à l’hirondelle, au rouge-gorge et quelquefois aussi
à la bergeronnette.
Dans la France centrale, où cette légende a sa ré¬
percussion sur les noms, on ajoute à quoi il doit le privi¬
lège d’être l’oiseau du bon Dieu. On le fait participer
à la vie du Seigneur ou de quelque saint. C’est lui qui
apporta toute la mousse et tout le duvet de son nid pour
faire une couchette à l’enfant Jésus (Berry, Sébillot). Il
assista à la naissance du Seigneur et fît son nid sur la
crèche de Bethléem (Périgord, Rolland). En Basse-Bretagne
on lui donne le rôle joué ailleurs par le rouge-gorge.
C’est lui qui essaya d’arracher les épines du front san¬
glant du Christ ; on dit qu’il lui en resta une tache de
sang (Sébillot). Dans le Limousin il passe pour avoir
Vaquete est un nom du troglodyte (cfr. § 59).
16
voulu sauver le Seigneur, car lorsque Judas cherchait
son maître caché sous des javelles et que le geai l’eut
dénoncé en criant: „sous lou javelat“, c’est le roitelet
qui répondit: „Tais-te, tros de couqui“ (tais-toi, espèce
de coquin, Sébillot, III, p. 160).
Dans les Côtes-du-Nord il est le premier à chanter
l’alléluia lorsque les oiseaux fêtent la Résurrection, parce
qu’il ne travaille jamais le dimanche (Sébillot). i)
Mais il n’est pas seulement un oiseau béni qui porte
bonheur. On croyait en Belgique 2) que lorsqu’on le prend,
il y aura bientôt un décès dans la maison. A Evolène il
suffit qu’un roitelet apparaisse près d’une demeure pour que
les habitants y voient un présage de mort prochaine (Gloss.).
On rapporte sur le compte du roitelet d’autres choses
encore qui ont moins de rapports avec les noms. Je les
laisse de côté.
§ 6. Le roitelet est l’oiseau-fée et l’oiseau béni qui
a rendu de grands services à l’homme, mais comme
celui-ci est toujours ingrat, il fait de son bienfaiteur l’objet
de sa raillerie. Il se moque de son impertinence, de son
orgueil et de sa vantardise si ridicule chez un être d’une
taille aussi exiguë. Lorsqu’il se balance sur une branche,
on interprète son chant ironiquement par: „dir, dir, pa
na dor“ (acier, acier, puisqu’elle ne rompt pas, Bretagne,
Rolland), ou: „bisqua, qu’on es fort“ (Rolland), ou: „ne
te casse pas ! me portras tu ben (Sébillot).
En Poitou le roitelet raconte à un moineau qu’il
vient d’un pays lointain où il fait si froid qu’on s’y chauffe
avec des bûches grosses comme sa cuisse (Pineau, Les
contes popidaires du Poitou, Paris 1891).
Le roitelet, être béni et bienfaisant, joue aussi son rôle
à côté du rouge-gorge, de l’alouette et de l’hirondelle dans la
légende qui explique la descente du feu chez les hommes (M®“*
Bosquet, La Normandie merveilleuse), en Ille-et- Vilaine et en
Wallonie (Rolland), en Poitou (Sébillot), en Suisse à Frenières
près de Bex (Glossaire). Mais la plus jolie version que je connaisse
est celle que le Bourguignon Colas Breugnon raconte à sa petite-
fille Glodie (Romain Rolland, Colas Breugnon, p. 15).
2) Schages, Essai historique sur les usages, les croyances, etc.,
des Belges, 1834, p. 232.
17
Il se vante d’être si bien approvisionné qu’il est dans
le froment jusqu’aux genoux {Rev. des trad. pop., V, 571).
Rolland (compl.) raconte une vantardise encore plus
forte d’après Her vieux, Fabulistes lat., IV, 183, Le tro¬
glodyte se vante de pouvoir retenir le soleil avec ses
pattes, si celui-ci venait à tomber. Mais voici qu’une
feuille d’arbre tombe, et l’oiseau épouvanté s’envole et
appelle St-Martin au secours.
Cette ironie populaire vis-à-vis du troglodyte, elle
aussi se retrouve dans les noms.
3. Histoire du folklore, description, confusion
des oiseaux.
§ 7. Nous venons de voir ce qu’on dit dans le peuple
du plus petit oiseau d’Europe, du troglodytes europæus
ou troglodytes troglodytes. Les auteurs montrent qu’ils
connaissent bien le caractère du petit compère rusé: Le
troglodyte, sorte de petite boule brune, continuellement
en mouvement, se fourre partout et sautille de pierre
en pierre, de branche en branche. Comme il vole très
mal, il reste toujours près de terre. Sa queue se dresse
presque verticalement en l’air, ce qui contribue à lui
donner, malgré sa petitesse — il n’a que 10 cm de lon¬
gueur — un air dégagé, gai, un peu impertinent, qui
provoque l’ironie. A côté de son chant très beau qu’on
peut entendre aussi en hiver, il se fait remarquer par
un cri bruyant, peu en proportion avec sa petite taille :
zerrrrr, zerrrrr, zerrrrr . . . Lorsqu’il a peur, les cris se
suivent plus rapidement; on entend alors des zeck, zeck,
zeck . . . très forts. On le rencontre dans toute l’Europe.
Dans les Alpes il s’élève jusqu’à la limite des arbres.
§ 8. On reconnaît bien des traits caractéristiques du tro¬
glodyte dans le folklore ; mais on y retrouve aussi d’autres
traits qui ne sauraient se rapporter à cet oiseau. Quelle
raison aurait-on eu de traiter d’oiseau béni le petit être
impertinent ou de lui attribuer le rôle de roi des oiseaux?
Cela encore pourrait être de l’ironie. Mais je crois plutôt
2
18
reconnaître dans la fable de l’aigle et du roitelet, avec
Soulahti et d’autres, un conte étiologique, c’est-à-dire un
conte qui explique un phénomène naturel quelconque, une
habitude ou une particularité extérieure d’un être vivant,
telle la charmante histoire que S. Lagerlôf raconte du
petit rouge-gorge dans ses „Christus-Legenden“. On aura
d’abord donné le nom et le rôle du roi des oiseaux non
pas au troglodyte, mais à son congénère de même taille,
au regulus cristatus, ou au regulus ignicapillus, au vrai
roitelet ou roitelet crêté. Ces oiseaux portent sur la tête
un ou trois bandeaux orange plus ou moins clairs et
prononcés suivant le sexe et l’âge ; celui du regulus igni¬
capillus ou roitelet d’été est plus foncé que celui du
regulus cristatus ou roitelet d’hiver. Au moment de l’ac¬
couplement le mâle hérisse ses plumes qui ressemblent
alors à une belle couronne couleur de flamme. De là
son nom de roi. A part cela il a une livrée peu
éclatante, d’un gris verdâtre plus foncé sur le dos que
sur le ventre. Le regulus a donc un plumage et aussi
un caractère très différents de celui du troglodyte. C’est
un oiseau timide, délicat, difficile à voir de près, parce
qu’il préfère rester au sommet des arbres. Là le petit
oiseau si vif sautille sans cesse de branche en branche
avec les mêmes mouvements gracieux et agiles que les
petites mésanges dont la sociabilité de notre oiseau lui
fait rechercher la compagnie. Son chant, un „si, si, si*^ très
faible, beaucoup moins bruyant que le ,.,zenTr, zerrrr“ de
son cousin des sous-bois, ressemble aussi à celui de quel¬
ques petites espèces de mésanges, avec lesquelles le pro¬
fane le confond assez souvent.
§ 9. On aura donné le nom de roi au regulus à
cause de sa couronne. Ensuite, le regulus étant moins
fréquent que le troglodyte, plus timide, ne se laissant
pas approcher, tandis que le troglodyte est beaucoup
plus familier, on appliqua le nom très expressif de roi¬
telet au troglodyte. Il fallut alors inventer une fable pour
expliquer ce nom de petit roi appliqué au troglodyte. C’est
ce qu’on fit en imitant d’autres fables racontant l’élection
d’un roi des animaux ou des oiseaux spécialement. Ces
19
fables sont très fréquentes dans le folklore de tous les
I)euples.i) Le troglodyte y représente le type de l’étre
faible qui, grâce à sa ruse, triomphe d’un plus fort que
lui, type que le peuple aime beaucoup et qu’il a illustré
dans le roman du renard. Le roitelet et l’aigle font un
pendant au renard et au loup de ce roman.2) Ce rôle
de dupeur du plus fort correspond fort bien au troglo-
dj^te, mais pas du tout au roitelet crêté.
§ 10. La confusion de deux oiseaux différents ne
doit pas trop étonner. Nous rencontrons beaucoup de cas
semblables. L’homme ne connaît guère les animaux et
les plantes (]ui ne lui sont d’aucune utilité.^)
Les noms donnés aux oiseaux ne décèlent pas une
connaissance bien profonde de leurs habitudes ni une ob¬
servation très exacte. Un premier coup d’œil, une per¬
ception auditive superficielle les ont souvent suscités.
L’étude des naturalistes grecs et romains montre du
reste clairement que les deux oiseaux, le troglodyte et
le regulus, n’étaient pas nettement distingués dans l’anti¬
quité. On se figure aisément qu’au moyen âge, où la
nature était moins connue que dans l’antiquité, cette con¬
fusion persista. Au XVU"™® et siècle la plupart des
naturalistes savaient qu’il y a deux espèces d’oiseaux
que le vulgaire appelle roitelet, mais ils ne les distin¬
guaient pas (voir Aldrovande). Brisson fit ce que GeLner
avait fait longtemps avant lui : il donna une description
assez exacte du plumage et des habitudes des deux oiseaux.
9 Comparez la jolie fable de Marie de France, N° 46 de
l’édition de Warnke, et Warnke, Die Quellen des Esope der Maine
de France, Festgabe fur Hermann Suchier, 1900, p. 196.
2) Grimm raconte aussi une guerre entre le troglodyte et l’ours.
Beauquier, Faune et Flore franc-comtoise, dit que les pay¬
sans confondent de grands oiseaux comme l’aigle, la buse et le
milan entre eux et leur donnent à tous le nom d’aigle.
Je me rappelle avoir connu le nom du „Zaunkdnig‘‘ longtemps
avant de connaître l’oiseau. Le nom me resta, parce qu’il m’avait
frappé, et une fois que j’observais de très petits oiseaux, je les
appelai des roitelets bien qu’ils n’en fussent certainement pas.
Peut-être pouvons-nous expliquer de la sorte le fait qu’on attribua
au troglodyte le nom du roitelet.
20
Buffon enfin remit les choses au point. Un peu brutale¬
ment, il refusa catégoriquement au troglodyte le nom de
roitelet, bien qu’on l’employât dans toute la France, et il
le baptisa arbitrairement du nom grec troglodyte. Cette
désignation fut adoptée par la langue littéraire.
Mais le vulgaire ne distingue guère ces deux oiseaux
pourtant si différents l’un de l’autre. J’ai donc renoncé
à séparer dans mon étude linguistique les noms du tro¬
glodyte de ceux du vrai roitelet. Je dirais seulement que
la plupart des noms désignent le troglodyte, le plus fré¬
quent, le plus facile à voir, celui qui se fait le plus re¬
marquer. Je consacrerai cependant à la fin de mon travail
un chapitre spécial aux noms qui, par leur étymologie
et d’après le témoignage de ceux qui les notent, appar¬
tiennent certainement au regulus cristatus. Ils sont en
petit nombre et manquent complètement dans beaucoup
de contrées.
4. Noms grecs et latins du roitelet.
§ 11. M. Fritz Robert donne pour le troglodytes et
le regulus les noms suivants : Tp6/i7.oç, c’est-à-dire le
coureur (qui désigne aussi le pluvier d’Egypte), pa(7'A£üç,
le roi, appartenant sans doute au fond au roitelet huppé
et au roitelet à triple bandeau, pa(7i>i(r/wOç, Trpécrp’jç, le
vieillard, Tupavvoç. Aétius (11,11) l’appelle aussi
B'jttjÇ, c’est-à-dire celui qui habite des trous et des cavernes.
Aristote {NaturgescMchte der Tiere^ 10 Bûcher, deutsch
von A. Karsch, VIII, 5) dit du qu’il vit dans le
voisinage de l’eau, qu’il se nourrit de vers, qu’il est très
petit, mais agile et qu’il habite des buissons épais et des
cavernes. Ceci repose sur une observation très juste.
Ensuite il raconte que l’aigle est son ennemi à cause de
son nom ^olgiIz'jç] ce qui prouverait qu’ Aristote avait
connaissance de la fable. Par il entend sans doute
le roitelet crêté, car il dit que le Tüpawoç n’est pas beau¬
coup plus grand que la sauterelle, qu’il a une huppe jaune
et qu’il est un charmant petit oiseau, très bien fait.
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21
Les Romains empruntent aux Grecs le mot gi’ec
trochilus pour désigner le roitelet (Plini Secundi, Natu-
ralis Historiae, Ausgabe von Jul. Sillig, 1. VJU, 25; X, 74;
Ammiani Marcellini, Rerum Gestarum libri qui supersunt,
éd. Ejssenhardt, XXII, 15, 19). Mais nous cherchons
en vain chez eux une description de ce trochilus dans
la littérature latine. Tout ce que nous y trouvons, c’est
que ce petit oiseau (parva avis, avicula brevis) cherche sa
nourriture dans la gueule béante du crocodile dormant.
Pline (X, 74) paraît connaître la fable du roitelet et de
l’aigle, car il cite, parmi beaucoup d’autres disputes entre
oiseaux, la guerre entre le trochilus et l’aigle, causée par
le nom de rex aviutn qu’on donne au trochilus en Italie.
La fable elle-même ne nous est pas transmise par les
anciens, autant que je sache.
Un oiseau nommé régulas, diminutif de rex, est
mentionné dans V Anthologia Latina de Alex. Riese, 762, 43 :
„Regulus atque merops et rubro pectore progne.
Consimili module zinzilulare sciunt.“^)
Peut-être Suétone parle-t-il aussi du roitelet dans le
passage suivant (Suétoni Tranquilli, De vita Caesarum,
liber 1, Divus Julius, § 81, éd. Roth) : „Pridie autem
easdem Idus avetn regaliolum, cum laureo ramulo Pom-
peianae curiae se inferentem, volucres varii generis ex
proximo nemore persecutae ibidem discerpserunt. “ Sa mort
est ici un mauvais augure, ce qu’on croit encore aujour¬
d’hui en quelques endroits (voir introduction, § 5).
Voici les autres formes que donne le Corpus Glos-
sariorum Latinorum (ces formes sont presque toujours
traduites par le grec padt'Xicr/.oç = petit roi, qui est aussi
le nom d’un serpent. On ne peut donc savoir ce que les
Glossateurs entendent dans chaque cas spécial) ; regulus
basiliskos, II, 256, 18; III, 91, 2; 188, 15; 259, 61;
305, 16 ; 472, 39 ; 490, 26 ; 510, 53. Deux gloses :
regillus regulus, IV, 385, 50 ; V, 609, 18. Regaliolus
désigne notre oiseau, puisqu’une fois ce mot est rendu
0 Le merops paraît être le guêpier (merops apiaster).
22
par spinnos (pinson), III, 89, 71, les autres fois par ba-
siliskos, III, 360, 32. i)
Rolland (compl.) ajoute rupîdo, senator, regaliotus
(anc. nomencl.y Brujerinus, De re cib., 1560, p. 816),
magus avium (W. Stokes, Comac's Gloss., 1868, p. 60),
fucîla (Gœtz, III, 188, 21) est probablement une erreur
du copiste pour fulica (la macreuse).
0 D’autres formes en sont regariolus, III, 319, 10; 433, 1;
510, 73; reguariolus, III, 19, 19; ripariolus, III, 416, 42 (plutôt
rhirondelle du rivage); greguariolus, III, 17, 44; gregariolus^ III,
397, 49 (plutôt la bergeronnette); regaviliolus, spinnos, II, 171, 12;
regausoliis.
B. LES NOMS FRANÇAIS.
§ 12. On peut s’inspirer de différents principes pour
désigner les oiseaux. Suolahti (introduction, p. 27) en
distingue trois critères principaux : la voix, l’extérieur et
les mœurs de l’oiseau. Il constate en outre que fré¬
quemment les noms de personnes passent aux oiseaux.
Pour Bonelli (p. 374) ce sont: la couleur des plumes,
le chant et la nourriture préférée. Il ajoute, pour prévenir
tout schématisme : .„Ma il popolo non obbediva a nessuno
schéma mentale, ma pur di un medesimo oggetto l’ im-
pressione varia a seconde dell’ indole fisiologica e psicologica
di chi avverte o considéra. “
Je distinguerai pour les noms du roitelet, en prenant
pour base plutôt les couches de la géographie linguistique,
les groupes suivants :
1. Les noms évoqués par le conte antique du roitelet
et de l’aigle.
2. Les noms dérivés de hitriskus, mot probablement
prélatin.
3. Pétaret et ses dérivés.
4. Les noms de formation romane.
1. Les noms formés sous l’influence du conte
antique du roitelet et de l’aigle.
§ 13. La tradition latine manque pour beaucoup
d’oiseaux. H. Büskens cite comme tels la fauvette (p. 13),
le gros-bec (p. 35), la linotte (p. 39). On pourrait cer¬
tainement en augmenter le nombre.
D’autres oiseaux possèdent bien un nom latin, mais
celui-ci n’a laissé aucune trace en France, telle la bergeron¬
nette par exemple. (Le mot rîiotacilla n’a peut-être pas pu
pénétrer en France parce qu’il y avait le mot hirhicariolus.)
24
Enfin le nom français peut correspondre à un nom
latin sans en être une continuation directe. C’est le cas
pour le chardonneret (cardu-elis ou cardu-us) et pour
le roitelet.!)
Pour celui-ci, à l’exception d’un orchil savant, ab¬
solument isolé dans Remy Belleau (Œuvres, éd. Gaiv.,
II, 257) qui est une mutilation de trochilus, aucun des
noms de l’antiquité ne s’est continué directement dans
les langues romanes. Par contre ils furent importés plus
tard avec la fable et traduits alors en langue vulgaire.
Cependant régulas n’a pas pu pénétrer facilement en
France parce qu’on y avait un nom celte pour le roitelet
(Bitriskus).
§ 14. Ainsi rex avîum ou simplement rex apparaît
déjà en 1572 (Rolland, compl.),^) ensuite dans Cotgrave,
aujourd’hui spontanément dans le midi de la France :
Roi (carte .„roitelet“ de l’Atlas linguistique, aux points 674,
669, 771, 781, 777, 602, 800, 904, 813, 837, 777, 882,
898), roi des oiseaux (aux points 702, 812, 815, 825,
822, 980, 877, 883 de l’ALF). H se retrouve dans le
nord et dans le centre de l’Italie. Un ro et un ra d’ ouhé
sont aussi signalés dans les Vosges par Bloch et Raillant
(à St-Amé), un re tout à fait isolé dans la Manche (Rol¬
land, compl.). Le correspondant du Glossaire à Estavayer
connaît un ra.^)
§ 15. La forme féminine regina à Nice (Rolland)
est intéressante. Elle doit être venue du Piémont où on
appelle le roitelet huppé regina^ regineta (Bonelli).
!) Il est vrai que les deux mots ne se développent pas tout
à fait parallèlement parce que le mot qui est la base (carduus)
change aussi en card(u)one (chardon) et le mot dérivé suit ce
changement parce que la composition est encore transparente.
2) Dans Thierry: Dictionnaire François-Latin, corrigé et
augmenté par J. Thierry ; de plus, il y a à la fin un traité d’aucuns
mots appartenant à la Venerie pris du deuxième livre de la philo¬
logie de M. Bu dé, Paris 1572.
Cfr. le pisan re, rei à Nice (Merlo), re di üsii à Milan
(Flecchia et ailleurs dans le nord de l’Italie), araig dans l’Engadine
(Pult).
25
Les mots empereur et prince qui sont peut-être
aussi en rapport avec la fable ne désignent en France
que le roitelet huppé.
§ 16. Les désignations formées d’après le modèle du
latin régulas sont cependant beaucoup plus fréquentes et
plus généralement répandues, parce qu’on a une tendance
à employer des diminutifs ou suffixes caritatifs
pour désigner les oiseaux chanteurs : Alou-ette, moin-eau.
Souvent on ajoute même au premier* suffixe diminutif
une seconde terminaison plus vivante : berger-onn-ette,
rossign-ol-et, chardonn-er-et. A plus forte raison ce pro¬
cédé s’explique lorsqu’il s’agit du plus petit oiseau connu
en Europe. On ne trouve presque pas assez de suffixes
à ajouter l’un à l’autre pour rendre l’impression de sa
petitesse. Il arrive toujours un moment où le mot employé
jusqu’alors perd sa valeur affective par l’usage. On ne
sent plus la diminution ; on rallonge alors le mot primitif
par un nouveau suffixe. i)
Le suffixe -ulus diminutif que renferme le latin
regulus n’était plus guère vivant en français.^) On forma
les nouveaux diminutifs avec d’autres suffixes.
§ 17. Nous trouvons deux gloses regillus: regulus
dans le Corp. Gloss. Lai., IV, 385, et V, 609. Cette forme
vit encore dans le sud de l’Italie, seule contrée ou -illus
ne fut pas remplacé par -ellus, sous la forme de riillu
en Calabre (Meyer-Lübke), renîllo à Naples (Salvioni
indique cette forme en expliquant dans; Rendiconti del
Isiituto lornh.j XLIV, 806), jerillo (ibidem, XLIV, 787),
riiddu en Sicile (Merlo).
a) Les trois étapes de roitelet.
La plupart des formes françaises remontent à un
REX avec le diminutif -ittus: reiet ou à ses variantes
reîot, reiat comme premier membre de la grande chaîne
1) M. Gauchat fait la même constatation pour le mot écureuil.
Il dit: „Plus on tend à exprimer la petitesse de l’objet, plus le
mot s’allonge" (Les noms gallo-romans de V écureuil, Mélanges Wil-
motte, p. 175—201).
Cfr. Meyer-Lübke, Grammatik der romanischen Sprachen,
Bd. 2, Formenlehre, §§ 430 und 500.
26
des diminutions, parce que le suffixe -ittus est très
répandu ; c’est le suffixe diminutif par excellence, tout
au moins dans le nord de la France,^) et celui qui sert
à former des petits noms. Mais à l’exception de l’Ile de
France, du franco-provençal et de la Belgique, ce type
ne forme pas de grandes zones d’expansion. Il se ren¬
contre un peu partout. Les témoignages manquent ce¬
pendant totalement pour la Bretagne, l’Anjou et le Poitou.
Il est difficile de distinguer les formes autochtones
des formes importées de Paris, parce que l’importation
d’un mot a pu avoir lieu à des époques diverses, et qu’il
a été plus ou moins assimilé.
La première étape du francien roitelet : reiet, est re¬
présentée dans la France septentrionale par un seul reste:
royat dans l’Aube (Ray, Catalogue de la Faune de V Auhe,
Troyes, 1834). La variante reiot paraît subsister encore
en Normandie sous la forme rîo (Brion, Lexique du patois
de la Villette, Calvados).
Dans le midi de la France, ces formes apparaissent
plus fréquemment que dans le nord, peut-être seulement
parce que ma carte y est plus complète : réyét au point
659 (dép. de Tarn-et-Garonne), réyàt dans les Landes
et en Gironde aux points 643, 656, 664, 665, 672, 681.
§ 19. Tandis que reiet ou reiot sont à la base de
presque tous les diminutifs de roi qu’on forma en France,
rei-etel avec une diminution double est propre à la partie
septentrionale seulement.
Godefroy donne les exemples suivants pour rei-etel:
1. Il estoit mendre d’un moisson et pou graindre
d’un roietel (Lai de V oiselet, 83). (Ce Lai est écrit en picard-
francien et date du premier quart du treizième siècle.) 2)
2. Si ravoit aillors granz escoles de roietiaus et de
torteroles {Le roman de la rose, éd. par Langlois, p. 648).
(Premier tiers du treizième siècle.)
9 Lo suffixe diminutif -ittus fut ajouté d’abord (inscriptions
romaines de l’époque impériale) à des noms propres féminins (cfr.
Nyrop, Grammaire, III, Formation des mots, § 220).
2) Le Lai de l’oiselet dans les Légendes du moyen âge de
G. Paris, p. 274.
27
3. Après chanta li routé à haute vois sérié (de Venus,
la déesse d^amor, str. 127), d’après Godefroy.
Reietel est encore en usage aujourd’hui dans le nord
de la France et en Belgique.^)
§ 20. La troisième étape de regulus est représentée
par rei-etelet, forme à triple diminutif, encore en usage
en français moderne.
On trouve roitelet déjà dans le Compl. de Godefroy
dans les exemples suivants que je ne puis ni identifier
ni localiser:
Un petit oiseau nommé roytellet (roman d^ Alexandre,
B. N. 15468, fo. 211 b).
Le ratellet des maisons (kaland. des herg., p. 164, 1493).
Toutefois le roitelet se trouve son ami pacifique
(Saliat, Herod., II, f. 470 et 1561).
Reietelet, apparamment développé spontanément, se
trouve encore aujourd’hui en Normandie, en Belgique et
dans les Vosges.^)
Beaucoup de formes de la France du nord et surtout du
nord-est remontent a reietelot (avec suffixe -ot).^) M. Ed-
mont (Lexique St-Polois) donne rotlô à côté de rotléA)
9 Roietai (Sélys-Longchamps, Faune de Belgique, 1842),
roytê à St-Hubert {Rev. des pat., IV, 211), rôtia (Grandgagnage,
Dictionnaire wallon., 1846 [-ellus > ya dans une partie de la
Belgique, cfr. carte nouveau, bateau]), rotay au point 191 de l’ALF,
à Metz reutée (Jaclot, Le Lorrain peint par lui-même, 1853 — 54
[reii — roi]), à la Poutroye raHd (Horning, Ostfranzosische Grenz-
dialekte [-ellus donne e*]), dans le dép. de la Marne roytiaus
(Tarbé [-ellus y donne yo]), à Jersey rëtê (ALF [-ellus > ê,
carte bateau]).
2) ritlé au p. 258 (Seine-Inférieure), à Abbeville rutelet (Mar¬
cotte, Les animaux vertébrés de V arrondissement d'Abbeville, 1860),
rotlé aux p. 290 et 275 (Pas-de-Calais), roetlé au p. 288, roûVlet
dans le Luxembourg, ret’la à Kemilly près Metz (Rom., II, 451),
rétlé dans les Vosges méridionales (Bloch). Mentionnons aussi
râtela (m.) dans l’Yonne (Eolland, compl.), et ratelâ dans le
Morvan (Chainbure).
^) Cfr. sur ce changement de suffixes I. Gilliéron, Pathologie
et Tlwrapeutique verbales, 1921, p. 156 ss.
^) D’autres formes semblables sont: rotliot aux environs de
Cambrai (Boniface, Histoire du village d’Esne. 1863), ru°tlu° au
p. 271 (dép. du Nord) de ALF.
28
Les données pour les départements de l’Oise, de
l’Aisne et des Ardennes me manquent complètement. —
On trouve ritlô au point 128, rtUlô aux points 110
et 112 (dép. de l’Ailier) et dans Baudouin (Diction¬
naire de la Forêt de Clairvaux). Rolland donne cette
forme pour Châtillon-sur-Seine,^) rwétlô dans les Vosges
(Bloch), raitelot à Marigny-Arbois (Beauquier), rételo dans
le Jura (Monnier, Langue rustique du Jura, p. 198),
rètelo à Mesnay (Rev. de Phil.fr., XIV, 47), à côté de
rételin isolé à Mouthier (Beauquier), rootelot dans l’Ajoie
(Guélat, Patois de VAjoie, 1820).
b) La zone d’expansion récente du mot littéraire.
§ 21. Cette zone a un aspect curieux. Pour l’Ile
de France et les contrées environnantes, ma carte est
incomplète; je pense que l’aire de roitelet y est assez
étendue. Sans cela, à l’exception de Lyon et du dép.
de l’Ain, où une assez grande zone du type parisien
s’est superposée à l’ancienne couche répétéré, rwatlé
( râtelé) ne se trouve qu’à des points isolés entourés tout
autour d’autres types. C’est que le mot parisien ne s’est
pas transmis oralement; il s’est répandu par la langue
littéraire qu’on enseigne à l’école.
Il en est de même pour les quelques formes du Jura
bernois : Rotelai à Bonfol, rotlé à Mettemberg ( Glossaire).
Une zone de roitelet s’est formée dans la France centrale
(p. 506, 601, 901, 802, 803, 806, 804, 811, 814). A l’est
on dit rwatlêt aux points 973, 847. Nous trouvons aussi
en Provence des points isolés auxquels l’expression
venue de Paris s’est imposée, p. 895 (Var), 851 (Gard),
830 (Lozère). A l’ouest nous la rencontrons aux points
549, 675 (Gironde), 649, 635 (Tarn-et-Garonne), 695
(Hautes-Pyrénées). J’aurai l’occasion de démontrer dans
la suite que partout ce mot nouveau est venu combler
une lacune.
Aux p. 705, 750 (Puy-de-Dôme) et 760 (Haute-
Garonne) on dit rastélé(t). Ces points se trouvent à côté
9 Dans cette région -ottus semble être préféré à -ittus:
il remplace ce dernier aussi sur les cartes „œillet“, „alouette“.
29
d’endroits où l’on dit roitelet et dans la région où s s’est
conservé devant t (cfr. carte fenêtre); ie point 705 est
sur la limite de s conservé. Cet s s’expliquera donc par
fausse régression : à fenêtre de la langue écrite correspond
fenestre dans la langue parlée, à râteau rasfel, à roitelet
donc rastelet, car on ne reconnaissait point dans ce mot
la racine regem, qui, dans cette région, a donné rei, re.
Thibaut (Dictionnaire hlaisois) atteste une forme roistel
qu’il dit être vieillie; il n’indique pas sa source. Peut-
être cet s est-il purement graphique et date-t-il du temps
où l’on commençait à ne plus prononcer le s devant t
tout en l’écrivant encore.
§ 22. Tandis que roitelet était déformé en rastelet
au p. 705, il devint phonétiquement ratéré au p. 709
(Cantal) (cfr. molinum mûri). Ratéré fut confondu
avec un autre nom d’oiseau existant déjà en ancien proA^,
avec rater o(l) <i *ratariolus H- rat qui désigne soit
le grimpereau (Certhia familiaris) à Yinzelies (Dauzat)
et en Auvergne, soit l’hirondelle de rivage, soit plus
généralement un oiseau qui vole près de la terre et qui
prend des rats, un petit faucon, tiercelet, martinet noir
(Mistral et Rolland). On arriva ainsi à donner au troglo¬
dyte le nom du grimpereau; ratirôu au p. 709 (Cantal),
rateyrol au p. 708, rateyrooii dans la Haute-Loire (Rol¬
land, compl.), ce qui se fit aussi ailleurs, car les deux
oiseaux ont une certaine ressemblance de couleur et de
grandeur; la voix du grimpereau peut être confondue
avec celle du roitelet crêté.
La forme rakié (p. 953, Savoie) et rakelé (p. 801,
Puy-de-Dôme) s’explique de la même manière. Elle se
trouve dans le voisinage du type parisien ratelet, roiüet.
Dans cette même région raclet ou rasclet désigne le râle
(rallus). Rolland donne ce nom pour l’Isère et le Langue¬
doc. Le nouveau venu ratlet, dépourvu de sens, fut con¬
fondu avec le mot déjà existant raclet. Raclet absorba
ratlet d’autant plus facilement que les deux oiseaux,
malgré de grandes différences de taille, se ressemblent
un peu par la voix, la couleur et la rapidité de leur
course sur la terre. Nous verrons encore d’autres cas de
30
confusion avec le râle, vulgairement appelé roi-de-cailles
(cfr. § 75).
§ 23. Dans plusieurs régions regem donne le même
résultat que rat. C’est le cas pour une partie de la Savoie,
de la Bourgogne, des Vosges, de l’Orléanais et des
Flandres (cfr. les cartes „fois“, „croit“, „étroit“). Bateîet,
retelety rotelet peuvent signifier aussi bien le petit roi que le
petit rat (souris). Il est évident que la confusion aura eu
lieu le plus facilement dans la région où la fable du .^..petit
roi“ n’était pas connue. D’ailleurs les troglodytes, surtout
les jeunes, ont de loin une certaine ressemblance avec
les souris. Brehm dit à propos de cet oiseau : .^.^Er hüpft
so schnell über den Boden dahin, daB man eher eine
Maus als einen Vogel glaubt laufen zu sehen.“ Naumann
raconte qu’il se réfugie dans les trous de souris. On l’ap-
pele aussi petit rat dans le Jura (Bauquier) et dans les
Vosges (Gérardin, Traité élémentaire âf ornithologie, 1806),
et rater eau à Orléans (Salerne, Hist. nat. éclaircie dans
une de ses parties, l’ornithologie, 1767) et en Savoie
(Constantin et Désormaux).i)
§ 24. Le suffixe -illon fut ajouté à reiet dans le
Loiret : rutiyu au p. 209 de l’Atlas, à Pithiviers (Rolland),
dans le Jura: ratillon (Bauquier, Ogérien) et en Savoie
(Constantin et Désormaux).
Les suffixes employés dans le nord de la France
sont donc -et et -ot, et, dans une mesure restreinte,
-illon.
Dans le midi de la France -ellus n’a joué aucun
rôle dans les noms du roitelet. A reiet on ajouta le suf¬
fixe -ot: réyétôt au p. 785 (Aude), ou - on: ritn (p. 810,
Lozère). Quelquefois le suffixe -attus, employé dans
beaucoup de noms d’animaux, a peut-être remplacé - ittus
(cfr. Adams, Word-Formations in Provençal, 1913, p. 148):
9 Peut-être faut- il mentionner ici aussi ratatêt (Hérault),
désignant selon Marcel de Serre aussi bien le troglodyte que le
vrai roitelet, et ratatas (Crespon, dép. du Gard). Mistral dit
qu’on appelle ainsi le grimpereau qui, lorsqu’il grimpe avec une
grande vitesse sur le tronc d’un arbre, ressemble eu effet à une
souris.
31
riatii (p. 752, 753, 755, 763, 764, dép. du Tarn et de l’Aude)
ou réyatn (p. 786); reinu'^) (p. 759, dép. de l’Hérault), reinet
(Languedoc, Mistral) oxirey^notou en Corrèze (RolL, compL).
Riettoul (Creuse, Rolland, compl.) ne peut être
qu’un reiet-oul isolé, bien que le suffixe -ol soit peu
populaire en provençal comme en français (cfr. Adams,
p. 240), et rèpUoul (ibidem) sera une contamination de
ce diminutif avec repetit voisin.
c) Les noms du type roitelet en Suisse romande.
§ 25. J’arrive maintenant aux noms roi diminutifs
en usage dans la Suisse romande. Sont-ils autochtones
ou importés de Paris? Le problème est difficile à résoudre.
Peut-être y a-t-il lieu de les mettre sur la même ligne
que les diminutifs très variés de regem dans l’Italie du
nord. Ici les dialectes ont suivi des voies différentes. On
y trouve reet à côté de reat, reot, reatolo, reatel à côté
de reatin, reotin, reaton, reguZy reuzzol, reuccio (avec le
suffixe diminutif - uceus)en bergamasque, realeto à Venise.
Chaque dialecte forma son propre diminutif de regem
sans se soucier de ses voisins.
Dans la Suisse romande il faut aussi admettre une
grande variété. La base commune de toutes les formes
est reiet, A reiet on ajouta - olè(t), -ola(t), c’est-à-dire
-olusH--ittus, éventuellement -attus dans le canton
de Neuchâtel {ritola ou rètolà), dans tout le gros de
Vaud (raitola, raitolè)^ en partie aussi dans les Alpes
vaudoises fritolè), dans le canton de Fribourg (ritolè,
rètolèj, à des endroits isolés du Valais (vallée du Trient:
rètolà, G rône : rètolèt, Mase : ritolèt ); -elè(t), -ela(t),
- a 1 è , c’est-à-dire - ellus-|--ittus, -attus, 2) dans tout
le reste du Valais (ritèlèt) et des Alpes vaudoises (rây~
tèlè, raytalè).^)
Dans quelques contrées du Valais, l intervocalique
devint r ou tomba. Les correspondants de la vallée de
Doit-on rapprocher ce mot de regina? (v. § 15).
2) -ellus > al (cfr. = appeler).
®) La forme rétolé, spéciale à la Suisse, se retrouve toute¬
fois isolément en Savoie au p. 944.
32
Bagnes, de Saillon, Chamoson et Nendaz écrivent raiterâ
ou riterâ. Le l s’est changé en r aussi à Champéry.i)
A Savièze le correspondant note une forme riteoè.
L’hiatus résultant de la chute de VI est comblé par w,^)
Ailleurs on ajouta à reiet le diminutif -on qui
devient à (cfr. la carte mouton qui donne muta) en plu¬
sieurs endroits aux p. 959, 60, 61, 63, dans les régions
où il J a ritolan, ratolcï à Lully, ratolô à Granges de
Vesin, ritolà autrefois à Leysin (aujourd’hui on y emploie
la forme des villages voisins ritolè). Bridel donne un
reitolan qu’il dit avoir rencontré dans le Jura.
Je ne comprends pas le suffixe -m des expressions
du Val d’Bliez; razeru (Champéry), ratelu (Monthey,
Vérossaz).^)
A côté de ritola (m.) on rencontre dans le .canton
de Vaud un féminin reitola (Bridel), ritola (M*^® Odin).
Aujourd’hui cette forme ne paraît plus exister ; au naoins
les correspondants ne la relèvent pas. Mais Constantin
et Désormaux connaissent la forme râtela (f.) pour Villard-
0 Cfr. Lavallaz, Essai sur le patois d’Hérémence, § 240;
Fankhauser, Das Patois von Val d^Illiez; Rev. de dial, rom., 1910,
p. 343. Généralement l > r seulement devant une labiale. Cornu,
Rom., VI, p. 398.
2) Lavallaz dit que Thiatus est généralement effacé par y
ou w (Cornu, Rom., VI, p. 397). Même chute de 17 dans muœ
(moulin) au p. 978 de l’Atlas.
Il est difficile de savoir si c’est -ittus ou -attus qui se
cache sous le suffixe -a, parce que -ittus aboutit à a en plusieurs
endroits, -ittus se retrouve certainement dans les retela et retera
du Valais (cfr. la carte „œillet“ de l’Atlas où -attus qui s’ajoute
uniquement aux noms d’animaux est exclu). Sur la carte ^œillet**
-ittus > a aussi aux p. 64, 72, 73 dans le canton de Neuchâtel.
Mais le suffixe -a peut aussi dériver de -attus qui désignait
à l’origine le petit d’un animal, et que nous rencontrons aussi
dans le midi de la France et en Italie.
^) Selon M. Fankhauser u représente le résultat: 1. de o -j- s;
2. de au ; 3. il y a beaucoup de noms propres en -n: herhi, yeneru
(cfr. Philipon, Suffixe -aldo, Rom., ILIII, 50, où il dit que -al do
est ajouté aussi à des appellatifs [p. 56]). Dans les parages du
Val d’Illiez le suffixe -(i)9lus > u, filiolum > fedu au p. 969,
filu aux p. 975, fiyu, feyu aux p. 986, 985, filu dans le Val
d’Hérémence. Mais M. Fankhauser donne pour fiUeul fsduâ.
33
sur-Doon (arrondissement d’Albertville). Le roitelet a
beaucoup de noms du genre féminin (v. § 36). i)
Je ne comprends pas non plus les formes avec s:
ristoîda h Vallorbe, raistola au Chenit à côté de raitola
et razeru (Champéry).
§ 26. Il me reste encore à parler du type avec dy
très curieux; roldot redolè. Voici les témoignages que
j’en possède: roidot à côté de roijot à Montbéliard (Sabler,
Catalogue des animaux de V arrondissement de Montbéliard,
1864), redo en Franche-Comté (Boillot), rado à Dam-
prichard (Grammont 244), roidet (troglodyte à côté de
em'pereur roidot ou roijot [roitelet huppé]) à Montbéliard
(Beauquier). Pour le Jura bernois le Glossaire donne
roida (m.) aux Pommerats, r^eda (m.) à Epanvillers,
roida (m.) à Bonfol.
A côté de ce type simple il y a un diminutif en
-ittus, -ottus: roidelot à Montbéliard (Beauquier) et
raddola à Plagne (Berne, Glossaire). Ce diminutif se ren¬
contre aussi dans le dép. du Jura à Petit-Noir: roiddot
(Richenet), rouaddè, rouad’lo dans la Côte-d’Or (Rol¬
land, compl.), roidelo à St-Germain-du-Bois (Guillemin),
ray^dèlè dans l’Ain (Rolland, compl.), rédlé en Savoie au
p. 947 de l’ALF et rédélé au p. 957. Il y a en Savoie
aussi la forme rey’dolè, rédolè (Rolland, compl.), cor¬
respondant à rzdoh du Val d’Hérémence (Glossaire).'^)
Une ancienne forme redoyelly citée par Aldrovande, ne
correspond pas exactement à rèdolè.
^) Peut-être y a-t-il aussi un rapport quelconque entre ritolè
(roitelet) et ritolè, ritoleri (celui qui répète toujours la même chose,
à Gruyère). Ce dernier dérive de ritoula (complainte ou romance
populaire avec air monotone, grog’non, personne ennuyeuse et fa¬
tigante par ses continuelles redites, Vaud et Berne [cfr. Glossaire,
et Bulletin du Glossaire, 1910, 46 ; Les équivalents d’ importuner
par Pierrehumbert]). Le cri du roitelet, répété, a quelque chose
d’agaçant et d’ennuyeux. Au point de vue du sens un rapport
serait donc fort possible; il est même attesté par un développe¬
ment analogue en France, par l’expression „chanson du ricochet‘‘
(cfr. § 62). Ritolè et ritoleri se sont peut-être croisés dans leur
développement.
^) Je pense que ordelet (p. 963, Savoie) est lui aussi un re-
dolet avec metathèse.
3
34
Quelle est l’origine de ces formes? A Montbéliard
il 7 a roijo à côté de roido. Royo pourrait remonter à
reiot; Vy a la fonction d’effacer Thiatus né de la chute
de -g-. Ne pourrait-il en être de même pour -d-1 Au lieu
de dire reo, rao à Montbéliard, roèa dans le Jura bernois,
on dit redo, rado, roèda. Un -d- sporadique entre deux
voyelles se rencontre dans le Tyrol ; redatol à côté de
reatol (cfr. Battisti, Nonsberger Mundart; Sitzungsherichte
der Wiener Akademie, 160, 3, p. 125, qui cite encore ridi
pour 7'ivi, redi pour reges, qu’il a trouvés dans Ascoli
[Arck. Glott., I, 330] pour les dialectes deFondo et deRevo).
La même forme est donnée par Ettmayer, Lomhard.-
ladin. aus Südtirol, Rom. Forsch., XIII, p. 387J) Ces
exemples montrent que cette intercalation n’est pas im¬
possible. Rèdolè serait alors un diminutif de re formé
avec le suf üxe - o 1 è comme le riiolet de la Suisse romande
(cfr. § 25). Ces diminutifs ne sont pas très fréquents.
Voici ceux que j’ai trouvés dans Constantin et Désormaux :
cratola (crotte de chèvre, de rat ou souris), hidolet (?) =
sentier, le féminin cresolett, creuseliette (petite boîte que
l’on présente à l’église en faisant la quête). Un diminutif
tout à fait analogue est peut-être çhardolé, stardolé, „ avant-
train d’une charrue pour labourer“ ; le mot simple qui
est cà la base est staré (chariot).^)
Il me reste encore à expliquer l’ancien savoyard
redoyell (Aldrovande). On pourrait y voir redolell
(<; *REGOLELLü, forme parallèle à *regolittü) avec
dissimilation du premier l.
La forme rezeto savoyarde du même Aldrovande
s’expliquera peut-être par des foraies italiennes telles
que rezéto, pav. ven. pad. (Bonelli).^)
Mais reyerut (p. 985) me reste obscur.
0 Cfr. encore Meyer-Lübke, Italienisclie G^'ammatik, übersetzt
von Bartoli und Braun, § 79, et Gorra, Studi di fil. rom., 1893,
465 SS.
2) On pourrait penser aussi à „roi de quelque cliose“, et cela
même si -olet ne signifie rien et n’a jamais rien signifié (cfr. § 31).
Rezeto est le résultat phonétique de reggeto dans plusieurs
patois.
35
2. Bitriscus et ses dérivés.
(Voir la légende celtique, § 24.)
§ 27. A côté des dérivés plus au moins directs du
latin REGULUS, nous trouvons répandus, sur toute la
moitié septentrionale de la France, tout un groupe de
noms se rattachant à bitriscus, mot d’origine incertaine.
Voici les témoignages anciens de l’existence de ce
mot: Hôlder (Altkeltischer Sprachschatz) donne vitriscus
ou bitriscus avec un point d’interrogation. Il a trouvé ce
nom de r„avicula perexigua‘* dans les Acta Sanctorum
(coll. Bollandi, Vita Aviti, abb. Miciac., 2, 14, jun. III,
p. 355, E, et Vita Carilefi, abb. Amisolensis, jul. I, p. 93, B).
Ce passage contient la charmante légende du petit oiseau
qui vint pondre un œuf dans le froc que St-Carilef avait
suspendu à un chêne pendant qu’il travaillait dans la
vigne.i) Il y a dans les Acta Sanctorum, jun. III, p. 356,
une note de l’éditeur sur le mot bitriscus où il est
dit: „ Bitriscus (alias scriptum britiscus) fortassim contracte
pro bitoriscus: sed bitorius Cangio alliisque est ardea
Francis butoir avis sane non parva.“ Je reviendrai sur
cette étymologie. Voilà donc deux formes du même mot:
BITRISCUS et BITRISCUS avec métathèse.
Le mot est attesté ensuite par plusieurs gloses, sur¬
tout latino-anglosaxonnes, où il correspond presque par¬
tout à l’anglais wren (troglodyte). Cependant la forme
BITRISCUS apparaît une seule fois (Volume of Vocàbu-
laries, edited by Wright, II, 126, 37). Généralement on
écrivait bitorius. Je cite les gloses que Bosworth (Saxon
dictionarij, publié par Northcot Tôlier, 1882) donne sous
wrenna: wrenna, bitorius vel p>^^lorius (Wright, 29, 27),
bitorius, bitriscus (Wrigt, II, 136, 37), wraenna, biturius
(II, 62), bitorius (I, 62, 4), waerna, bitorius (11, 12),
litorius (51, 59),^) wrenne, regulus (I, 221).
La légende est encore vivante ; on la raconte de St-Calais ;
St-Malo permit même à l’oiseau de nicher dans son manteau jus¬
qu’à l’éclosion de la couvée, et comme l’imagination du peuple
surenchérit toujours, on finit par raconter que le roitelet était
venu pondre dans les mains étendues de St-Kévin en prière (Rolland).
2) Il y a probablement ici une faute de copie.
36
Dans le compl. de Rolland on trouve encore beau¬
coup d’autres formes latines du moyen âge (sans indication
de source malheureusement) : pitriscus, pétris eus, pistricus,
petristus (sur le suffixe -istus cfr. Pedersen, II, 19),
biteriscus, vitriscus, puristus, pitriscus^ petritus, pitrisciilus,
avec un nouveau suffixe diminutif, purisculus, parisculus
(influence de parus [mésange]?), puristulus, paristus^
parstulus, pitrisculus, petriculus, hiturus.
Toutes ces formes remontent certainement à la même
origine et pourraient bien avoir quelque parenté avec le
latin classique butio, ardea stellaris (Je butor)d)
*
BiTRiscus est-il simplement un petit butor, << Bi-
toriscus.2) bitorius serait alors une fausse reconstitution
du mot simple.^)
L’hypothèse est celle de Ducange (I, 670) qui ac¬
compagne la glose bitorius vel pintorius: werna, de la
remarque: „Saxonibus werna est regulus avis. Forte
ardea quam nostri Buto vacant. (Voir aussi la glose du
0 Les formes dialectales pour le butor sont d’après EoUand:
Bitof (Cevennes, Charente-Inférieure, Deux-Sèvres), huard (Anjou),
behors (Forêt d’Orléans), buor (Poitou), bior (Saintonge), bihoiir
(Berry). En anglais cet oiseau s’appelle bittouvy bittern, en hol¬
landais butoor, pitoor. Gamillscheg (Zeitschrift fier roman. Fhil.y
XL, 140) fait dériver ce mot d’une forme vulgaire *BUTURrM rem¬
plaçant le butio classique.
2) Le suffixe diminutif -is-co paraît être indo-européen.
On le rencontre dans beaucoup de noms celtes (cfr. Hôlder, p. 78;
Bruggmann, Grundrifi der vergleichenden Grammatik der indogerm,
Sprachen, §§ 365 — 385; Pedersen, Vergleichende Grammatik der
keltischen Sprachen, II, § 365). On peut faire remonter toutes les
formes mentionnées à un *bitorisco.
^) A cette étymologie s’opposent cependant des difficultés:
d’abord le fait qu’un suffixe celte (-is-co) aurait été ajouté à un
mot latin, ensuite et surtout la sémantique, car les deux oiseaux,
le butor et le roitelet, sont très différents l’iin de l’autre. Ils n’ont
de commun que la couleur du plumage. Le butor est un grand
oiseau de 72 cm de longeur, vivant près de l’eau et poussant au
temps de l’accouplement des cris qui ressemblent au mugissement
des vaches; de là son nom, probablement onomatopéique de butio
(cfr. Walde, Lateinisch-etymologisches Worterbuch) et de „bœuf‘‘ en
français populaire.
37
Corpus Gloss. Lat, VI, p. 144 : bitorius, butorius, nomen
avis.)'^)
Voici une autre étymologie qui me semble très
vraisemblable: Le nom de la ville de Bourges remonte
à Biturigas (forme attestée à côté de Bituriges; cfr.
Hôlder s. v.). L’adjectif de Bituriges est BiturÏcus dont
est sorti le nom de la région du Berry. Le nom Bituriges
remonte, selon Dottin (La langue gauloise, p. 94)f à biturix,
„roi du monde“. Il est clair qu’au point de vue séman¬
tique l’idée de faire remonter la forme bitriscus, attestée
dès le huitième siècle, à biturix, „roi du monde serait
fort plausible: le suffixe -isco est vivant dans le gaulois
MATisco (irlandais marithabon), vertiscus (cfr. vieux-breton
wert, ..jValeur, prix“), viviscu, „Vevey'’'’, et d’autres exemples
de noms gaulois (voir Hôlder s. - isco). Comme BiturLcu
a abouti à BiturÏgu > Bit(o)rigu >> Berry, de même
BiTURiscu devait passer par bitriscus betriscu >> berreis
>» berrois.
C’est M. Barbier {Revue de dial, rom., H, p. 186) qui
a le premier rattaché les différents noms français à bitorius
(il ne semble pas avoir connu bitriscus). Mais à l’ex¬
ception de quelques formes normandes, il est impossible
de faire dériver les noms français de bitorius ; il faut
accepter comme base bitriscus avec ses variantes.
§ 28. L’histoire de ce bitriscus en français est très
compliquée ; Parce qu’on ne comprenait pas le mot, parce
que cet assemblage de sons n’évoquait aucune image
précise dans l’esprit, on chercha à le modifier, à en faire
un mot qui signifiât quelque chose. Les lois phonétiques
furent continuellement troublées par l’étymologie
populaire qui avait libre jeu comme dans tous les mots
isolés. Le mot isolé (cfr. les noms de lieu obscurs) est
b Une fois Bitorius est rendu en anglo-saxon par erdling
(Corp. Gloss. Laf., V, 403, 20). Or earthling désigne suivant Bos-
worth un fermier et un oiseau qui correspond dans la plupart des
gloses à BiEBiCARiOLus. Une fois birbicariolus sert aussi à traduire
BisTORius. Cependant je ne crois pas qu’on puisse identifier ces deux
mots. Birbicariolus sera plutôt la bergeronnette, de même que
earthling (cfr. son nom allemand Ackermànnlein).
38
d’un côté rigoureusement soumis à l’action des lois pho¬
nétiques qui le déformeront sans jamais être arrêtées par
l’analogie ; d’autre part, il est exposé par son isolement et
son obscurité à tous les essais d’étymologie populaire.
Ce phénomène se produira surtout lorsqu’il s’agit d’un
objet qui parle à l’imagination de l’homme comme le
roitelet. En effet, peu importent les sons qui rendent
l’idée d’herbe, de rue, de fenêtre, de chambre, etc. Ils
n’ont pas besoin d’être évocateurs parce qu’en général
nous n’associons aucun sentiment à ces choses. Il en est
tout autrement du roitelet qui ne souffre pas qu’on lui
attribue une désignation sans valeur affective.
a) Beruet et roibrL
§ 29. Bitriscus devait donner BERREis, BERROis, BERWÉ
dans le nord de la France (cfr. les cartes froid, étroit,
troisième fois). En effet le roitelet s’appelle héruet dans
le Pas-de-Calais (Rolland).
Plus au sud on rencontre les formes : roibéry, ro-
héry (Salerne), plus tard roihri (Chàteau-sur-Loire dans
le dép. de Seine-et-Marne, Rolland), roibri, roubri (Cher,
Yonne, Nièvre; Rolland, compl.), rwabn au p. 208
de l’Atlas. Rwabri se trouve aussi beaucoup plus au sud,
au p. 902, et rwarabri avec un curieux dédoublement de
roi au p. 600.
Bitriscus ne peut guère donner beri. Il faut donc
admettre pour cette région une base un peu différente,
une des variantes de bitriscus notées en latin médiéval
(cfr. § 27). Cela pourrait être bitricus ou bitritus.^)
Ce beri, bri, étant peu expressif, on le fit précéder
de roi dans une contrée voisine de l’aire d’extension de
roitelet où l’on racontait la légende du petit roi. On forma
ainsi un roiberi qui, de son côté, dut subir quantité de
changements dictés par le désir de transformer le nom
obscur en un nom plus expressif.
0 Faut-il voir dans biteicus la première étape d’une étymo¬
logie populaire qui rattachait bitriscus, qui n’était plus compris, à
BiTU-RiGAs, BiTü-Ricu? BiTCRiscus aurait-il été considéré comme un
biturTcu, ^habitant du Berry“ ?
39
Le changement de -r- intervocalique en -z-, purement
phonétique, est fréquent dans cette région; roihesy dans
le Gâtinais (Revue de phiL, X, 30), robzi dans le Loir-
et-Cher (Bassetière), roihezi, rouabizi (Seine-et-Marne et
Yonne ; Rolland, compl.). Ces formes, de même que
rouapsi (Yonne), ont peut-être été influencées par l’imi¬
tation du chant du roitelet huppé (cfr. les noms onomato-
péiques). Quant à roi de bézigue (Y ormÇi\ Rolland, compl.),
je n’ai pu l’expliquer.Q
Jaubert donne la forme loubri (louabri dans l’Yonne,
lobri dans la Nièvre; Rolland, compl.), mots provenant
probablement de roiibri par dissimilation. 2)
Roubri incompris fut transformé en rubi dans le
Loiret (Rolland, compl.) par la même association d’idées
qui nous fait appeler un gentil petit enfant: „mon bijou^.^)
Beryô (p. 325 de l’Atlas) est probablement un dimi¬
nutif en - i 1 1 0 n de beri (cfr. ruhjn, ratillon dans le Loiret
et l’Orléanais, berillon [Jaubert] = mouton qui vient du
Berry). De la Blanchère donne la forme berillon pour
l’Anjou et le Centre, Thibaut hourillon comme forme an¬
cienne de Blois se trouvant dans un document de l’année
1277, transcrit en 1717.
b) Roi Robert, — Les noms de personnes.
§ 30. Roibery, robéry a été rapproché du nom propre
Robert qui joue un certain rôle dans la désignation des
plantes et des animaux.^) On appelle le roitelet
1) Bésigue, anciennement Msi, est le nom d’nn jeu de cartes,
autrefois très populaire en France. Est-ce que ce mot aurait con¬
tribué à déformer le nom de l’oiseau? S’agit-il d’une plaisanterie?
2) Roahle (Sologne, Salerne) est assez difficile à expliquer.
Peut-être le peut-on mettre en rapport avec rwahri (au p. 902),
accentué sur la première syllabe, r se serait changé en l, ce qu’il
faut admettre aussi pour différentes formes de l’Auvergne et du
Limousin.
Je parlerai ailleurs de roi de ghezi, ghéziya, qui sont des
contaminations de hezi avec un autre nom du roitelet.
II y a Vherhe à Robert ou rouberto dont Schuchardt parle
dans la Zeitschrift, XXVI, 397.
40
Robert ou maître Robert avec une certaine ironie en
franc, dial. (Vincelot, Etudes ornitholiques).
Roberroi en Lorraine (Bassetière) est le seul témoi¬
gnage de la vie de bitriscus dans l’est de la France.
Bitriscus y dut aboutir à berwe(â) qu’on fit précéder
de roi comme dans le Centre. Ce roberwa obscur dans
son ensemble fut associé au nom de personne Robert et
comme tel précédé une seconde fois de roi: roi Robert
(Bassetière).
Beaucoup d’oiseaux portent des noms de per¬
sonnes. Voici quelques exemples qui se trouvent dans
Rolland: La grande Marthe (pic épeiche), le Bernard
pescayre ou Martin pêcheur^ le martinet — ces deux
derniers doivent leur nom à St-Martin, protecteur spécial
des oiseaux — , Jean Boubou (huppe), pierrot (moineau),
Santa Catharina (projer). Colas (loriot), Liôde (= Claude),
rozo (rouge-gorge), appelé aussi Marion la reuche, Marie
godrée, Frédéric (mésange). Chariot (courlis), Jean-Bap¬
tiste (pinson). Ce dernier exemple est tiré de Beauquier.
Mais ce sont surtout les oiseaux apprivoisés par
l’homme et vivant avec lui, comme le perroquet et la
pie, qui portent des noms de personnes. Ces noms auront
été individuels, ensuite seulement étendus à toute l’espèce.
La pie s’appelle Margot, Cateau, Jacques, Jacquette, Berta,
Richard, Colas, Jurau (Gérard), Chariot, Germain. Le
nom du geai vient probablement du nom propre latin
Gajus.
Ces noms s’expliquent par la tendance que l’homme
a de s’assimiler les animaux, de leur attribuer un carac¬
tère humain et de les caser dans une catégorie de types
humains. Cette tendance se manifeste surtout dans le
roman du Renard, œuvre si curieuse et si caractéristique
pour l’esprit du moyen âge. Là aussi les animaux reçurent
des noms de personnes. G. Paris (Le roman du Renard,
p. 27 SS.) dit, avec raison, me semble-t-il, que ces noms
ne renferment aucune allusion satirique, qu’on applique
aux animaux tout simplement des noms familiers, très
usités. Cela est confirmé par la liste des noms d’oiseaux
que je viens de donner (cfr. aussi les noms de la coc-
41
cinelle (ALF, c. 1508). Une recherche plus approfondie
démontrerait peut-être que ces noms sont les mêmes que
ceux qu’on emploie dans les proverbes, dans la littérature
populaire en général et dans les appellatifs dérivés de
noms de personnes.
Le peuple attribue au roitelet un caractère bien dé¬
fini en le rapprochant d’un certain type d’homme : c’est
le vaniteux, l’étourdi, l’impertinent. Là où on ne voit
pas en lui l’oiseau du bon Dieu, on le traite avec mé¬
pris, on parle familièrement de lui. Il n’y a donc rien
d’étonnant à ce qu’on lui ait donné, à lui aussi, des noms
de personnes.
D’autre part il s’appelle roi, titre qu’on fait presque
inconsciemment suivre d’un nom de personne.
La nature de ce nom dépend de différents facteurs.
Roi Robert et roi Bertaud (cfr. § 40) sont provoqués par
l’ancienne désignation du roitelet, devenue incompréhen¬
sible. Nous avons ici affaire à un cas d’étymologie po¬
pulaire. Pour d’autres motifs entrant en jeu dans la for¬
mation des noms propres désignant le roitelet, voir §§ 55
et 75.1)
c) Déformations de reybéré,
§ 31. Reybéré apparaît encore au p. 603 (Creuse) de
l’Atlas. Mais dans cette contrée où l’r intervocalique est
peu stable, la confusion commence. Le peuple fait de
l’étymologie et transforme le mot à tel point qu’on a de
la peine à le reconnaître, qu’on ne le reconnaît qu’au
moyen de la géographie linguistique, en retrouvant dans
des formes voisines et simultanées ses couches successives.
A la périphérie de cette zone de dérivés de reybéré
des formes avec -r- se sont conservées: radébéré au p. 714
(Cantal). Le „de^‘ intercalé provient probablement de ce
qu’on a l’habitude de dire : „roi de quelque chose“ (cp.
roi de bri (Yonne ; Rolland, compL), et ceci bien que
béré ne signifie rien.
1) Les résultats de la tentative de M. O. Schultz CZum Ueber-
gange von Eigennamen in Â'p'pdlative, Zeitschrift, XVIII, 130) de
rattacher ces noms du roitelet à des personnages historiques, à de
véritables rois, me semble sujets à caution.
t
42
Le type reydebéré a dû s’étendre une fois jusqu’aux
p. 824 et 833 (Ardèche) où nous le retrouvons sous la
forme de réhédéré avec métathèse, sous l’influence de
repeteret voisin. Ce mot est peut-être aujourd’hui compris
comme „roi des petits veaux“ (bedelet, bederet). Dans les
Cévennes, région voisine, on appelle le roitelet bicherino
(vachette). Rappelons-nous aussi le „roi de la vaquete“ à
Entraignes (cfr. § 4).
Le point 807 (Puy-de-Dôme) donne rédebedloe, qui
correspond à rébédéré. Il se trouve, il est vrai, aujour¬
d’hui dans la région vedei (veau), mais près de la limite
de bedel. Rolland donne un roi bédelet vieux franc, sans
indiquer sa source. Godefroy ne le connaît pas, mais il
donne comme quatrième sens de bedel le nom propre Bidel.
Beauquier indique en effet un roi Bidelet en Saintonge dé¬
signant le roitelet. Rien d’étonnant qu’on ait transformé
dans le voisinage du roi Bertaiid un rédebedloe en roi Bi¬
delet. Peut-être aussi est-ce là la première association faite,
car nous trouvons dans le voisinage roi Bernard. Rédebedloe
serait alors secondaire.
Au p. 833 (Aveyron) on dit rebédédé. Peut-être vou¬
lait-on rendre le cri du troglodyte par ces noms (troi¬
sième hypothèse) qui, en vérité, ressemblent assez au
chant de la mésange, mais fort peu à celui du roitelet
(cfr. § 8).
Autrefois le redébéré, avant-poste isolé dans les points
824 et 833, devait être relié avec la zone centrale de
reberi, „roitelet“ du Centre: Si aujourd’hui les p. 812,
814, 813, 815 (Haute-Loire) offrent — de même que les
p. 601, 702, 802, 904, 901 (Creuse et Allier) — roi des
oiseaux^ roitelet, il ne peut s’agir ici que d’un intrus
tout récent qui a couvert une ancienne couche de mots
du type de roiberi.
Aux p. 519 et 610 (Charente) de l’Atlas, les formes
radbira, reydébira (Revue des patois gallo-rom., II, 190)
témoignent encore une fois de l’étymologie populaire,
puisque béré fut assimilé à bira {— flèche. Honorât).
Celui-ci sera un dérivé du verbe bira (virer, tourner,
s’émouvoir).
43
§ 32. Sur une zone assez grande comprenant une partie
de la Haute -Vienne et de la Dordogne rehéré ^ rebéné,
reybenei ce qui signifie roi béni.^) Reiheineix apparaît à
Châteauponsat (Haute-Vienne) déjà dans un document de
1631 (Daubin, Not. 1, Châteauponsat, 1842, p. 16), re-
henet se trouve ensuite dans Salerne (Histoire nat. éclaircie
dans une de ses parties, V ornithologie, Paris, 1767). On
se rappellera à ce propos les légendes qui circulent sur
le compte du roitelet en Limousin et en Périgord où on
lui attribue un certain rôle dans la vie du Seigneur
(cfr. § 5). Ces légendes facilitèrent pour ainsi dire le pas¬
sage du -r- en -n- (cfr. M. Schopf, Die konsonantischen Fern~
wirkungen, Ferndissimilation, Fernassimilatiofi, Metathesis,
Gôttingen, 1919, p. 93). 2)
Un reijdehenoe isolé se rencontre au p. 706 (Cantal).
§ 33. Aux p. 704, 609, 617, 618, 617 (Limousin)
reijhéré fut changé en reybéléy reidebélé plus à Test. Le
passage de -r- à -l- ou plutôt la dissimilation de deux -r-
est assez fréquente déjà en ancien provençal (cfr. Schultz-
Gora, AUprovençalisches Elementarbuch, §§ 64 et 97,
Appel, Provençalische Lautlehre, 1918, § 61 a). L’Atlas
donne alita, leito <C arista (carte arête), ponlu, polu <<
PAURUCU (carte peureux). Le passage est facilité dans notre
cas spécial par l’association avec bel, bellet.
D’après le modèle de reybélé on appela le roitelet
huppé lou biô (le beau) en Limousin (Précigou).
La forme reire belet {== aïeul), désignation moqueuse
(Labourde, Limousin, 148 ; Rolland, compl.) montre qu’on
associait rebelet avec belet (aïeul).
§ 34. Beri (<! BiturÎcu) avec i final se continue
aussi en Auvergne sous la forme de beli: rèbeU (Rolland,
compl.). Aux p. 708 et 710 on dit reydeheU. A côté de
cette forme il y a barnabeli (Chalaniat, Catalogue des
oiseaux gui ont été observés en Auvergne, 1847), aujour¬
d’hui avec métathèse vocalique bzarnabile (p. 703)^),
harnabïlla (Tixier, Lexique patois du canton d’ Escur allés,
0 Cfr. pour les formes du mot béni les cartes ,,buis“ et „eau bénite“ .
2) Peut-être le nom de personne Benêt (Bexedictu) y entre aussi.
Pour hz initial cfr. hzeiîr < bibere (carte „abreuvoir“).
44
1869), rei barnabet en forézien (Duchou, p. 101, Gras,
p. 121). Je m’explique ces noms de la manière suivante;
Au p. 809 (Puj'-de-Dôme) le roitelet s’appelle riberaa
(roi Bernard). Bernard est employé très fréquemment
pour désigner toute espèce d’animaux: Bernay'd V ermite
est l’écrevisse, Bernard archiprêtre l’âne, sauto-hernat la
sauterelle, hernat-pudent la punaise, rat-hernat est le nom
du grimpereau dans le Berry et dans l’Aveyron (Vays-
sier). Rappelons-nous que déjà en vieux français bernard
est devenu appellatif et désigne un sot, un nigaud (Gode¬
froy). Or comme il n’y a que les noms propres très
fréquents qui deviennent appellatifs, nous n’avons aucune
raison de nous étonner d’un ri (roi) bernard désignant
le roitelet. Il fut formé probablement dans la Saintonge
ou dans le Poitou près de l’aire rahertaud, par analogie
avec ce dernier, et voj^agea par l’Aveyron ou par le
Berry jusqu’au point 809, car je crois que le rat-hernat
du Berry et de l’Aveyron n’est qu’un regem (ra) bernard
déguisé, emprunté au roitelet. i)
e devant r a une tendance à devenir a : riberna ^
ribarna; ribarna se contamina avec ribeli; il se forma
un barnabeli qui de son côté se rapprocha du nom Bar-
nabé. Ainsi par des chemins très compliqués, très con¬
tournés, le roitelet reçut en forézien le nom de rei barnabé.
Dauzat {Revue des langues rom., LVI, 325) donne
pour Vinzelles la forme barnatsarada (s. m.) désignant
le roitelet huppé. Il voit dans le deuxième élément un
dérivé de carru, disparu aujourd’hui, dans le premier
le mot brenar (embrener). Le sens du tout serait: „qui
embrène le char ou la cour“, nom qui ne s’applique
guère au roitelet. Nous reconnaissons dans les premiers
éléments le mot barna. Tsarada est peut-être en rapport
avec écalon, tsaleto (échelette), grimpereau dans le Puy-
de-Dôme (Rolland, compl.) (cfr. § 73).
9 M. Ganillscheg (Zeitschrift für roman. PhiL, XL, p. 139)
essaie de rameuer ces différents berna dans les noms d’oiseaux de
marécage à un mot gaulois *bernos (marécageux). Mais berna dans
riberna ne peut être que le nom de personne Bernard. Voir d’ail¬
leurs M. Spitzer, Zeitschrift fur roman. Phil., XL, 695.
45
d) Bitriscus en Normandie et en Haute-Bretagne.
§ 35. Je reviens au nord pour étudier le dévelop¬
pement de BITRISCUS dans l’ouest de la France. En
Normandie ce mot aboutit d’abord à: herwé, heré.
En effet nous rencontrons encore un reste de ce heré
à Guernesey : bérè (m.), aussi héri (Rolland, compL), et
un fém. berée au XVIF*"® siècle (Héron, Muse norm.,
1895, V, 19). Cela prouve que héré a une fois été en
usage en Normandie.^)
§ 36. Par dissimilation de l — r, on expliquera le
passage d’un riheré en rîblé (p. 399, île de Guernesey),
reblet (Bosquet, Normandie merveilleuse) y rehlot (p. 350,
Calvados et à Thaon [Guerlin de Guer, p. 373]) avec
substitution de suffixe (cfr. Schopf, p. 80, op. cit., p. 42).
De rehlet on forma un féminin rebelette {Annuaire de
la Manchej 1832, p. 223).
Dans cette même contrée on trouve rîbé (p. 399),
rehet (Chrétien, Usages, etc., de V arrondissement d^ Argentan,
1835), réhè dans l’Orne (Rolland, compL). Ici aussi il
s’agit d’un cas de dissimilation : r — r >> r — o (cfr. Schopf,
p. 149), rïbérè >> ribrè ]> rihè.
C’est aussi en partant de reb(e)ré qui donna par dis¬
similation rebè qu’il faudra expliquer le rïbwé (p. 219,
Eure-et-Loir), le be de l’Yonne (Rolland, compl.) et le
begron (ibidem), où le second élément m’est resté obscur,
peut-être aussi bîeutin en Champagne (Toussenel, Le
monde des oiseaux, 1872).
Avec le même suffixe diminutif -ettin on forma
dans le Calvados un rébétè (p. 351, à Bernay [Eure] ;
Rolland, compl.). Ce mot est attesté aussi par Moisy et
Vasnier, Petit dictionnaire du patois mormand de Pont-
Audemer, 1862.2)
§ 37. Le féminin rebette n’est plus en usage au¬
jourd’hui, paraît-il. Mais il se trouve d’après Rolland,
9 On s’en sert du reste encore pour désigner le rouge-gorge
(voir § 39).
-) Je doute que rehettin, signalé par Chambure pour l’Aunis,
y soit en usage.
46
compL, dans Constantinus en 1573 et dans Fleury (Lit¬
térature orale de la Basse-Normandie, p. 106, 1883).
H est très fréquent qu’on forme du nom masculin
d’un oiseau un nom féminin. Nous avons rencontré
un regina à côté de rey, ratéla à côté de ratelâ, hérée
à côté de héré. Rolland donne des exemples pour d’autres
oiseaux. J’y ai trouvé gripette, gripotte à côté de gripelei,
gravette à côté de gravelet, rapette à côté de rapatin pour
désigner le grimpereau ; monicJie alterne avec moinot,
linot avec linotte, chardonnet avec chardonnette, etc. En
Suisse romande le type *verjasse alterne avec verjat
pour désigner l’écureuil (M. Gauchat, op. cit., p. 175 ss.).i)
Cotgrave mentionne une forme normande curieuse :
rebetre (féminin). Moisy ne la connaît pas et voudrait
y voir une faute d’impression. Mais la même forme se
retrouve dans Vernaud, Gessner et Salerne. Son existence
est donc prouvée. Elle renferme un r adventif, fréquent
après (s)t, résultant peut-être d’une fausse régression
(cfr. fenête pour fenêtre). 2)
§ 38. En Haute-Bretagne bitriscus devait aboutir
a BERÉ. En effet le roitelet s’y appelle héré (Revue des
trad. pop., VIT, p. 106), à Plombalay (Sébillot, Haute-
Bretagne), dans les dép. de Mayenne et d’Ille-et-Vilaine
(Rolland, compl.), dans le Morbihan (Taslé, Histoire
nat. du Morbihan, 1860). Taslé écrit herret en identi¬
fiant le suffixe avec -ittus, ce qui est important pour
d’autres formes. (Cfr. § 40 ; voir aussi la carte „tiroir“
où la même chose se produit).
0 Bonelli {Studi di fil. rom., IX, p. 434 ss.) croit que le
changement de genre se trouve surtout chez les oiseaux où les
femelles ne diffèrent guère des mâles. Ce serait le cas pour le
roitelet et pour le grimpereau. Cette explication ne me satisfait
cependant pas. Cfr. pour ce changement de genre, spécialement
pour les oiseaux, Meyer-Lübke, Grammatik der roman. Sprachen,
Bd. II, § 370.
Sur hirou dans l’Orne (Mémoirea des antiquaires^ IV, 229;
Dubois, Recherches sur V étymologie de certains mots de VOrne dans
les Mémoires de V Acad, celt., 1810 et 23) qui appartiennent cer¬
tainement à la même famille voir § 39.
47
De héré on forma un féminin hérée à Trévenc,
commune de Penguilj (Sébillot, Haute- Br etayne^ Revue
des trad. pop., V, p. 19). Déjà Godefroj donne deux
témoignages de heree sans parvenir à les traduire avec
certitude. Voici ses exemples:
1. Frigilla, haec avis apud Latinos (ut Festus ait)
ex eo dicta est, quod frigore cantet, et vigeat: vulgo
dicitur Beree (G. Est., De lat. et graec. nom. av., p. 97,
éd. 1567).
2. Il lui respondit qu’il mangeroit bien, s’il en avoit,
des petits ojseaulx comme . . . tourterelles, herees, al-
louettes. (Nouvelle fabrique des excellents traits de vérité,
par Phil. d’Acripe, sieur de Neri en Verbos, éd. Jannet,
p. 116).i)
§ 39. Dans certaines contrées c’est le rouge-gorge
qu’on appelle hérée, hrée, hésée (en Normandie, Salerne,
Vasnier, Lemetteil à côté de Marie-hérè [féminin], Seine-
Inférieure; Rolland, compl.).
Voici encore d’autres noms du rouge-gorge empruntés
au roitelet:
Bezuet (Montesson, Vocabulaire du Haut-Maine, 1859)
dans une région où l’on appelle le troglodyte bérichot.
Bezuet est bitriscus (cfr. beruet au Pas-de-Calais) avec
changement de -r- en -e-. Ce changement fréquent fut
facilité ici par l’analogie avec bezot, bedot (culot).
De bezuet qu’on prenait pour un diminutif, on forma
un féminin bezoue (Montesson), bedû (féminin [Maine-et-
Loire; Rolland, compl.]), comme on avait fait rebette de
rebeitin, ratéla de ratelà. Le bezou (Sarthe; Rolland,
compl.), bedou (Orne; Dubois) est le masculin correspon¬
dant à bezoue, influencé par bedot (culot). Ce nom du
9 Moisy donne ce mot comme mot ancien et le traduit par
fringille se basant probablement sur le frigilla de Est et sur Cot-
grave qui traduit herée par pinson (a spinke, scheldople, chaffinch).
Cependant ce même Est raconte que cet oiseau chante quand il
fait froid, ce que fait le roitelet, pas le pinson. D’ailleurs Kolland
ne donne pour le pinson aucun nom qui rappelle herée. Donc je
crois qu’il y a erreur dans Cotgrave et que herée désignait à
l’origine, comme heré, le troglodyte.
48
dernier éclos d’une nichée en vient facilement à désigner
les petites espèces d’oiseaux (cfr. § 49).
Birou, „roitelet“ (dans l’Orne) sera-t-il aussi une forme
„simple“ refaite sur un ancien „birouei“?^)
Ne nous étonnons pas qu’on ait confondu le troglo¬
dyte avec le rouge-gorge: Pour le plumage, la teinte
générale est la même à l’exception de la gorge. Le rouge-
gorge n’est pas beaucoup plus grand; il a comme le
troglodyte la queue toujours relevée, et son cri a quel¬
que ressemblance avec le zerrrrr, zerrrrr du roitelet.
Nous verrons d’autres cas où les noms des deux oiseaux
s’entrechangent.2)
Cependant il est a noter qu’il n’y a pas d’endroits
où le même mot désigne les deux oiseaux en même
temps. Peut-être est-ce justement berée (rouge-gorge) qui
fit disparaître berée (troglodyte) de Normandie, et bezuet
(rouge-gorge) qui évinça beruet (troglodyte) dans le Maine
et appela à sa place bériclion, bérichet dont j’aurai encore
à parler.
e) Roi Bertaud,
§ 40. De beré^ compris comme ber + ittus, on
forma un diminutif *berettellus qui aboutit à berteau.
Le résultat de -ellum est très compliqué dans cette
région, différant presque d’un village à l’autre. Mais comme
berteau ne signifie rien et que le peuple recherche un
mot expressif pour désigner le roitelet, il associa ce mot
à d’autres mots déjà existants, à bertô (étincelle) au point
447 (Loire-Inférieure). La comparaison du petit oiseau
0 Montesson donne pour le Haut-Maine hiroufle (rouge-
gorge) qui contient le mot hirou suivi d’un suffixe curieux. Peut-
être peut-on ramener à la même origine les noms obscurs suivants
qui désignent le rouge-gorge : jeaw hesa (Le Havre), hisse., féminin
(Sarthe), berce (franc, dial., Monet, 1635), hidrouy, féminin, (Sarthe),
mentionnés tous dans le compl. do Kolland.
2) Ils jouent aussi le même rôle dans les traditions populaires:
C’est un péché de les tuer, parce qu’ils sont mêlés à l’histoire
légendaire du Seigneur comme oiseaux bénis; ils possèdent tous
deux des qualités magiques, et à l’expédition des oiseaux cherchant
le feu ils ont participé.
49
vif, aux mouvements rapides, avec une étincelle est facile
à comprendre. Elle est attestée aussi par un chaleron
(„éclair“ et „roitelet“) dans le Jura (voir § 63). Mais
cette association, limitée à un seul point, est probablement
récente. 1)
Par contre l’assimilation secondaire de bertean à
Bertaud <i bertaldus, nom de personne et appellatif pour
désigner un homme intrépide (Meyer-Lübke, Etymolog.
Wôrterhucli) est plus ancienne. Naturellement l’association
est possible aussi lorsque -ellum et -aldus ne donnent
pas exactement le même résultat. Elle est attestée déjà
en vieux français. Godefroy donne roijherfault, roitelet :
ung petit oizeau nommé roytellet ou roybertault (Trad,
de Quinte- Ciirce, Richel., 1. 7724) — CotgTave: roi Ber-
tauUy a vvrenne.
Dans une zone intermédiaire (sud de la Loire-Infé¬
rieure et du Maine-et-Loire) on l’appelle simplement
boertao (p. 466), bertaw (p. 467). Ce nom sert également
à désigner la fauvette ; 'pars bertaWy breto (p. 435), bertao
(p. 466), brto (p. 458).
Mais ici aussi la fable du roi des oiseaux s’en mêla :
on fit précéder le nom de personne du titre de roi sans
penser, me semble-t-il, à un roi Bertaud du siècle. 2)
On appelle le roitelet roibertaud dans une grande région
comprenant les départements de la Vendée, des Deux-
Sèvres, une partie de l’Indre-et-Loire et de l'Indre, la
Vienne, la Charente-Inférieure et une partie de la Charente.
La désignation est assez ancienne, nous l’avons vu. 3)
Roi Bertaud doit avoir une extension plus grande
9 Berton est du reste aussi un nom propre comme Bertaud
(Langlois).
9 Langlois, op. cit., donne un seul Bertaut, nom d’un che¬
valier frison (Baudouin de Sebourc, XIV s.).
9 II est inutile de mentionner toutes les petites variantes
phonétiques que l’Atlas indique, er > r(e); robreto, robrto . . . .
ràhreto (p. 418) rappelle la forme ràsinol (rossignol aux p. 459,
478, 458). La forme rapto (p. 535, 536) montre l’assimilation de
la sonore 6 à la sourde t, après la chute de la syllabe -er.
4
50
que l’Atlas ne le fait croire. Il subsiste dans le Bas-
Gâtinais (Revue de phü., Vil, 127).i)
Sur le modèle de roi Bertaud en Saintonge on forma
roi Bidelet, roi Bernard dont j’ai parlé (cfr. §§31 et 34),
roi Bertrand (Cotgrave) et roeygartus à Hostens (Gi¬
ronde, p. 653). On compara le petit roitelet au grand roi
de la Table ronde, encore célèbre, et légendaire en Gas¬
cogne (Bladé, Contes populaires de la Gascogne ^ 1886,
p. 296). Pour une fois on donna au roitelet non pas un
nom familier, mais un nom illustre de la légende.^)
9 Les anciens poètes provençaux nous ont transmis un mot
herteau dont le sens n’est pas certain. Raynouard le traduit par
hanneton. Il donne les exemples suivants:
Mosca ni tavan que vola,
Escaravat ni bertal . . .
Marcabrus: Pus la fuelha.
Cui sens nos es guidaire
No sap ni pot a cap traire,
Ans par a la fin bertaus . . .
Giraud de Bornel: S’es cantars.
Levy donne comme nouvel exemple certain:
E jois es enterls francs faillitz,
Tornatz de basan en bertau . . .
Liederhs., A N® 63, 7.
Il traduit bertau dans les deux derniers exemples par ,,armer
Wicht, armselig". Mais il ne sait pas s’il doit donner raison à
Raynouard en ce qui concerne le premier exemple.
Rolland et l’Atlas ne connaissent pas ce nom du hanneton.
Mistral et Honorât le donnent pour vieux-provençal, mais Dauzat
(Romania, XLIV, 253) relève l’existence de hartoeu (hanneton) à
Authezat (Puy-de-Dôme). Déjeaniie dans sa nouvelle édition de
Marcabru le traduit par „à frelon“. Le frelon s’appelle en beau¬
coup d’endroits du midi de la France : hurgo, hergo (voir les cartes
1471 et 1572 de l’ALF et Rolland, III, p. 272-^75, et pour l’éty¬
mologie de ce mot E. Richter, Wiener Sitzungsbericht, 156, p. 100),
mais nulle part berto.
Mais quelle est l’origine de ce bertau ? A-t-il un rapport avec
rabertau (roitelet) ? ou est-ce le nom propre Bertwald, devenu
appellatif pour désigner un pauvre hère, faible d’esprit, dévelop¬
pement analogue à celni des noms suisses-allemands Gret, Jokkel;
le hanneton ou frelon aurait été traité en sot et aurait reçu ainsi
le nom de bertau ? C’est l’idée de M. Meyer-Lübke (Worterbuch).
2) Pour le g initial devant a à Hostens cfr. la carte „mite“ :
le p. 653 a gardzes pour ardes des points environnants.
51
f) Berichoa.
§ 41. Entre les zones roiberi à l’est, heré à l’ouest,
il y a une petite zone intermédiaire du type berichon.
Les formes sont les suivantes: béri^Ô aux p. 327, 338,
411 (Maine), berûô aux p. 412, 423, 421, 443, berichon
(Anjou; Giraud, Etudes ornithologiques, 1875; Montesson,
Vocabulaire du Haut-Maine), berieô (p. 318 et Maine-et-
Loire ; Vincelot, Etudes ornithologiques), berrichet à St-Cast
(Sébillot, Trad. de Haute- Bretagne), berrichat (de la Blan-
chère), barichb (Ille-et-Vilaine; Rolland, compl.). Le mot
se trouve déjà au siècle : berichnt (Belon, 1555),
benchon (Gessner, 1604), berichet (Monet, 1635), bericoc
(Fontaine, 1612) est peut-être une faute d’impression pour
bericot (Rolland, compl.). i)
Pour expliquer ces formes, on pourrait supposer
l’existence d’un féminin *bitrICA à côté de bitrÎcus : un
berriche -f- on (cfr. Marie, Marion) satisferait peut-être
les exigences de la phonétique. Mais la forme berriche
a-t-elle des raisons d’être ? Ne vaudrait-il pas mieux partir
du masculin bitrÏcu ^ berri et voir dans berrichon un
exemple des formations particulièrement fréquentes dans
l’ouest de la France {cir. poire: perrichon, moine: moini-
chon, baudet: baudichon [Horning, Zeitschrift für roman.
Philologie, XIX, 173; XX, 343]).2)
A côté de benchon il y a burichon (p. 316, Millet,
Faune de Maine-et-Loire, 1828). Le mouchet (accentor
modularis) porte aussi le nom de buriche (Jaubert), et la
fauvette d’hiver dans une région assez éloignée de berichon
(roitelet); au p. 702 (Creuse) on l’appelle burim. Faudra-
t-il expliquer la fonue en -ur- en faisant appel aux formes
PURiscuLUS du latin médiéval (cfr. § 27) ? Ou sera-t-on
en droit de supposer que berichon fut rapproché par
0 Berrichon > hœried (p. 433, Vincelot, Jaubert).
Peut-être associa-t-on ce mot à beurre, beurriclion qui signi¬
fie le chassieux; c’est en beaucoup d’endroits un terme injurieux
(cfr. lagagnouso).
2) Encore resterait-il à examiner le rapport entre l’oiseau
berrichon et l’adjectif berrichon du nom de la province de Berry.
52
étymologie populaire de bure (couleur de bure = couleur
brunâtre, roussâtre comme le roitelet, i)
Une troisième forme est représentée par hourichon
(Blois, Thibaut ; Loire-et-Cher, Bassetière), huruàù (point
446), houerrichon (Angevin, Verrier-Onillon), bouriche, m.
(Mayenne ; Rolland, compl). Y a-t-il là le reflet de Tin-
fluence d’une autre étymologie populaire, de bourriquet?
Ou faut-il voir dans burichon, bourichon de simples
variantes phonétiques où la voyelle protonique a été
changée sous Tinfluence de Tr?
Les formes beru^Ô (p. 339, 440, 443), berueô (p. 328,
462), béru^é (p. 339, 368), béru¥yé (p. 339), berruchet à
Matignon et Avranches (Sébillot, Trad. de Haute- Bretagne,
p. 211 ; Le Héricher, Histoire et Glossaire du normand,
1870), berruchot à Ercé (Sébillot), beruchon à Nantes
(Salerne), sont-elles dues à un changement de suffixe
puisque -ichon et -uchon ont des fonctions analogues
(cfr. Horning, Zeitschrift für rom. Phïl., XIX, 180)?
Comme le saintongeois roi bout! (Salerne) est tout
isolé, je n’ose pas y voir une contamination avec pouti,
poutin (chassie des yeux en Languedoc).
Il est vrai qu’on pourrait appeler au secours le
lagagnouo (féminin), „roitelet“, à Marseille (Mistral).
Lagagnou(s)o, fréquent dans la dénomination des plantes,^)
(cfr. cartes pissenlit, coquelicot) signifie chassieux. Mais
il est toujours difficile de tabler sur des formes isolées:
il suffit d’avoir entrevu les différentes possibilités pour
expliquer les variantes du mot.
3. Péteré et ses dérivés.
§ 42. Voici d’abordl’expansion et les formes de ce type :
Je n’ai que deux témoignages de pjéteré tout seul :
pétéré à Bardonnèche, Piémont, et pteu à Vergisson près
Voir d’autres noms d’oiseaux dérivés du même mot dans
E. Richter, Bedeutmigsgeschichte der Wortsippe hur(d), Wietier
SHztingshet'ichte, 156, p. 11.
2) Cfr. pour l’étymologie de ce mot Schuchardt, Ztschr. XXIX, 561.
53
de Mâcon (Constantin et Désormaux). Généralement on
le fait précéder de regem comme presque tous les noms
du roitelet. Mais nulle part ce titre n’est aussi ironique.
Reipetaret apparaît déjà dans le premier exemple que
je connaisse (Rolland).
Voici les formes que ce mot revet aujourd’hui dans
le Lyonnais: rapëtérœ (p. 808, 818), rapétré (p. 819, 909 j,
raptèré (p. 908), rapétré (p. 916), rèpétérè (p. 816), repé-
iréé (p. 817, 926), répétré (p. 907), rèpétérè (p. 986), rèy-
pétérèt (p. 975). Ces deux derniers points, détachés de la
zone principale de répéteré et séparés d’elle par d’autres
types plus récents, montrent que l’aire répéteré a dû être
beaucoup plus grande autrefois. Des vestiges s’en sont
conservés dans la vallée d’Aoste, très conservatrice : ainsi
aux p. 903, 905 on dit rwapétré, raptézé aux p. 911, 914.
Les dictionnaires donnent râpteré (Villefranche-sur-Saône,
Revue de phil., XXV, 96), repetaret (Forez, Bourbonnais,
Gras, Duchon), rèpetarè (Lyonnais, Puitspelu), rapoutâ,
raipotot (Morvan, Chambure), rapeio, rapôlô, rapoutâ
(Nièvre, Rolland, compl.). Ce mot correspond au français
roi pétard (pôtâ = pétard selon Chambure).
Il me semble que cette désignation du roitelet, elle
aussi, doit être rattachée au mot bitriscus ou pitriscus
tel qu’il apparaît dans certaines sources (cfr. § 27). i)
Par l’étymologie populaire ce pitriscus fut mis en
rapport ensuite avec les noms de différents autres ani¬
maux, oiseaux et poissons qui s’appellent: „pétard,“ „pé-
teur“.2) Je crois que c’est la petitesse de l’oiseau qui con-
9 Ce double développement de -tr- qui tantôt reste, tantôt
se réduit à -r- trouve un parallèle dans les dérivations d’un autre
mot celte: mataris (javelot) qui aboutit en vieux-français à méreau,
marelle d’une part, à matras d’autre part (cfr. Meyer-Lübke,
Worterhiich) .
2) Parmi les oiseaux je nommerai la canepetière (otis tetrax),
le motteux (saxicola oenanthe). Sur les poissons voir le travail
de M. Barbier (Revue des langues rom., LVII, 328) qui remarque
que ce nom s’applique toujours aux très petits poissons. Il le met
en rapport avec le français péteux, péteuse, troussepète, le provençal
petous, petouso qui se disent des petites personnes, des petits pois¬
sons (cfr. Ivan Pauli, Enfant, garçon, plie dans les langues romanes,
p. 219 et 223). Petouset est aussi le nom du petit criquet.
54
tribue à rattacher << pitriscüs h, pétard, petous^ „ petit
animal“. Ce nom renferme une bonne dose d’ironie po¬
pulaire, de mépris du fort vis-à-vis du faible. On remet
brusquement à sa place le petit impertinent, qui semble
vouloir s’élever au-dessus de sa condition.^)
§ 43. A Vergisson près Mâcon le suffixe -ard est
remplacé par -osus: repteu (Constantin et Désormaux).
Il en est de même en Provence où l’on a ajouté au
radical la terminaison -osus dans le nord, -osa dans
le sud. -osus > n au p. 849 (Isère, cfr. la carte heu¬
reux), de là ripatn, ripaUis (p. 868), rapélus (p. 889),
pétifs (p. 879).
De ce nom on forma en Provence un féminin pê-
tnzo (p. 853, 855, 862, 863, 871, 873, 888, 898), pétnza
(p. 865) et un diminutif petuzeta (p. 991). L'^ tombe
dans petno (p. 864, 874, 875, 876), péiué (p. 872)^),
péiw% féminin (p. 878), pétioo (p. 887), petugo (p. 885)
(cfr. la carte étincelle). 3)
Au p. 897 (Alpes-Maritimes) on appelle le roitelet
rêipetü (*„rei-peton“). Le même mot peioun désigne
aussi le dernier .oiseau d’une nichée.
Ripatéa au p. 990 est difficile à expliquer.
Le type pétard, péteux est en train de reculer
devant des types nouveaux, surtout devant roitelet et
roi des oiseaux. Ailleurs il a été radicalement transformé
par l’étymologie populaire. Le terme manquait sans doute
de vitalité. Peut-être est-il devenu obscur à la suite d’un
fort rétrécissement; peut-être le trouve-t-on déplacé a
l’égard d’un oiseau porte-bonheur, et surtout choquant
^) Mais ce petrisctis du latin médiéval est-il dû lui-même à
une étymologie populaire de bitriscus (-}- peditare) (cfr. vitriscus <
BiTRiscüs vissire)? Ou faudra-ü voir dans pitriscus une variante
dialectale de bitriscus dans le gaulois?
2) Cfr. les cartes „poison“ et „ver luisant" de ALF.
^) L’étude des dictionnaires donne à peu près le même ré¬
sultat. Mistral donne les formes suivantes: petouso, lietouvo, jpe-
touvin (à Nice), petouo, petoue, petoua. Différents autres oiseaux
s’appellent petouso par confusion, ainsi le grimpereau (Mistral,
Rolland), la mésange, la fauvette. On a aussi appliqué ce nom à
la huppe à cause de sa malpropreté légendaire.
55
(cfr. le remplacement de „conin“ par ^lapin*'^, Jaberg,
SpracJigeographie) .
Les zones de répeteré et de petou, autrefois certaine¬
ment unies, sont séparées aujourd’hui par une couche
secondaire qui offre le type de „roi des oiseaux''^, dif¬
férents noms empruntés à d’autres oiseaux, des noms
spontanés à l’ouest et un continuateur très curieux de
pétaré à l’est.
a) Collision avec rapatin (grimpereau).
§ 44. Dans les départements de l’Isère et de la
Haute-Savoie le roitelet s’appelle rapatet: roepattoe (point
942), roepaté (p. 838), ropaté (p. 940), répaiet (Charvet,
Faune de V Isère, statistique générale de V Isère, 1846),
repatet à Grenoble (Ravanat, p. 171), ripatet à Voiron
(Isère; Blanchet, p. 215), avec changement de suffixe:
ripatô (p. 931) et ripatè (p. 920, 945), rapatè (p. 936),
ripatin à Leschaux (arrondissement Annecy ; Constantin),
rapatin à Albertville (Brachet, p. 197), râpâtè à Certoux
(Keller, § 81, 3). Salerne comprit le rap)atè savoyard
comme petit roi Patan. A Bernex (Genève) on en fait :
rampatan (Glossaire). Aillem’s, à Aire-la- Ville, n’y com¬
prenant plus rien, on renversa les sons : ratapin ( Glossaire),
en pensant peut-être au rat.
Petaret devint phonétiquement patara (p. 933, Savoie),
e atone devenant a, surtout devant liquide. i)
Pour expliquer les formes de l’Isère et de la Haute-
Savoie, il faut y supposer une couche ancienne de "^'rapata
(roi pétard) correspondant à rapouiâ du Morvan.
Dans une région où d >> a^) et -ittus a, on
comprit rapata comme rampantet. Ce mot correspond à
grimperet, grimpereau, noms donnés à un autre oiseau
9 Cfr. Puitspelu, Phonétique lyonnaise, § 64; Pliilipon, Patois
de St-Genis des Ollières, Revue des 'patois, II, 31, 208; J. Désor-
maux, Alternances dans le parler de Thônes, Revue de phil., XXII,
28; la carte „(ligitale“ donne (m.) au p. 826.
2) Pour la fausse régression voir les cartes „manger‘‘, „langue“,
„rossignol‘‘.
56
petit et brun qui grimpe très bien (certhia familiaris),
souvent confondu avec le troglodyte (voir § 73). Con¬
stantin donne pour „grimper“ râpâ.
Il est probable que le nom de rapatet (ou avec sub¬
stitution de suffixe rapatin) appartenait au grimpereau i)
avant d’arriver par différents développements phonétiques
à désigner le troglodyte, car la région où ce mot désigne
le grimpereau est beaucoup plus grande que celle où
l’on appelle ainsi le troglodyte.
La confusion de ces deux noms d’oiseaux n’a pas
les mêmes conséquences funestes que les différentes homo¬
nymies découvertes par M. Gilliéron pour des noms très
usités. Elle n’est pas absolument intolérable, comme le
prouve le fait qu’en une contrée un seul nom désigne
l’un et l’autre des deux oiseaux. On peut cependant
constater une tendance à les distinguer de nouveau en
laissant au grimpereau son nom — autant qu’on peut l’af¬
firmer par le seul témoignage des dictionnaires — et en
créant une autre dénomination pour le troglodyte. La
désignation ripatet (roitelet) était certainement plus ré¬
pandue autrefois. Nous constatons aujourd’hui sur la
carte de l’ALF un vide à l’est et à l’ouest de la zone
ripatin. Il a été comblé par des couches secondaires qui
se superposent en partie à ripatet^ en partie à répeteret.
Ripatet prêtait à confusion et répéter et a été refoulé dans
les Alpes (aux p. 975, 986), lorsqu’il était détaché de son
domaine principal par la zone ripatet et que ce mot équi¬
voque avait semé le trouble aussi dans l’aire répeteret.
D’autres causes ont déjà été mentionnées plus haut (§ 43).
Au nord de l’aire répétard il y eut la même as¬
sociation de ce mot (rapetô) avec le verbe ra(m)per, et
comme nous sommes ici à peu près sur la limite entre
Rolland mentionne sous grimpereau les noms de rapatin,
rayette, rapillons et rampa pour la Savoie, rampinette pour les
Vosges, rampélie pour la Meuse, rampeon pour la Provence, et
dans le Complément: rapô (St-Maurice), rapilha (Lyon), rapon
(Hautes-Pyrénées); on peut ajouter à cette liste rampiat, rampicat,
rampighin pour le Piémont (Bonelli). Humbert (Nouveaux Glossaire-
genevois, 1852) traduit rapatin par „siteUe‘‘. Constantin fait de
même pour rapeta à Rumilly.
ramper et grimper,^) oa forma par contamination un
grapetô (m.) dans le département de Nièvre (Rolland,
Compl.).
Rapyà (m.), roitelet à Vinzelles (Dauzat), et rapilha
(grimpereau) dans le Lyonnais (Rolland, compl.) sont
peut-être aussi des dérivés en -ittus, -ittade ra(m)pâ,
ra(m)pillâ. Rapijaneta (ibidem) en est un diminutif.
Tandis qu’à l’est l’association de répétard avec le
verbe ramper est générale, on ne la trouve que rarement
à l’ouest.
b) Reypetit et dérivés.
§ 45. A l'ouest l’étymologie populaire a travaillé dans
une autre direction. Dans la Haute-Loire et plus au sud,
dans une région qui est aujourd’hui recouverte d’une couche
secondaire du type de „roi des oiseaux'*'*, on transforma
péter ety mot rétréci et clioquant, en petit re, ce qui se
présente facilement à l’esprit de celui qui connaît la fable.
Il ne reste aujourd’hui qu’une seule trace de la forme
intermédiaire avec préposition de l’adjectif ; pétiré au point
840 (Gard), à moins qu’on ne voie dans rebedéré, rébé-
dédé des p. 824 et 833 (Ardèche, cfr. § 31) des trans¬
formations de répeteret voisin, provenant elles aussi de
ce qu’on trouvait repeteret choquant. Mais ces transfor¬
mations ont été peu heureuses, elles n’ont eu aucune
force d’expansion parce qu’elles ne signifiaient rien. Sans
le témoignage de cette forme, je n’oserais pas faire dé¬
river reypetit de petaret. Petyore (p. 842) renferme un
diminutif de petit.2)
D’après la carte „mon petit garçon^ (623) l’adjectif
suit toujours le substantif dans la région en question.
La place de l’adjectif dans pétiré est donc inusitée ; aussi
cette forme disparaîtra-t-elle. Aussi dit-on partout ailleurs
Je ne peux établir la chose avec certitude, parce qu’il n’y
a pas de carte.
2) Nous avons peut-être encore une preuve de l’existence de
'pétard dans le Cantal dans l’expression potobilou (Rolland, compl.).
Sous le premier élément de ce mot poto pourrait bien se cacher
pétard (lo hilou est le vendangeur au p. 818; Rhône). „ Vendangeur “
est le nom de l’ortolan dans bien des contrées; peut-être y a-t-il
eu confusion des deux oiseaux.
58
reypéti (p. 715, 717), répéH (p. 841), rêpêtét (p. 768),
répétit (p. 713, 716, 718,' 728, 729, 735, 757, 782), réy-
pétH (p. 691, 719, 727, 746, 748, 766), réypétit (p. 686,
724, 744, 772, 773, 783, 793), réiypèiU (p. 692, 693, 694,
696, 737, 790, 792, 628, 638), réypHU (p. 733, 794),
ripitit (p. 778), réypàtït (p. 796)4)
En Auvergne Mistral cite la forme repetetit, qui res¬
semble à une onomatopée. Reyman^ut (p. 795, Pyrénées-
Orientales) et reymemit (p. 797) sont une traduction de
reypetit,
Ptyi rey aux p. 982, 992 (Piémont) est complète¬
ment séparé de Faire reypetit en Auvergne et en Lan¬
guedoc ; il continue la zone ptcit re du Piémont (Flechia,
Arch, GL, XVni).2)
Blavignac (Uempro genevois, 1875) mentionne un
rappetolet entièrement isolé que les correspondants du
Glossaire ne semblent pas connaître. Ratjtole (p. 958,
Haute-Savoie) n’est peut-être qu’un raptitolet corrompu.
§ 46. Tout à l’ouest de la région rey petit on ap¬
pelle le roitelet reypit^yu (p. 743, 762, 784) avec un di¬
minutif de petit qui semble être assez fréquent dans cette
région (cfr. la carte „mon petit garçon“). Par contre, ce
suffixe ne paraît pas être en usage plus à Fouest. Il en
résulta un nouveau malentendu, peut-être parce que la
fable était peu connue dans cette partie des Pyrénées :
reypiPyu est défiguré et devient reyUn (p. 687, Hautes-
Pyrénées) — comme reknt^yit > riikPyit au p. 662 (Gironde),
richou (Cenac-Moncaut, Dictionnaire gascon-français, dial,
du dép. du Gers, 1863), avec article agglutiné, luriUyn
(p. 688), luritm (p. 689). Ce mot, ne se rattachant à
rien, n’a, par conséquent, aucun pouvoir expressif. Aussi
M. Egmont ne Fa-t-il rencontré qu’en trois points. Cette
zone confine à l’est à une couche nouvelle de re et de
b Déformé de la sorte, le mot primitif est méconnaissable.
Aussi le roitelet partage-t-il ce nom avec le grimpereau dans les
Landes et avec le rouge-gorge dans la Gironde et les Hautes-Py¬
rénées.
b Pour d’autres témoignages de 'p’ci rey, voir Morosi, Dial,
di Frai; Arch. Gl., XI, 331 — re jpcit à Cuneo, Alba (Bonelli).
59
rastelet, doot j’ai déjà parlé, qui est venu le remplacer. A
l’ouest et au sud rit en fut conservé par l’étymologie populaire
qui eu lit chourro (Lacroix, Catalogue raisonné des oiseaux ob¬
servés dans les Pyrénées françaises et les régions limitrophes^
1873 — 75), chouret dans le Bigourdan (Bassetière), enreto
(féminin) au p. 698 et à Bagnères de BigoiTe (Rolland),
chourro (féminin) (Gers; Rolland, compl.), tchourro (Tarn-
et-Garonne ; Rolland, compl.), marie- chourre, marietchourre
(féminin) (Lespy-Raymond, Dictionnaire de Béarn^ II, 48),
marichoure à Bagnères de Bigorre (Rolland). L’Atlas donne
en outre eureto pour fauvette au p. 687; chourro désigne
aussi une espèce d’alouette dans le Béarn (Mistral). Le
ver’oe chourra'^) signifie d’après Mistral: tarder, croupir,
être engourdi, se reposer, muser, badauder (dans le lang.),
être sournois, silencieux, bouder (en Rouergue et Q^^ercy),
dégringoler, tomber petit à petit, couler, s’amuser. On
peut trouver là bien des points de contact avec les ma¬
nières du troglodyte, d’autant plus qu’on se trouve dans
le voisinage de rekntcet (roitelet) qui appartient au même
ordre d’idées.
Marichoure pourrait dire : Marie-repose-toi, Marie-
amuse-toi, Marie-dégringole, etc. C’est une composition
avec l’impératif comme il s’en retrouve dans toutes les
langues.^)
Du verbe chourra on forma un substantif verbal
choîirro (féminin), chouret (masculin) et choureto (féminin)
de la même manière qu’on fit dériver de musser mussot^
de huiHji ktiPyit, kui^yef deux noms du troglodyte dont
j’aurai encore à parler, piquer piqué (nom de la sitelle
dans le Gard (Rolland), de grimper gr impet (grimpereau)
ou gripoüe (gripette), etc.^)
Saméan (La création métaphorique en français et en romaUj
Beiheft zur Zeitschrift, I, 1905, p. 116) essaie d’en donner une
étymologie.
‘^) Cfr. l’espagnol mari-posa (papillon), l’italien salta-martin
(sauterelle) ou sauto-hernat en provençal, h%de mari ou maryo volo
(coccinelle) en Béarn. (Ici aussi ce sont des noms propres très
familiers que l’on emploie, cfr. § 30.)
^) Peut-être le mot basque chori (oiseau) {Zeitschrift, 1893,
154) a-t-il aussi joué un rôle dans ce développement.
60
Mais je ne réussis pas à expliquer comment lu piteîi
(re), le petit (roi) s’est transformé en vichou (Bouches-
du-Rhône, Villeneuve, 1821), viPyü (p. 894, Var), vitreynré
(p. 899, Alpes-Maritimes), viciore (Andrews, Vocab. franç.-
mentonais, 1877). Il est vrai que: Pellicot (1838) donne
vichou dans le Var pour le pouillot, Azaïs et Honnorat
bichot (fauvette) en provençal.
L’histoire du type pétaret montre comme celle de
BiTRiscus en général que le peuple ne se contente pas
d’un vocable indifférent pour désigner le roitelet. Il se
renouvelle par conséquent constamment, comme tous
les mots affectifs.
e) Remplaçants de petaret à signification semblable.
§ 47, A côté de ces déformations directes de répeteret
en décadence, nous rencontrons aussi des remplaçants
d’une autre nature. Un mot qui va disparaître
en appelle un autre d’inspiration analogue
qui prendra sa place (cfr. Jaberg, Romania, XLVI, 127).
C’est ainsi qu’aux environs de Grenoble on appelle le
roitelet vessînarda (Ravanat) qui a la même signification
et le même suffixe que péteret.
Au même endroit on l’appelle aussi pet de bou
(Ravanat) qui appartient au même ordre d’idées. Cette
désignation se retrouve à Panissière (Puitspelu), à Voiron,
à Jons (Revue de pliil., IV, 232). On y dit aussi pey de
i6oi/A'(poil de bœuf, Bailly, Ornithologie de la Savoie, 1875),
2)n de bu (Fenouillet, p. 219) qui n’est probablement
qu’une déformation du premier.
Pêro d*bou à Annecy, que Constantin et Désormaux
n’ont pas su expliquer, doit être une contamination de
pet de bou avec peyro dian (Bailly). Ce dernier corres¬
pond à peiro-jano des Cévennes (cfr. la carte „Jean“)
qui désigne selon Mistral une variété de châtaigne. Or
le roitelet s’appelle ^châtaigne “ en plusieurs endroits,
comme nous allons le voir.
Trouspë (Bailly) appartient au même cercle d’idées
(cfr. le franç. troussepète) de même que pa de sri (pet
de souris) du patois messin (Rolland, Rom., V., p. 215).
61
Tous ces termes sont isolés. M. Edmont n’en a ren¬
contré aucun. Ce n’est cependant pas par hasard qu’ils
se trouvent tous dans la région de pétaret et de roi de
quilles. Nulle part ailleurs on ne traite le petit oiseau
d’une manière si peu respectueuse. Il n’est pas ici, comme
dans le Périgord et en Normandie, l’oiseau béni, l’oiseau
protégé de Dieu.^)
§ 48. Petaret a valu au roitelet un autre nom
encore, dans l’est de la France. C’est roi de quilles
(quille = excrément << allemand ^kegil“). Eeauquier
relève à propos de roi de quilles l’expression merdeux
pour désigner un petit enfant. Dans cette contrée les
termes gey, geyaV (féminin) et geyê (masculin) sont em¬
ployés familièrement pour „une petite bambine, un petit
garçon“ (Boillot; Jaclot, Mess.\ Vautherin; Glossaire)
Roi de quilles comme petaret exprime le mépris pour le
petit être.
Je ne peux malheureusement pas indiquer exacte¬
ment l’aire de cette expression, parce que la carte de
l’Atlas est incomplète. Voici les formes que je connais:
rédgéy (Boillot, Faune et Flore franc-comtoises, 255),
rwédgœy (p. 54 de l’Atlas), ro d^gheye à Sancy (Doubs)
(Revue de phil. franç., XIV, 47), ro d’giy en Bourberain
(Revue des patois gallo-rom., III, 89), roué d'gJiëy' (Bour¬
gogne; Rolland, compl.), roi de guilles dans le Jura
b Par contre, je ne crois pas avec Meyer-Lübke (Worter-
huch) et Sainéan ( Zeitschrift, 207) roi Pétaud, vivant
seulement dans l’expression „cour du roi Pétaud“ dans la langue
littéraire, ait quelque chose à faire avec rei petaret, rei peteux.
Cette cour est un endroit où chacun veut être maître (Godefroy).
L’expression est attestée par Cotgrave et Kabelais (III, 6) et en
français moderne par exemple par R, Eollaud (Jean-Christophe, Y ,
p. 69). Ce roi Pétaud est plutôt le roi des mendiants, de troupes
désordonnées; cfr. le vieux-français hedel, hedeaii, hideaut, petaut
pîtault, soldat de troupes légères, paysan armé adonné au pillage
ou simplement terme injurieux (Godefroy). Ce mot dérivera d’un
^ mot germanique, ancien haut-allemand: bidal, bital, pital (Franz.
Studien, VI, 94).
b Cfr. en outre l’expression suisse-allemande : chegelischüeler
à côté de hdfeUschiieler, termes de mépris dont les écoliers se
servent à l’égard de leurs camarades des classes enfantines.
62
(Beauquier), roi-de-gueille à Colombe-les-Bithaine (arron¬
dissement Lure) (Vautherin), roi de guille à Broje-les-
Pesmes (Perron, Proverbes de la Franche-Comté, 1876),
à Montbéliard (Sabler, Catalogne des animaux de Varrond.
de Montbéliard, 1864), rô d'ghîyb dans la Haute-Marne
(Rolland, compl.) retgèj,, ratgèi à Damprichard (Grammont,
Boillot). Le mot est aussi connu dans le Jura bernois
voisin: roè d'gey^ à Montignez (Glossaire). (Un redigoelé
tout à fait isolé au p. 978 [Nendaz] qui désigne la fau¬
vette, est très curieux.) Bcikia à Belmont (Horning,
p. 140), raikio à la Baroche (ibidem) correspond à quille
-[- ittus (cfr. ceva [chevet], laqoio [petit lapin]). Ces formes
règuia, rèkia sont attestées déjà par Oberlin (Essai sur
le patois lorrain des environs du comté du Ban de la Roche,
1775). Oberlin ne comprenait déjà plus cette expression.
Peut-être retrouvons-nous encore roi quille beaucoup plus
au nord dans rwetlô arwi ou arwitlo (<< reguille) au
p. 283 (Pas-de-Calais). Le w pour -gu- (arwi << reguille)
s’explique peut-être par sa position intervocalique (cfr.
lèw <C lingua, ëwiy < anguilla, awiy <C aiguille, ew^ <<
aqua [Bruneau, Phonétique des Ardennes, p. 334]), rawi
> arwi par une métatbèse fréquente (cfr. bertelle pour
bretelle, etc.). Raguille isolé a été entièrement à la merci
des lois phonétiques qui l’ont transformé en un mot obscur,
sans aucun rapport avec kïl. Or, tout nom inexpressif
du roitelet est condamné à disparaître ou à être trans¬
formé par l’étymologie populaire. Arwi au p. 283 est près
de s’éteindre ou plutôt de se combiner avec roitelet venu
de Paris. Nous pouvons assister ici aux étapes d’une
contamination.
Roi de ghézi, gliézillat (Rolland, compl.), tous deux
dans l’Yonne, le second spécial à Turny, sont aussi des
produits de contamination de roi de gey, geya avec bezi
(niTRicus, cfr. § 29), les deux incompris. Roi de quilles
devait donc s’étendre plus à l’ouest que mes témoignages
ne l’indiquent.
S’il est vrai que le titre de roi pénètre dans presque
tous les noms de roitelet, on rencontre cependant encore
guéyait* (féminin) à Boncourt et à Charmoille (Gloss.),
63
gey de poue (féminin) (guille de porc) à Charmoille
(ibidem), guille de porc à Montbéliard (Beanquier),
(Vtjille-de’poûe dans le Cbâtenois (Vautherin), dyty^de poii
aux environs de Belfort (Rolland, compl.) (cfr. pour cette
expression le nom du pinson dans l’Isle-du-Doubs : tcyo-
d-pO, „ excrément de porc^” [Bournois-Roussey]).
§ 49. Le roitelet porte aussi le nom „d’excrément“
dans le Languedoc, autre contrée qui touche à l’aire
pelouse. Mistral donne : cacarauIetOf cagadauleto, caga~
dauretOy cagarauleto (lang.), cacarcagad avec les deux
sens d’escargot et de troglodyte, sans nous indiquer l’aire
des deux. Company o (Histoire nat. du départ, des Pyrénées-
Orientales, 1861 — 64) donne cargoulet, Azaïs (Dictionnaire
des idiomes romans, 1877) cagadâoideta pour Montpellier.
Marcel de Serres donne la même forme pour le Hérault
déjà en 1822. D’après l’ALF, elle n’est plus vivante au¬
jourd’hui. Meiio et Rolland y voient escargot (cargol,
cagaraulo, cagadaulo). Mais quel serait le point de com¬
paraison entre le roitelet et l’escargot? Je ne le vois pas.
Cagadauleto me semble plutôt être le diminutif d’un
dérivé de cagar (cacare), *cagata 4- olus + itta.i)
Peut-être que rèhchichou (aussi dans le Périgord;
Mistral) et reslsn (au. p. 624 où tous les s) ont-ils
une origine semblable.'^)
9 Cagada existe réellement dans ce sens (Mistral, Honorât) ;
cagado signifie aussi fauvette en Gascogne (Mistral). Peut-être
cagad-aideto est-il formé du substantif cagado avec l’adjectif auU^
aulo = vil, méchant, rusé (Mistral).
2) CMchiou est le nom par lequel les enfants désignent les
petits oiseaux (Honorât), ricliieu, cJiieu = petit oiseau (enfantin;
Mistral), chichou — petit chien (Mistral, Honorât). Chichou^ chi-
chiou appartient donc à la langue enfantine et désigne un petit
animal. Il renferme peut-être „chieur“ (cfr. l’expression chiot,
chie-nid pour le dernier oiseau d’une nichée) avec dédoublement
de la première syllabe, caractéristique pour la langue enfantine.
Chichi est aussi un nom onomatopéique des choses très petites.
Cfr. Frieda Kocher, Reduplikationshildungen im Franzosischen und
Italien ischen, p. 47. On fait dire au roitelet dans le Lot: „chiriou,
chiou, chiou, c’est moi qui suis le roi“ (Rolland, compl.). A la
même catégorie de noms appartient fouti-foiiti (franç. dial., lang.? ;
Chenevière, Carnet de chasse^ s. d., p. 233).
64
Le roitelet s’appelle „fienteur“ encore dans un autre
coin de la France, en Normandie où tout contact avec
repeteret est exclu: Hquieu, riqueii à Valognes (Le Hé-
richer) (cfr. cacare >> kye au p. 387, ou chasseur = -easoe).
Les noms du roitelet qui désignaient à l’origine le
dernier oiseau d’une nichée, le plus petit et le plus faible
appartiennent encore au même ordre d’idées et à la même
région que répéter et (cfr. § 42).
On l’appelle culot dans le Jura (Beauquier), cocoxjrou
dans l’Ardèche (Rolland, compl.). Coucairoun (peut-être
de ^cacaikoxe) est le dernier oiseau du nid en provençal
(Honorât). 1)
4. Les noms de formation romane.
§ 50. Ces dernières désignations représentent des
types de formation romane, provoqués, il est vrai, par
des noms déjà existants dans le voisinage, ce qui montre
que l’imagination ne crée pas spontanément. La création
d’un mot nouveau est poussée dans une certaine direction
par le mot déjà en usage, même lorsqu’il s’agit de trouver
un nom pour un objet qui ne joue aucun rôle daus la
vie pratique. C’est par un procédé avant tout mécanique,
non réfléchi que l’on donne des noms.
Certains noms du roitelet, tombant en désuétude,
ont besoin d’être remplacés. Le trait caractéristique par
lequel le nom précédent avait exprimé tout l’animal ob¬
sède en quelque sorte ceux qui parlent; dans l’est et
sud-est de la France, l’idée que le roitelet est un petit
être de rien, que l’on méprise, un péteux, continue à
avoir ses effets sur les néologismes.
Peut-être peut-ou aussi rattacher à cette famille refoitchioii
dans l’Aveyron (Vayssier) comme un re chiou-chiou transformé
dans la région kaga par étymologie populaire en refouchiou qai
aurait rappelé fouchau (nigaud, sot) etfoucharou (revêche, bizarre,
capricieux).
Ainsi Teuhét (?) au p. 972 (Piémont) est peut-être en rap¬
port avec kuhii, koké (œuf). Cela pourrait être un terme enfantin
semblable a koké^ koko.
65
Ce sont d’abord des noms qui rendent tout à fait
la même idée par une comparaison analogue comme pet
de bœuf ou roi de quille, etc.
Ensuite, comme tous ces mots ont de commun avec
répeteret quelque chose de choquant, d’autres symboles
traditionnels de petitesse se présentent pour exprimer la
même idée d’une manière moins choquante.
Si l’homme s’exprime par une comparaison, c’est
qu’il ne veut pas rendre une observation exacte, mais
une impression de l’oiseau qui a un caractère propre,
soit sympathique, soit antipathique.
Et toujours il a une comparaison à sa disposition,
qui n’est pas nouvelle, puisqu’elle est puisée dans la tra¬
dition, dans la mémoire, mais qui peut nous faire l’im¬
pression d’une trouvaille très originale. Le peuple semble
être original très souvent sans le vouloir.
a) Les désignations inspirées par la petite taille
de Poiseau.
§ 51. Dans cette même région où répetaret semble être
décadent, le roitelet porte le nom de pouce ou P o u c e t :
Pouce à Mouthe (département du Doubs; Beauquier),
poesro fpoes = pouce -f- erot) à Grand’ Combe (Boillot).
Roi pueça (masculin) à Malleray (Jura bernois; Gloss.)
ne sera autre chose che le roi Poucet. Pouçard se re¬
trouve en rouchi sous la forme de pieucart (Hécart,
Dictionnaire rouchi- français, 1834). C’est peut-être ici la
traduction du Domendick voisin dans le Luxembourg
(Suolahti) 1).
La pieuquete est une petite alouette en Picardie. Le roi¬
telet porte des noms semblables en anglais: thumb-hird; en Alle¬
magne: Dumeling (Gessner) ; Dàumle dans le Tyrol (Dalla Torre,
Die volkstümlichen Tiernamen, Beitrâge zur Anthropologie, Ethno¬
logie und Urgeschichte von Tyrol, 1894, p. 57 — 157), Dûmenzwit-
scherle, Dûmenschlup ferle en Alsace (Suolahti) sont des combi¬
naisons avec d’autres noms. Polaschin, polaschet (poucet), utschi
polisch, employé presque partout dans les Grisons pour désigner le
roitelet, tschetscha polisch (Daumenlutscher) à Lumneins près de
Truns (communications de M. Pidt).
5
66
• Le roitelet est le nain des oiseaux comme le Petit
Poucet est le nain parmi les hommes.
§ 52. Le petit Poucet est appelé noisette en alba¬
nais, „moitié de pois“ en grec (cfr. G. Paris, Petit Poucet
et la grande ourse). On donne les mêmes noms au roi¬
telet: Noisette dans les Vosges (Gérardin, Traité élémen¬
taire d'ornithologie^ 1806), nouchat (féminin), diminutif de
nouch (noix [correspondant du Glossaire]) dans une partie
du Jura bernois (Charmoille, Mettemberg, Viques, Cour-
rendlin, Vernes), nûzilo en Provence, au p. 836; nzilTt
du p. 857 (Drôme) est un nlnzilU dont le n initial fut
considéré comme faisant partie de l’article indéfini (cfr.
nsu [nojau] au p. 844) ; uzilù est un petit oiseau. Ntigeta
(féminin) au p. 758 (Hérault) signifie aussi petite noix
(miga). Mistral relève nousiho en Provence, nousilha en
Limousin, nousou dans le Dauphinet; Rolland, compl.,
7iouy'zo dans le Gard, gros de nouéy' (masculin) (ibidem). i)
Tous ces points se trouvent dans la même région où
répetaret est en décadence.
La châtaigne remplace la noisette là où le châtai¬
gnier est plus commun que le noisetier: cotanô au p. 829
(Isère), chantagne dans le Forez (Gras), chôtagne dans
le Loire (Rolland, compl.), castagnolo en Provence.^)
Un autre terme de comparaison est le haricot. En
Suisse allemande la mère dit à l’enfant d’un ton cares¬
sant „mis BôhnW . En français haricot se dit aujourd’hui
d’un sot. On a d’abord donné ce nom à un petit être,
et comme les petits êtres sont encore inexpérimentés et
sots, on l’appliqua par extension à la sottise des adultes,
La comparaison du roitelet avec une petite noix se présente
partout spontanément à l’esprit. On l’appelle coda (noix) à Ra-
venne, à Imola (Merlo), kut'fa (noix) à Groden (Alton, Die ladinischen
Idiome, 1879, p. 290), niièina à Celerina, Camogasc de l’Engadine
(communication de M. Pult), nuserle dans la vallée de l’Etsch
(Suolahti).
2) Pour ce nom aussi il y a des parallèles en Italie: re ca-
stagnà, recastagnet dans le Piémont (Gavuzzi, Vocaholario italiano
2}iemontese, 1896), rakastuat (Giovanni Flechia, Less. piveronese,
Archivo Gloit., XVIII, 307), castagnedda à Castclbuono (Merlo).
Castagno est aussi un nom do la fauvette (Mistral).
67
mais rarement dans un sens méchant. Différents petits
oiseaux sont comparés au haricot. On appelle la fauvette
faharelo aux p. 763, 744, 753, 752 (département Tarn) ou
faho dans le sud-ouest. A Toulouse on appelle fabarelo
le pouillot (Rolland). Ce même nom est appliqué au
roitelet dans le département du Tarn (Gary, Dictionnaire
patois- français à l'usage du Tarn, 1845) ; miéy'-hahe (demi-
fève) dans les Basses-Pyrénées (arm. deu hiarnés, 1905)
rappelle le grec „moitié de pois“ — - Poucet: févat (fém.,
haricot) est le nom de la fauvette et du troglodyte à
Charmoille (Glossaire).^)
§ 53. Si nous nous demandons pourquoi, dans le
nombre infini des petites choses qui l’entourent dans le
monde, l’homme choisit justement la noix, la châtaigne,
le haricot comme points de comparaison, nous trouverons
que ce sont des symboles de petitesse consacrés
par la tradition. J’ai cherché à le montrer par des
exemples pris à des peuples et à des catégories d’objets
différents. Je suis persuadée que ces matériaux pourraient
être augmentés sensiblement par des études plus appro¬
fondies. L’homme connaît encore beaucoup d’autres petites
choses dont il ne se sert pas comme symbole, tout simple¬
ment parce qu’elles ne sont pas consacrées par l’usage,
telle la myrtille, la groseille, la lentille, etc.
Il y a ici une grande différence entre le langage
poétique populaire et le langage poétique d’un génie in¬
dividuel. Tandis que le poète cherche des comparaisons
nouvelles, inattendues pour exprimer des impressions
personnelles, l’homme du peuple puise dans la tradition
1) La même comparaison so rencontre en Italie : favHe, favitte
en Frioul (Piroua, Vocaholario friulano, 1872, et Salvioni, Arch.
Glott., XVI), granin d* fava à Mantoue (Bonelli), fauzza à Lecce
(Merlo), favuddu à Barletta (Merlo).
J’ai rencontré une seule comparaison tirée du règne végétal
qui ne se trouve pas en France. C’est le nom du roitelet que
donne Palioppi pour la Basse-Engadine: hrümhla (prune). Cfr. pour
cette comparaison une remarque de Schuchardt (Zeitschrift fur
rom. Phil.y 1914, XIX, p. 49) où il dit que prune est aussi un des
nombreux noms de la papille des yeux. Il paraît que ce nom n’a
pas été noté par les correspondants du Glossaire romanche.
68
et y cherche les comparaisons consacrées, ou plutôt:
celles-ci se présentent à son esprit, lorsqu’il reçoit une
certaine impression ou qu’il éprouve un sentiment. Cette
tendance est si forte que le peuple s’assimile même les
métaphores nouvelles du poète, qui, après avoir circulé
quelque temps de bouche en bouche, pénètrent dans le
répertoire poétique populaire.
Les points de comparaison de l’homme du peuple sont
limités, parce que traditionnels, ceux du poète sont infinis,
parce que d’invention spontanée. Or ce ne sont généralement
pas les poètes qui mettent en usage des expressions nouvelles.
§ 54. On a aussi comparé le roitelet à des petits
êtres vivants, à des petits animaux, comme on donne à
un petit enfant le nom de „Herzchâferli‘' .
On l’appelle papillon dans le nord de la France;
dans l’Artois: pofinô à Ligny-St-Flochet près de St-Pol
(Edmont), P onfinim à Boulogne-sur-Mer (Labille, Les bords
de la mer J 1858), pemphignon à Archeux (Corblet, Gloss,
du patois picard, 1851).
Le papillon s’appelle pofilô au p. 286, pofiyô au
p. 287.1) C’est donc bien au papillon qu’on comparait le
roitelet. Je ne sais cependant pas s’il ne s’agit pas plutôt
du pouillot (phjlloscopus trochilus), petit oiseau gris qui
volète dans les branches des arbres fruitiers, pareil à une
petite feuille, „ei?i Weidenhlâttchen“ suivant un nom alle¬
mand. Labille traduit le mot poufinion par roitelet huppé,
Edmont par „très petit oiseau du genre troglodyte“ et
Corblet dit „ espèce de roitelet, pouillot“. Dans le Jura
et en Savoie, papillon est le nom du grimpereau de mu¬
raille (Rolland, compl.).^)
Ces formes sont assez difficiles à expliquer: Le a entre
labiales devenait o. Quant à l’origine de V-f-, je n’en saurais don¬
ner une explication. Pour le passage de y à n Bruneau (Phonétique
des Ar demie s y § 285) donne les exemples suivants: aruni (rouille),
funi (fouir) à côté de fuyij funà (taupe) à côté de fuyo.
2) Le paralièle entre le roitelet et le papillon a pourtant été
fait aussi ailleurs. Flecbia (Arch. Glott., XVIII) donne pour le
roitelet le nom de parpajd à Parme.
En Basse-Bretagne le roitelet est le laouenan, laouenik (petit
pou) (Troude, Nouveau dictionnaire breton-français, 1876).
69
MistouUno (roitelet) en Provence (Mistral) est le
féminin de mîstouUn (fluet, grêle, mignon), diminutif de
7nisto (enfant au maillot).
§ 55. Repepin en Basse-Normandie (Ménage 1759,
Le Héricher) pourrait être roi p'êpè (= noyau aux p. 398,
395, 386, 376, 378). Mais le symbole de noyau pour
une petite chose n’est pas populaire. Je crois donc plutôt
avec Behrens (Beitrdge zur franzô.^isdten Wortyeschichie
wid Grammatik, Halle 1910, p. 178) qu’il faut y cher¬
cher le nom de Pépin le Bref. L’image que le peuple
se faisait du père de Charlemagne correspond assez bien
à ce qui, d’après les noms qu’il lui donnait, le frappait
dans le troglodyte. Pépê le petit (<^ Pïppînus par dissimi¬
lation) joua un certain rôle dans les chansons de geste,
un rôle peu honorable, peu héroïque; il y est sot et
ridicule (cfr. G. Paris, La légende de Pépin le B^'ef;
Mélaotges litt.j I, p. 183). La comparaison d’un homme
très petit avec ce roi est encore vivante dans le canton
de Vaud (Glossaire). Le correspondant de Pailly dit d’un
homme petit: „Semblyé a lo vèrè que lè lo rai Pépin. “
Le nom de personne repepin est, comme roeygartus, .
emprunté à la légende par intermédiaire peut-être de
proverbes ou de comparaisons populaires dont je n’ai
cependant trouvé aucune trace dans cette contrée. i)
§ 56. Le petit corps du roitelet étant ramassé comme
une boule, sa tête semble assez grande en proportion.
De là son nom de cabot en Picardie (Marcotte, Les
animaux vertébrés de V arrondissement d'Abbeville, 1860).
Ce mot désigne spécialement le têtard, larve de la gre¬
nouille (Normandie, Moisy, aux p. 275, 327 de l’Atlas),
ensuite des poissons qui ont une tête très grosse (chabot,
chevot), mais aussi un homme qui a la tête dure, un
boudeur (rouchi, Hécart), un homme têtu, entêté, à
St-Pol (Edmont). Un cabotin en Picardie est un homme
de très petite taille, et dont la tête semble pour cela même
très grosse (Jouancoux).
Peut-on voir un parallèle dans repipln en Frioul (Pirona,
Cavalli, Dialetto „tergestino^\ Arch. Glott., XII, p. 373)?
70
Bouleratte (féminin) dans l’Yonne (Rolland, compl.)
appartient probablement au même ordre d’idéesd)
b) Noms inspirés par l’air impertinent de l’oiseau.
§ 57. Nous avons senti la note ironique dans les
désignations répeiaret, repepin et cahot. Le petit oiseau
qui fait un si grand tapage, qui dresse si fièrement sa
queue, semble se moquer de l’homme si grand en com¬
paraison, et celui-ci le trouve impertinent.
La voix forte du roitelet, ses allures arrogantes,
sont en contradiction avec la modestie que le peuple
attend d’un être si petit et si frêle. On l’appelle donc
aussi le petit fier: kràné au p. 938 (Jura). Cette dési¬
gnation se trouve elle aussi dans la région de répetaret et
en est probablement inspirée (cfr. cranye (fier) dans le
Glossaire du patois de Vile d'Elle, Revue des pat., Il ;
crâne (fier). Mistral, Vayssier). Dans la fable aussi et
dans les proverbes, le roitelet passe pour impertinent.
On dit d’un homme fier: C’est un roi péteret (Lyon;
Rolland, compl.). Romain Rolland (Colas Breugnon) rend
cette impression en qualifiant le roitelet de „fier comme
Artaban“. La même impression se reflète dans l’inter¬
prétation qu’on donne de son chant (cfr. introduction § 6).
C’est en rapport avec ce qu’on lui fait dire de sa force
qu’il faut probablement expliquer son nom de crac-jan
(craque-ajonc) à St-Lô (Le Héricher), non pas, comme
Rolland dit, parce que son cri imite le craquement des
siliques d’ajonc au soleil (cfr. la carte „ajonc“ de l’Atlas).
Je ne sais si farfonte (Gessner, 1604) est vraiment
une faute d’impression pour farfante (fanfaron) comme le
croit Gaidoz (Rolland, compl.). Je pense plutôt à l’ancien
Voici encore quelques autres noms italiens qui essaient
d’exprimer ironiquement la petitesse de l’oiseau par la comparaison
avec uu très petit poids multiplié beaucoup de fois: Cent-ruhb,
paves., vogher. (Bonelli) ; centrüb, grop., cair. ; sent-rubb, Asti
(Merlo) (le rubbo du Piémont et de la Lombardie équivaut à peu
près à 9 kg [Bonelli]); trenta pes {= 30 pieds) (le peso équivaut
à 8 kg à peu près), bresc., berg. (Bonelli), Val di Non, di Sole,
Rendeno (Torre), Bormio (Studi rom., IX, 292); trentapis à Tira,
ou cento pes, lomb. ; sêntopis, bresc. ; re di pes, lomb. (Merlo).
71
français /a/ero^e (fauvette; Rolland, compl.) qui me semble
être une petite fève. Fovrotte >> farvotte avec métathèse
;> farverotte (Rolland, compl., atteste toutes ces formes
intermédiaires). Farferotte fut peut-être contaminé par
farfante; et l’on dit alors farfonte.
Au p. 776 (Aude) on traite le roitelet de goguenard;
reigunei (cfr. Mistral, gomèu, gonnè, gonnel (Languedoc),
gonnèt (Gascogne) = goguenard, railleur). On y appelle
gonelon aussi la fauvette; peut-être est-ce pour la même
raison que l’allemand dit Gelbspottery parce qu’elle imite
le chant de tous les oiseaux.
Je ne comprends pas le nom de ranganetOy féminin
(Mistral), (ranganhuy rangagnous signifie grognon).
Il est étonnant que le trait qui avant tout donne
au troglodyte son air arrogant et qui nous semble si
caractéristique : sa queue toujours relevée, ne joue presque
aucun rôle dans la dénomination. Il n’y a dans toute
la France que deux „lève-queue“ isolés: liva-cava à
Balme-de-Sillingy (Annecy ; Constantin) qui peut-être est
encore emprunté à la bergeronnette s’appelant ainsi à
Rumilly, et trousse-queue'^) en Beauce (Rolland). Cela
montre combien l’homme observe peu exactement,
combien les noms qu’il donne au roitelet sont peu ob¬
jectifs. 2) On a bien dû remarquer la queue relevée. Mais
on ne note pas ce détail pour lui-même, on ne fait pas
de la science et le fait contribue seulement à l’impression
générale qu’on a de l’oiseau; il augmente son air de
petit impertinent.
c) Noms d’amitié.
§ 58. Les termes de caresse se rencontrent surtout
dans le nord de la France. L’oiseau y est considéré sous
un tout autre angle. Le nom poul, pou (coq) appartient
certainement au regulus cristatus (cfr. l’allemand Gold~
hahnchen). J’en parlerai plus tard.
Poulette par contre doit être compté avec vachette
parmi les termes de caresse. Poulot est un nom d’amitié
Cfr. trouspë, § 47.
2) Il faut tenir compte aussi de ce que la désignation lève-
(hoclie-)queue s’applique déjà à la bergeronnette.
72
que la mère donne à l’enfant (Corblet, Du Méril, Jaubert).
Le petit roitelet est un oiseau béni, protégé de Dieu lui-
même qui punit celui qui le tue ou le déniche (cfr. in¬
troduction, § 5). O’est pour cela qu’on l’appelle poulette
au bon Dieu a Bayeux (Pluquet, Contes pop., 1834), dans
le pays de Bray (1852, Moisy), dans le Loir-et-Cher
(Bassetière), pouyeû dans la Haute-Marne (Rolland, compl.)
ou oiseau de Dieu en Normandie (Chrétien, Usages de
V arrondissement d’’ Argentan, 1835). C’est le nom que
porte la bergeronnette au p. 946 (Haute-Savoie) de l’Atlas ;
gariolle (petite poule, gallina) est le nom de la mésange
à Biarritz (Rolland, compl.). Wackernagel (Voces variae
anirnantium, p. 76) dit qu’on appelle Herrqottshühnlei‘i
tous les oiseaux chanteurs, parce qu’on croit que c’est
un péché de dénicher leur couvée. Mais l’oiseau de Dieu
par excellence est pourtant l’hirondelle qu’on appelle poule
de Dieu en Normandie et dans la Charente, bête du bon Dieu
- dans le Pas de Calais, aouzelon du bon Dieu (Corrèze),
poule de Dieu (Vienne), mouchon do bon Diè (Namurois).i)
Un autre petit être que le peuple met plus spéciale¬
ment sous la protection de Dieu et de la Vierge est la
coccinelle.2) C’est parce qu’elle a reçu un si joli vête¬
ment rouge moucheté qui fait la joie des enfants. C’est en
outre un être petit et faible, et l’homme croit que tout
ce qui est joli, petit et faible, jouit plus spécialement de
la protection divine. Il en est ainsi aussi du roitelet dans
quelques contrées, du roitelet crêté surtout et do „la pou¬
lette “ dont le nom passa ensuite à tous les autres.^)
9 Cfr. sur mouchon M. Gilliéron, Généalogie des mots qui
désignent V abeille^ p. 73, 148 et 149.
2) En allemand comme en français on l’appelle: Marienkàfer,
HergottsTcdfer, bête au bon Dieu (franç. dial.), géline du bon Dieu
(Vosges), poulette au bon Dieu (Calvados), galineta (provençal),
pulé O bd dyoe (département Ille-et-Vilaine, p. 453), bête du bon
Dieu (département (îard, p. 803, 862) à côté de galineto du bon Dieu.
^) En Italie, où l’on met les faibles plutôt sous la protection
de la Vierge, on appelle le regulus cristatus: usel d'Ia madona,
Valsesia, Crodo, Piedimulera; usche ad la madona, Ossola, où plus
bref: madonhi, Tessin (Studer). Pour ce nom aussi il y a des pa¬
rallèles dans les appellations de la coccinelle qui s’appelle madonina
en Sardaigne.
73
§ 59. La coccinelle s’appelle aussi vaque nu bon Dieu
en normand. Il semble donc que „vachette“ exprime à peu
près la même idée que „poulette“. C’est un petit nom
d’amitié, un nom intime. Le roitelet s’appelle ainsi dans
le Languedoc, spécialement dans les Cevennes: bachetino,
becherhio, vacharino (Sauvages, Azaïs, Mistral). C’est pro¬
bablement le roitelet crêté qu’on désigne par là, car Mistral
dit que _par „une voues de bacherhio^ on veut dire une
voix grêle. Or la voix du troglodyte n’est rien moins
que grêle. Il est même probable que tous ces noms
d’amitié se rapportaient d’abord au regulus cristatus.
Marcel de Serre indique pour le Hérault le nom de ha-
cheta ; à Entraigue et à Marseille on l’appelle vaqueie, à
Toulon vaco peteouo (Rolland). Dans ce dernier terme, il
y a eu agglutination des deux désignations voisines, mais
d’une inspiration contraire (vache péteuse).*)
§ 60. Dans l’expression bœuf de Dieu (roitelet en
franç. dial., Belon, 1555) „bœuf“ semble correspondre à
,.)Vachette“ et à „poulette“. La coccinelle s’appelle aussi
qoetit bœuf en franç. dial., bun au p. 868 (Hautes-Alpes),
byou (p. 841, Gard).
Voici les noms analogues du troglodyte : bœu, bœuf
en Vienne (Manduyt), en Saintonge (Jônain), Haute-
Vienne (Rolland, compl.), petit bœuf en Lorraine (Basse-
tière), Yonne et Haute-Marne (Rolland, compl.), dans le
Lyonnais (Puitspelu), ivœl dé bun (œil de bœuf) au point
672 (Landes), en Charente (Trémeau de Rochebrune,
Catalogue des oiseaux de la Charente^ 1841), J’ai déjà
parlé de pet, peg de hou en Savoie.^)
Cette comparaison d’un petit être avec un bœuf,
quelque extraordinaire qu’elle nous semble, est attestée
1) Le rouge-gorge est appelé vachette dans l’Anjou (Meillet,
Faune de Maine-et-Loire, 1828), la bergeronnette à Orléans (Sa-
lerne) et dans la Loire-Inférieure (Rolland, compl.). La répartition
de ces noms ne permet pas de décider si le nom appartenait
d’abord à l’un ou à l’autre oiseau.
2) Oeil de bœuf est aussi le nom de la bergeronnette à
Bagnères-do-Bigorre (Rolland), bœuf désigne le pouillot en Lor¬
raine (Rolland).
74
aussi ailleurs : bou est la grenouille verte (Constantin),
hovolo un serpent en Sicile^)
En France tous les témoignages de bœuf (roitelet)
se trouvent dans le voisinage de œü de bœuf ou pet de
bœuf, excepté en Lorraine où ce chaînon intermédiaire
a peut-être existé autrefois. Il est donc probable qu’on
a dit d’abord œil de bœuf pet de bœuf, simplifiés auto¬
matiquement en bœuf*“) Oeid de èœw/peut être une méta¬
phore pour désigner la petitesse de l’oiseau; c’est du
moins l’hypothèse la plus plausible.^) Ce nom pouvait
aussi désigner à l’origine la bergeronnette, parce que
celle-ci accompagne souvent les troupeaux, habitude qui
lui a valu son nom littéraire.^)
d) Rek^iitcet et autres désignations se rapportant aux
mœurs de l’oiseau, spécialement son adresse à se
faufiler dans les buissons.
§ 61. Dans le coin sud-ouest de la France, dans les
départements de la Gironde, de Lot-et-Garonne, de Tarn-
et-Garonne, du Gers et des Landes, c’est l’impression
de l’agilité du troglodyte, de la rapidité de ses mouve¬
ments qui a prédominé. Elle y a causé la formation du
En Roumanie c’est au limaçon qu’on donne le nom de bœuf
à cause de ses cornes (voir Schuchardt, Zeitschrift, XXVI, p. 332).
En Italie aussi nous trouvons fréquemment la comparaison
du petit oiseau avec un œil de bœuf: occhio lovino (Aldrovande),
œucc-de-ho dans le Milanais (Banfi), simplement occhio dans le
Trentin (Dalla Torre). Ochsenàugele (Gessner) désigne selon le
„Verzeichnis der schweizerischen Vdgel“ le pouillot. Bovino (roi¬
telet) dans le Tyrol, loin (lui grosso, espèce de pouiUot) venezz.
(Piroiia) ne me sembleut être que (occhio) bovino raccourci. Boarina
délia Stella, nom du roitelet huppé à Gênes (Aldrovande), doit être
une confusion avec la vraie boarina (bergeronnette) de même qu’un
Ochsenrogele dans le Tyrol (Dalla Torre).
2) Cfr. l’allemand Ràchholder pour Rackholderdrossel.
^) Kreiter (Die von Tiernamen ahgeleiteten Vfianzennamen
im Franzosischen, Dissertation von Darmstadt, 1912) cite une
quantité de plantes qui s’appellent œil de bœuf.
^) La confusion des deux oiseaux est très ancienne comme
le montre la glose déjà mentionnée (§ 27: werna, birbicariolus).
75
type rehiUei. J’y vois un substantif verbal de la même
formation que chourret (cfr. § 46). Le point de départ
en serait le verbe coucha^ cucha (Languedoc), couita (Lan¬
guedoc vivarais), coueta (Forez), cuta (Gascogne) signi¬
fiant „ chasser devant soi, presser, hâter, se hâter, aller
vite, faire vite“ (Mistral). Ce mot dérive probablement
du latin vulgaire *coctare (cuire, réchauffer, presser) que
Meyer-Lübke (WôrterhucJi) donne comme base du vieux-
français coitier, provençal coitar (bedriingen, antreiben),
espagnol cochar si (sich beeilen).^) De ce verbe on aurait
formé un re(ij) huUet (<< ittus), reyknfeit ou avec sub¬
stitution de suffixe rekutsot (<^ ottus), reknieik (<C. iccus).^)
Voici les formes que l’Atlas donne: réykvl^yet (point
648, 668), reykuUyet (p. 658), rahut^yet (p. 647), rakutset
(p. 741), rékut^yet (p. 678), reyhW^et (p. 720), reykûtstt
(p. 731); avec suffixe -ïtus: réyknfyit (p. 634, 665), ré-
knt-eii (p. 653), réykiWyit (p. 645, 684), arékût^yit (p. 657,
667), rokütHjit (p. 680), rako-ei (p. 632) ; avec le suffixe
-ottus: réyknso (p. 626), rékùtsot (p. 548); avec le suf¬
fixe -iccus et assimilation de la première syllabe: rü-
kuf-eyik (p. 682), rùkfdyik (p. 683), avec suffixe -one:
réykutsu (p. 637), réykiirsé (p. 636) renferme un r spo¬
radique. Ènt^yit au p. 662 (Gard) montre que l’expression
n’est plus comprise. C’est probablement la cause de sa
déchéance. Les mêmes form.es sont attestées par les dic-
Cfr. kwaite — hâte dans la Suisse romande.
Malheureusement je n’ai trouvé que peu de formes de ce
verbe en Gascogne, contrée qui nous intéresse spécialement. Peut-
être ricouca (sautiller en béarnais [Mistral, Lespy-Raymond]) est-
il un composé du même verbe.
-) Cfr. sur la confusion de ces différents suffixes diminutifs
Adams, Word- formation in Provençal, 1913.
On pourrait penser aussi à cochet, diminutif de coq (cfr. § 79).
Mais l’aire rehuteet se trouve tout entière dans la zone de gai ou
de ses remplaçants, et sa limite nord, où il touche à l’ancien type
BiTRisciJS, forme avec d’autres limites linguistiques un ensemble
de lignes qui constitue à peu près la frontière nord de l’ancienne
Aquitaine (cfr. M. Gilliéron, Le coq et le chat, Revue de phil.,
XXIV, p. 278 SS.), de sorte qu’il n’est pas probable que rekuteet
ait autrefois existé plus au nord, là où l’on dit cochet pour le
petit coq.
76
tionnaires: rey couchet à Auch (Abadie, Lou parterre
gascoun^ 1850), recouchet (Landes; Métivier), arrecoucliet
(Gascogne; Azaïs), ricouchet, rarouchet, reicouchit, reicouchic,
recoutschic (Mistral), rey couchic ( Grammaire gasconne du
XVIIP"^^ siècle, Revue des langues rom., XXXI, 42), rey-
crouchit à Bayonne (Lespy et Raymond) subit peut-être
l’influence de crouchi (= ployer en faisant craquer; cfr.
crac‘jan en Normandie, § 57).
Les points que nous venons d’énumérer constituent
l’aire actuelle de rèkiiUet. Elle est cependant fortement
entamée par les noms d’une couche secondaire, soit du
type parisien, soit d’un diminutif autochtone de roi, soit
de rey petit expansif, venu de l’est, soit enfin de dési¬
gnations isolées et spontanées. Ce type est donc en train
de disparaître.
§ 62. RékîiUet doit être assez ancien. De bonne
heure il pénétra dans la langue littéraire comme beau¬
coup de mots dialectaux, surtout lorsqu’ils sont employés
dans quelque ville importante. Or, réknteet a été en
usage à Bordeaux, et la langue littéraire l’admit sous la
forme de ricochet qui ne signifie plus roitelet, il est vrai,
et ne s’emploie que dans une seule locution : „la chanson
ou fable du ricochet^.
Voici les exemples que Godefroy (Compl.) en donne:
Mainage(s) het celui qui chôme
Et noient fait,
Maisnais donne tristesse et fet,
C’est la fable dou ricochet (bis cochet).
(Dits des outils de Vostel, 128, du siècle, publié
pir G. Raynaud, Rom., XXVIII, 55, avec une introduction
sur le mot ricochet principalement).^)
Raynaud y dit que le mot ricochet n’apparaît d’abord que
dans l’expression proverbiale; „c’est la chanson (ou fable) du ri-
cochet“, employée pour désigner la fatigue et l’ennui produits par
la répétition perpétuelle d’un acte ou d’une parole, il rejette en¬
suite l’étymologie de Littré qui fait dériver le mot de cochet et
retrouve dans ce ricochet le nom gascon du roitelet. La chanson
du ricochet est „le pépiement aigu, incessant, monotone, agaçant
du roitelet^. Le sens actuel de ricochet = „bond fait sur un ob-
stacle“ est secondaire. Il ne se rencontre pas avant le XVH*”® siècle.
77
Un autre exemple de Godefroy est tiré de P. Perrin
(Poésie, p. 281, ap., Ste-Pal.): „Ce sont comme des pleins
chants et des airs de cloistre que nous appelons des
chansons de veilleur ou de ricochet.^''
Dans une note en marge de la publication du Dit
des outils de Raynaud, Gaston Paris cite un passage
d’Adam de la Halle (éd. Coussemaker, p. 175): „Sire,
le favle oir voles, je crois, don rouge kokelet.'^
Le même sens de chanson ou fable où l’on répète
toujours la même chose se retrouve dans Rabelais (lU,
10): „Votre conseil (mariez-vous . . ., ne vous mariez
pas), dist Panurge, semble à la chanson de Bicocliet. Ce
ne sont que sarcasmes, macqueries et redictes contra¬
dictoires. Les unes détruisent les autres. “ Un dernier
exemple dans lequel Godefroy veut traduire fable du
ricochet par: „facétie qui consiste à promettre un conte
et à se dérober toujours aux questions de celui qu’on
mystifie^, se trouve dans les mémoires de Boucicaut, IH,
19 (Orléanais, siècle) : „Cette malicieuse voye ont
faict à savoir entre eux pour se excuser chascun sur son
compaigQon, disant: mais que il cede, je céderai; et sem¬
blablement respond l’autre; et ainsi est la fable du n-
cocheV^
Il me semble que le sens de „ fable du ricochet^
dans ce passage, autant qu’on peut en parler sans con¬
naître le contexte, ne diffère guère de celui que Rabe¬
lais donne à „chaDSon de ricocheP. Il est intéressant de
constater que dans presque tous ces exemples l’auteur
éprouve le besoin d’accompagner cette expression d’une
tournure équivalente ; il a peur qu’elle ne reste incomprise.
La difficulté que l’on éprouve à définir exactement cette
expression est une preuve de plus pour l’incertitude dans
son emploi.
Je ne crois pas qu’il faille supposer à l’origine de
la locution une fable, une chanson ou une facétie, comme
c’est l’opinion de G. Paris (note à l’exposé de Raynaud,
Rom., XXVni).
Varchi (cité dans Luri di Vassano, Modi di dire pro-
verhiali italiani, p. 417) définit l’expression italienne „la
78
canzone o la favola deU’wcceZ/mo"; correspondant au
français de la manière suivante: „Quando alcuno in al-
cuna quistione dubita sempre, e sempre o da beffe, o da
vero ripiglia le medesime cose, o délia medesima cosa
demanda, tanto che mai non se ne puo venire, nè a capo,
nè a conchiusione, questo si dimanda in Firenze : la can¬
zone 0, volete, la favola die\Vuccellino.‘^
Cotgrave définit cette chanson du ricochet par: T’is
an idle or endlesse taie or song; a s abject vrhereof one
part contradicts, marres, or overthrowes another.
„Chanson du ricochet^ a donc signifié d’abord un
chant où l’on répète toujours la même chose, chant en¬
nuyeux par conséquent et où plusieurs voix discordantes
se mêlent. Et il me semble que Raynaud a raison : ce chant
est celui du roitelet, non pas son véritable chant, très
mélodieux, mais le cri discordant qu’il fait entencLre
beaucoup plus fréquemment, quand il se trouve avec ses
congénères, et qui consiste en un zerrrr, zerrrr répété
pendant un espace de temps assez long.
Mais en langue d’oïl on ne savait plus que la lo¬
cution faisait allusion au chant du roitelet. On substitua
à la chanson la fable comme équivalent approximatif,
lorsque cela s’accordait mieux avec le contexte (cfr. la
locution: raconter des chansons ou raconter des fables).
Le sens de l’expression dont on ne connaissait plus
l’origine devenait toujours plus vague.
En même temps l’étymologie populaire s’en mêla.
On crut reconnaître dans ricochet le mot cochet (petit
coq) ; Adam de la Halle écrit kokelet. En Franche-Comté,
où l’on appelle le coq poulo, on transforma la locution
en: Ç’à la tschenson di roudje poulo (Sancy, Revue de
phil. franç., XIV, 47), ou di riche poulo (Rolland, VI,
p. 111). On s’efforça aussi de donner un sens à la première
syllabe ri-. On en fit un bis cochet (variante dans le Dit
des outils) J un rouge kokelet (Adam de la Halle), un roudje
ou riche poulo en Franche-Comté. ï)
Aujourd’hui on ne parle plus de la chanson (fable) du ri¬
cochet. Ricochet tout seul est défini dans le dictionnaire général
par „bond que fait une pierre plate sur la surface de l’eau, et,
79
Réyhiteet est le seul nom ancien qui se rapporte à
l’adresse du roitelet à se fauüler dans les buissonsd) 11
y a beaucoup d’autres types inspirés par la même con¬
ception ; mais ils appartiennent tous à des couches se¬
condaires restreintes ou à des points isolés ; ils sont donc
relativement récents.
§ 63. Pour exprimer la rapidité des mouvements
du roitelet, on emploie la métaphore de l’éclair. C’est
aussi une métaphore traditionnelle (cp. l’allemand hlitz-
schnell). On compare le roitelet à l’éclair dans le dépar¬
tement du Jura. On l’y appelle chaléron (Ogérien), tsa-
lérion (Beauquier).^)
J’ai déjà parlé de bertô (étincelle, roitelet) dans la
Maine-et-Loire (cfr. § 40). Plus au sud, dans les Landes,
on appelle le roitelet rugle, m. (Rolland, compl.). Or
rugle est le nom de la foudre en béarnais (Lespy -Ray¬
mond). 3)
§ 64. Plus fréquents encore sont les noms du roitelet
qui indiquent l’endroit où l’oiseau aime à se tenir.**) On
emploie plusieurs de ces noms en Lorraine. Dans cette
contrée on a dû dire autrefois roberwé (roi bitriscus),
par allusion à la répétition du bond, au figuré : résultat qui se pro¬
duit indirectement^. Ce sens se trouve déjà dans Cotgrave qui
donne comme seconde signification de ricochet: ,,The sport of a
skimming a thinne stone on the water, called a Duke and a Drake.“
On emploie aussi un verbe ricocher qui a le même sens. Raynaud
dit que le sens s’est généralisé et que ricochet s’est dégagé de
la locution. G. Paris écrit: „I1 serait possible que ricocher remontât
directement au provençal ricouca (sautiller) et qu’il eût amené le
changement de sens du mot ricochet, pris dans la locution anté-
rieure.“ Cette hypothèse me semble plus vraisemblable, parce qu’il
est difficile d’expliquer le passage sémasiologique de ricochet (ré¬
pétition ennuyeuse d’un son, d’un discours) par l’étape intermédiaire
de „répétion en général^ au sens restreint qu’il a aujourd’hui de
„sautillement de la pierre sur reau‘‘.
*) Rolland, compl., donne encore comme nom du roitelet un
sepivaga (celui qui flâne dans la haie) isolé en latin du moyen âge.
^) M. Gohri, Blitz und Donner im Gallo-roman., p. 30, fait
dériver ce mot de caliginem.
3) Cfr. M. Gohri, § 39, 6.
*) Je ne reviens pas sur le mot sepivaga que j’ai déjà cité.
80
encore attesté de nos jours. Maintenant on y appelle le
roitelet mess-en hay dans le pays messin (Rolland),
mœz’ à hay à Gourcelles-Chaussy près de Metz (Horning,
Franz. Studien, V, 115), c’est-à-dire „cache-toi dans la
haie“ (cfr. la carte „ cacher “). Selon Oberlin, moussi signi¬
fie aussi „ entrer, se fourrer, percer La forme mous-
haye, moussehaye apparaît déjà au XVP"™® siècle dans
Comenius, Janua linguarum, 1569.1)
On appelle le roitelet mussot en Lorraine (Toussenel,
Le monde des oiseaux., 1872 — 74), musri dans la Meuse
(Cordier, Vocabulaire des mots patois en usage dans la
Meuse, 1833) et à Courtisols (Marne; Guenard). Cordier
le traduit par souris (sri) qui se fourre partout. 11 s’agit
plutôt de musser, cfr. mucier -|- le double suffixe -eret
(cfr. grimperet).
Mussot se rencontre isolément aussi à l’ouest, à Ercé
(Ille-et-Vilaine; Sébillot). Le mot n’est pas propre au
troglodyte. J’ai déjà cité la fauvette. Moussyô est aussi
le nom de l’écureuil en Mayenne.
Dans la même contrée, un peu plus au sud, un autre
type, de même inspiration et de formation analogue, fit
son apparition : reseto, reseta, raseto (Bloch, Vosges mé¬
ridionales). Cette expression est resaut -j- ittüs, ottüs
(Roussey mentionne un verbe resata = sauter brusque¬
ment sous l’influence de la surprise ou de la peur) ou
roi saut -f- ittus, ottus. Besseuta est attesté encore
pour St-Amé (Thiriat, La vallée de Cleurie, 1869), pour
les Vosges (Haillant), rè-seu-td (Lunéville), rasota (La
Roche; Oberlin), ressèta (f.) pour la Savoie (Rolland,
compl.).
§ 65. Il y a des noms du type „ Zaunschlüpfer“ ,
des désignations spontanées et isolées un peu partout
aussi en France, bien qu’ils y existent en moins grand
nombre qu’en Allemagne ou en Italie, pays où les tra-
9 Oberlin qui connaissait encore le nom de reguia pour le
roitelet, dit que la fauvette s’appelle mousse-en-haye. La carte
„fauvette“ de l’Atlas donne mas à hé pour le p. 69 (Vosges). Le
nom s’applique aussi bien à l’un qu’à l’autre de ces oiseaux.
81
ditions anciennes jouent un rôle beaucoup moins impor¬
tant qu’en France^)
àoursilloa dans la Haute-Vienne (Bassetière) est un
dérivé de gourso (haie, p. 707, 603 de l’Atlas) qui entre
aussi dans la composition gardo-gorso (fauvette ; Rolland,
compL). Le suffixe -illon doit indiquer ici l’appartenance.
Plusieurs de ces noms sont formés d’un impératif
suivi de son complément. Ainsi : fourré-buisson en français
(Rolland). A cette expression correspond exactement le
provençal Irauca-hartas (Mistral, Azaïs). Cfr. traiicar
(trouer, percer, traverser) et hartas (haie aux p. 722,
724, 727 [Aveyron], fourré de buissons). 2)
Du même mot bartas dérive bartassié que Mistral
traduit par „qui se cache dans les haies, buissonnier^.
Ces deux noms ne sont pas propres au troglodyte.
Trâouquo-buisson est le nom du pouillot dans le Gard,
de la petite fauvette rousse en Provence (Mistral), ti'ao-
Jcosego {sego^ = haie, voir carte „haie“ ALF) est la fau¬
vette aux p. 780, 689 (Hautes-Pyrénées), le chic bartassié
est à Toulouse le nom du bruant de roseaux. Le nom con¬
vient également à tous ces oiseaux. C’est un de ces
noms banals que peut-être les habitants d’un même
village ou de deux villages voisins ont appliqué à dif¬
férents oiseaux suivant le besoin. 3)
9 En Allemagne l’ancien mot germanique wrendo (ancien-
haut-allemand, Suolahti) correspondant à l’anglais wren a entière¬
ment disparu.
2) Cfr. pour l’étymologie de ce mot le travail d’Elise Richter,
Bedeutungsgeschichte der Wortsippe hur(d), Wiener Sitzungsherichtey
156, p. 21.
Voici de nombreux noms analogues en Italie: forasiepe
(Tyrol; Torre) ou sp^rciasepe (Nap. ; Bonelli [sperciare = pas-
sare con isforzo attraverso la calcaj) ou re di siepe (Meyer-Lübke,
Worterhuch) correspondant exactement à l’allemand Zaïmkônig,
fora sîess (caesa) (com.; Bonelli), /omsces (Suisse ; Studer), (s)hu-
zosess (berg., mant., viz., veron. ; Bonelli) qui renferme le verbe
BucARE < Buco, TB de sess (berg., lomb. ; Bonelli).
Fora hdéc (buchi) (valtell. ; Bonelli), sautohocc (novar. ; Bo¬
nelli), re di hocc (novar. ; Bonelli), re dij büsson (piem. ;Flechia, Arch.
XVHI), sbucafratte (rom.; Bonelli), forafratte (fratta < fracta
— haie) (umbr., metaur. ; Merlo), foramakkie (macchia < macula
= buisson) (Siena, Fiesole; Bonelli), re di macchia (fior., chian.,
6
82
Dans le Languedoc on dit aussi rodo~hartassou (tourne-
buisson; Mistral) et à Espalion (Aveyron) rbndo-sièyWo
(féminin ; Rolland, compL).
En Suisse romande, surtout dans le Jorat, le roitelet
s’appelle roze-boss (Razoumowski, Histoire nat. du Jorat,
1789), rouze-huisson (Schinz, Fauna helveüca, 1837),
raudje bosse (Bridel) c’est-à-dire ronge-buisson. Bridel
donne ce même nom à trois oiseaux différents, soit au
roitelet, au traquet (pratincola rubetra) et au rouge-gorge.
Ronge-buisson est un nom banal qui peut s’appliquer
comme trauca-bartas à plusieurs oiseaux. Il ne faut pas
prendre cette expression à la lettre. Aucun de ces trois
oiseaux ne ronge le bois ni ne passe pour le faire ; mais
ils habitent dans les buissons.
Plusieurs de ces noms spontanés se trouvent dans la
région de la Savoie où jyétaret avait disparu à cause de sa
confusion avec rapatet et avait laissé la place vacante.
Migeome à Grenoble (Ravanat) «< mijd (mange) -f'
homme peut-être correspond à ronge-buisson.
Krivaeiza au p. 933, criva-siza à Rumilly (Constantin)
signifie crève-(perce-)haie.
Raddrnü (roi ou rat de mur) à Troistorrents (com¬
munication de M. Schmidt) appartient à la meme caté¬
gorie. Mais ce nom est peut-être emprunté à quelque
autre oiseau bon grimpeur, car le roitelet n’aime que les
haies vertes.^)
§ 66. Avec ujywé de stala (p. 955, Haute-Savoie)
on fait allusion à la préférence du troglodyte pour les
tas de bûches. Il entre par un trou, ressort par un autre
pour y rentrer tout de suite et se moquer de celui qui
veut l’observer. Par stâla (féminin scala) on désigne
à Leschaux un tas de bois scié et empilé (Constantin).
Conta fascinas aux environs de Genève (Rolland, compl.)
tîtle français com/>^e-/ascme5(Roll.) expriment la même idée. 2)
sea., umbr. ; Merlo), topi di matta ou di macchia (camp.; Merlo),
percia ruvettu (diminutif de rovo = ronce) (messin. ; Bonelli).
^) Cfr. l’italien percia mura (catan. ; Merlo).
2) Cfr. l’allemand ReiserJcdmg (Tyrol) et le suisse-allemand
Schyterchingli (Idiotikon).
83
§ 67. D’après Buffon et Aldrovande le roitelet huppé
se plaît sur les genévriers. Cette préférence lui a valu
le nom de cinse-cadé à Toulon (Péllicot, Remarques con¬
cernant les migrations des oiseaux sur les Côtes de la
Provence, Bulletin de la Soc. des sciences du Var, 1838).
On dit kadé pour le genévrier dans le sud-est de la
France (cfr. l’ Atlas). i) Mistral traduit cinsa par „ flairer,
fureter, sonder le terrain“.
Pour la même raison, le roitelet s’appelle répéquet
en Normandie (Seine-Inférieure; Rolland). Seul l’Atlas
indique péké (genévrier) en Belgique et piPyé à Guerne-
sey. Ces formes isolées permettent-elles de conclure qu’on
a dit une fois péké aussi dans la Seine-Inférieure?
Comme le chardonneret, Chardonnet en vieux-français
(Cotgrave), le troglodyte a été nommé d’après une plante
censée constituer son aliment favori. On l’appelle fenouiet
dans le Hérault (Marcel de Serres, 1822), fenougé dans
le Gard (Rolland, compl.). Buffon raconte que le roitelet
mange les grains du fenouil.
Mentionnons aussi le nom de ravisset en Forez (Gras)
qui s’explique lorsqu’on le compare à d’autres noms d’oi¬
seaux. Rolland, compl., donne : pique-rave (plusieurs oi¬
seaux traîne-buissons d’hiver en Savoie, traquet à Genève),
jnca-rava (sylvia hortensis en Savoie et Isère, gobe-mouche
à Genève). Je ne pense pas que tous ces oiseaux mangent
des raves. Le nom a passé de l’un à l’autre. C’est ainsi
qu’il a servi à désigner le troglodyte quoiqu’il ne fût pas
mangeur de raves, que je sache.
§ 68. Comme beaucoup d’animaux, le troglodyte a
l’habitude d’avertir ses congénères de l’approche d’un
danger par des cris perçants. Bientôt d’autres troglodytes
répondent au premier et la forêt entière retentit de leurs
cris. Cette solidarité dans le danger lui a valu le nom
de rappelât à Plancher-les-Mines (Beauquier). (Rappeler
se dit des oiseleurs qui appellent les oiseaux en imitant
leur cri; vieux-français rappeau = appeau, oiseau d’appât). 2)
^) Cfr. Ant. Thomas, Nouv. Essais, 188.
^) Ce nom est probablement un retlo, ratelo du voisinage,
transformé par l’étymologie populaire.
84
Raffelofy qu’on trouve dans la région voisine (Plancher-
les-Mines; Poulet, Essai d’un vocabulaire du patois de
Plancher 4es-Mines y 1878), reflo dans les Vosges (Bloch)
ne sera qu’un rappelot déformé par quelque association.
De là peut être aussi le nom de écouteux dans
l’Yonne (Rolland, compl.) = l’écouteur, c’est-à-dire celui
qui écoute pour les autres. L’Yonne est aussi un des
centres de créations récentes, une de ces zones de crise.
§ 69. Le troglodyte est presque le seul oiseau qui
chante en hiver quand il fait froid, pourvu qu’il y ait
un peu de soleil. Un proverbe de la Franche-Comté dit:
Quand le roi de guille chante, c’est signe de grand froid
(Perron, Proverbes de la Franche-Comté, 1876). Buffon
raconte qu’il se fait surtout entendre quand il est tombé
de la neige ou sur le soir, lorsque le froid doit redou¬
bler pendant la nuit. C’est pourquoi on l’appelle roi de
froidure en Bourgogne (Salerne), dans la Côte-d’Or (Gé-
rardin. Traité élémentaire d’ ornithologie, 1806), roi de
ferdure, roi de ferdie, ferduziô dans l’Yonne, petit janvier
dans le Nièvre (Rolland, compl. ).i)
Le roitelet porte un seul nom inspiré par la couleur
du plumage: putik rochet (petit roux, rouge-brun) à Lens
(Valais) (Gloss, de la Suisse rom.). En général, nous
l’avons vu l’imagination populaire n’a pas été en peine
pour trouver des noms pour le roitelet; elle n’a pas eu
besoin de recourir à la description.
e) Noms onomatopéiques.
§ 70. Il arrive fréquemment dans toutes les langues
qu’on désigne les animaux par une onomatopée imitant
lem’ cri. Dans les langues romanes c’est surtout le cas
pour les oiseaux, parce que beaucoup d’entre eux n’avaient
0 Janvier (Saône-et-Loire) sert aussi à désigner un autre
oiseau d’hiver, le rouge-gorge (Rolland, compl.).
Il s’appelle ozeli del frecc à Bergaine (Bonelli, p. 433) oslen
del fredd à Parme (Flechia, Arch. Glott., XVIII), Winterhonigy
Schnykünig en Suisse (Gessner).
Ailleurs on l’appelle au contraire pilloni de ber (petit oiseau
du printemps, cagl. ; Merlo), puzone de ranu < veranü (sard. log.,
Merlo).
85
pas eu de nom en latin, ou que, s’ils en avaient eu, ils
étaient tombés en désuétude. Les peuples romans se
trouvaient donc dans la nécessité de créer des noms
nouveaux, ce qu’ils firent soit consciemment, soit incons¬
ciemment. Or le procédé le plus simple pour baptiser
un être vivant, c’est de lui donner le nom qu’il se donne
lui-même, c’est-à-dire de l’appeler par le cri qu’il répète
toujours. Lorsque l’enfant apprend à parler, la mère use
d’un moyen analogue pour simplifier son langage. (L’ani¬
mal qui fait ou, ou — wau, wau s’appellera toutou,
wau-wau, etc.).
On essaya donc d’imiter le cri des oiseaux, plus
rarement leur chant, parce que celui-ci est trop long,
trop difficile à transposer en phonèmes humains.
Cette difficulté se fait même sentir dans l’imitation
du cri. Elle provient de ce que les oiseaux articulent
très indistinctement, de ce que les organes de la parole
de l’homme sont différents de ceux des oiseaux, de ce
que l’imagination auditive de l’homme est toujours tentée
d’entendre des sons inexistants.
Les savants eux-mêmes, qui s’efforcent pourtant
d’entendre aussi exactement que possible, sont incapables
de transcrire intégralement les cris des oiseaux ; leurs
notations diffèrent sensiblement les unes des autres.
Combien plus sera-ce le cas lorsque le peuple qui n’a
pas l’oreille exercée et qui ne craint guère d’ajouter ses
inventions à ce qu’il entend, imite ce cri? Hauschild et
Fr. Kocher (cfr. la bibliographie) disent que surtout les
consonnes sont presque toujours subjectives.
Voici par exemple les noms qu’on donne au traquet
d’après Meyer-Lübke (Einführimg, § 75): trak-trah, trak-
trek, tak-tak, tok-tok, sik-sak, vikre, visar-sa, vistrata.
Bien que ces mots présentent une certaine ressemblance,
il n’y a cependant pas un seul son qui se retrouve dans
tous les noms ; et encore sont-ce des noms employés
en France, dans une région relativement restreinte. Les
différences augmenteraient encore si l’on tenait compte
des noms onomatopéiques d’autres pays.
86
On voit dans ces exemples un certain schématisme
conventionnel, caractéristique pour toutes les ono¬
matopées. Le cri que l’oiseau répète en réalité une quan¬
tité indéterminée de fois, est généralement rendu par
une réduplication, souvent avec des variantes de voyelles
ou de consonnes provenant d’une erreur d’audition.
Bien souvent l’homme ne se contente pas d’un nom
formé d’une interjection qui ne lui dit rien, à moins que
cette interjection ne soit très caractéristique et suggestive
comme le nom du coucou, dont le cri ne ressemble à
celui d’aucun autre oiseau. En général l’homme rattache
aux noms existants un sens quelconque; les sons
entendus évoquent en lui un assemblage de sons sem¬
blables auquel coiTespond une idée. Il fait de l’étymologie
et il modifie quelquefois les sons à tel point qu’on n’en
reconnaît plus guère l’origine. C’est le mérite de Winteler
d’avoir insisté sur ce fait et d’avoir expliqué de la sorte
— non sans quelques erreurs de détail, il est vrai —
une quantité de noms d’oiseaux allemands jusqu’alors
incompréhensibles.
Dans le domaine de la fable et du conte on inter¬
prète encore beaucoup plus arbitrairement. On suppose
aux animaux un langage humain et, de propos délibéré,
on leur fait dire des phrases entières qui n’ont le plus
souvent qu’une ressemblance éloignée avec leur cri.
Wackernagel cite beaucoup d’exemples de cette espèce
d’interprétation. Je renvoie à ce que j’ai dit sous ce rap¬
port dans mon introduction (§ 6), car ces interprétations
sont inspirées plutôt par le désir de raconter des fables.
Elles sont inventées, elles ne se sont pas imposées comme
les étymologies populaires qui ont transformé les interjec¬
tions en véritables noms.
Pour le roitelet, j’ai trouvé peu de traces de ces
noms onomatopéiques qu’ils soient transformés ou non
par l’étymologie populaire. Pas un seul de ces noms
n’est antérieur au siècle. Ce sont tous des types
isolés de formation récente, apparaissant à des endroits
où l’ancien nom est en voie de disparition et où il faut
combler une lacune.
87
Si nous nous demandons pourquoi l’onomatopée
ne joue pas dans la dénomination du roitelet
le rôle prépondérant qu’elle joue dans celle du
pinson ou du traquet par exemple, les deux faits suivants
déjà mentionnés nous l’expliqueront peut-être:
1 . Le roitelet est un oiseau très caractéristique ; il
se distingue nettement des autres oiseaux par sa petite
taille et par ses allures étranges; la légende lui a sus¬
cité des noms, des comparaisons en grand nombre, de
sorte qu’on n’a pas besoin de recourir à l’imitation du cri.
2. L’onomatopée est très peu expressive ; elle passe
d’un oiseau à l’autre encore plus facilement qu’un autre
nom ; il y a beaucoup d’oiseaux dont on peut rendre
le cri par crecre, tritri, fifi, etc. Or on cherche pour le
roitelet non pas des noms banals, mais des noms affectifs.
§ 71. Voici comment les différents naturalistes rendent
le cri du troglodyte. On constate un rapport assez étroit
avec les noms vulgaires des différents peuples qui ont
influencé les savants : Bechstein : tzrr, tzetzererr, tzertz ;
Brehm : zirrr, zerrr, zeckzeck ; Buffon : tirit tirit ; Basse-
tière : crreûi.
Pour le roitelet huppé il y a plus d’unité : si si ; zit.
En France les noms suivants ont été inspirés par
le cri du troglodyte : Cricri (franc, dial. ; la Blanchère),
crecre (Thônes ; Constantin, Bailly), tritri (Lorraine ; Tous-
sennel), tsik (Mase dans le Valais; Glossaire), probable¬
ment aussi rëche (féminin), rëtschi, rëcha, rëchom (masc.)
dans l’Yonne (Rolland, compl.).^) Peut-être faut-il men¬
tionner ici kiki (p. 779, Hérault), rikiki au p. 368 (Manche)
à côté de rwatU parisien. Cependant kiki peut désigner
tout simplement un petit être frêle qu’on méprise.^).
Voilà tout pour le troglodyte. Encore n’est-il pas le
seul à porter ces noms : Criquet, crechet sert aussi à nom¬
mer le traquet dont le cri ressemble un peu à celui du
Besse, reche j désignent le rouge-gorge et la mésange.
Cfr. riqui, riquiqui = petit, chétif, souvent avec l’idée
de vivacité, bizarrerie, vanité plaisante (Baudouin, Forêt de Clair-
vaux). Cfr. aussi M"® Kocher, op. cit.
88
roitelet, tritri désigne le projer en Saintonge et l’effar-
vate dans les Pjrénéesd)
J’ai trouvé un seul nom onomatopéique français ren¬
fermant un verbe à l’impératif ou un nomen agentis
comme les noms allemands ; frela-huisson en Bresse
(Guillemant). Frela appartient probablement à la même
famille que frelasser (faire entendre un bruit semblable
à celui des feuilles sèches) et frelas (rhinante glabre
ou crête de coq), ainsi nommée par une espèce d’ono¬
matopée indiquant le bruit que font ses tiges quand elles
sont sèches (Jaubert).
A côté de ces noms du troglodyte il y a des noms
imitant le cri du roitelet huppé, qui peuvent aussi en
venir à désigner le troglodyte: fifi aux p. 886, 896 (Var).
Le même mot sert à nommer beaucoup d’autres oiseaux
encore avec autant de raison: le pipi des arbres dans
le Jura, le pouillot (Bouches-du-Rhône), le grimpereau
(Provence). On peut imiter tant d’oiseaux par l’onomato¬
pée que ce mot a fini par désigner l’oiseau ou l’oiselet
en général (Mistral, M. Edmont). Il en est de même pour
zizi^ chichi désignant le roitelet huppé en Savoie (Bailly)
(cfr. le nom français du zizi bruant), nmi (p. 893, V^ar;
Pellicot), psipsi (Aveyron; Vayssier), Awi (Grenoble, Ra-
vanat). On donne ce nom avec plus de raison au pinson
dans l’Orléanais. On appelle maintenant le roitelet huppé
petit louis couronné en Franche-Comté (Rolland, compL),
pitiliu à Clermont (Hérault; L. Pastre, p. 80) mais louis
a probablement été employé d’abord pour le chant du
pouillot appelé aussi petit-louis (Franche-Comté), tu-i,
touvi (Ain, Isère), missi loui (Vaucluse), lui et tui en
Italie. L’orthographe du mot louis montre que celui qui
9 En allemand on dit Schnurz, Schnàrzer, Scherzer, noms
formés un peu différemment avec le suffixe du nomen agentis -er.
Les noms onomatopéiques, comme tous les noms spontanés, sont
plus fréquents en Italie. Il y a des tre-ire (bell. ; Bonelli), reéece
(gen. ; Bonelli), cece (Ancona, Crocioni, Il dîaletto âi Arcevia, 75),
ciccer (metanr. ; Merlo), cercer (veron. ; Merlo), c’err (berg. ; Bonelli),
cicirilu (Toppino, Il dialetto di Castellinaldo, p. 58), kra-kra
(Spezzia; Bonelli), zeriàt (Como, Monti 367).
89
le nota, pensait au nom de personne, ou peut-être même
au „louis d’or“ auquel il comparait la crête du roitelet.
Fiji évoqua le nom de personne Philippe à deux
endroits très éloignés l’im de l’autre. On trouve Jlip au
Cerneux Péquignot dans le canton de Neuchâtel (Gloss.)
et reyfelip au p. 798 de l’Atlas (Pyrénées-Orientales) non
loin de l’Espagne, dont plusieurs rois ont porté le nom
de Philippe.
Betyétyé à Salvan (Glossaire) me semble désigner
d’abord la mésange, et par extension le roitelet. Cette
onomatopée rend plutôt le chant de la mésange^). Or les
petites mésanges et les roitelets huppés se ressemblent
par le plumage, les allures et la voix et se trouvent
souvent en compagnie les uns des autres. Une confusion
est donc bien possible. 2) Avec hetyéiyé je passe au chapitre
f) Des confusions fréquentes avec d’autres oiseaux.
§ 72. On a parfois donné au roitelet des noms
d’autres oiseaux qui lui ressemblent par un ti’ait quel¬
conque, souvent peu frappant. 11 est impossible de savoir
dans chaque cas si cette confusion est propre au sujet
qui a fourni le nom ou à tous les habitants d’un village.
Quand la situation géographique de l’endroit montre que
le mot qui désigne accidentellement le troglodyte comble
une lacune, il est probable que l’emprunt n’est pas une
erreur individuelle.
J’ai déjà mentionné quelques cas où l’on a donné
au rouge-gorge des noms du troglodyte (cfr. § 39).
Le passage inverse se rencontre aussi au p. 826 (Ar¬
dèche). M. Edmont a reçu pour roitelet la réponse pitrn
(pet rouge). Ce point se trouve dans une région où des
noms récents ont remplacé des types anciens disparus :
„roitelet“, „roi des oiseaux“, „petite noix“ et plusieurs
autres noms d’emprunts : tels que rigahl (p. 822), rigal
On appelle en effet la mésange bustjetje à Liddes (Val
d’Entremont), hostekéké, motskyékyé à Nendaz, dzetiétiê à Vollèges.
2) Voici les noms onomatopéiques italiens qui imitent le cri
du regulus cristatus: (Spezia ; Bonelli), pipi (piac. ; Merlo),
ziddi (s. log. ; Merlo), sizin (Valteline, Studer).
90
(p. 852, Gard), rïgaùt (p. 866, Hautes-Alpes) qui étaient
propres au rouge-gorge, appelé nigau dans les Bouches-
du-Rhône, à Nice, Toulon et dans le Gard (Rolland) ;
martelé (p. 844, Drôme) qui est le nom de l’hirondelle
de rivage beaucoup plus au sud, à Nice. Il serait
difficile de trouver un point de ressemblance entre ces
deux oiseaux. Dans les Cévennes on dit heneri(t) pour
le roitelet (Azaïs, Crespon). Ce nom attesté déjà en 1609
est à l’origine celui de différents espèces de bruants,
surtout de l’ortolan. Rolland y voit une onomatopée.
On peut à la rigeur confondre le cri du bruant et du
roitelet. Enfin il y a encore dans la même région, forte¬
ment travaillée par les innovations, paserô (?) au p. 861
(Gard). Paserô est peut-être devenu dans celte contrée
un nom générique désignant tous les petits oiseaux, car tout
près, au p. 779 et dans le Gard, on appelle ainsi la
fauvette et le mouchet (accentor modularis).
§ 73. Dans l’Yonne, autre région de crise, le roitelet
porte aussi un nom emprunté au rouge-gorge : roi de
bourse, houssîo, masc. (Rolland, compL). Bouge-bourse,
féminin, est le rouge-gorge dans l’Aube (Salerne). Bourse
est une petite tumeur, ici peut-être l’estomac des oiseaux,
équivalent de gorge ou pet, comme dit Rolland. Sur la
carte bourse M. Edmont note dans cette contrée des
formes sans r: bm ; de là bousslo.
A la même région appartient l’emprunt fait aux
noms du grimpereau. C’est ëcalon (Rolland, compl.).
Le grimpereau s’appelle échelette (vieux-français), escaletie
dans l’Aisne, escalo-bernaU, escolèto, ehcalèto dans l’Aveyron,
tsaleto dans le Puy-de-Dôme. Je vois dans ces mots des
dérivés de scala, *scalare (grimper).
Un nom curieux, commun au roitelet, au rouge-
gorge et au pouillot four oui, masc. (roitelet, Pas-
de-Calais; Rolland, compl.), fouroule, féminin, magnon-
fouroule (rouge-gorge, Picardie), chau-four, bouche-four
(Sologne), fournalot (pouillot, Jura).^) Suolahti explique
L Cfr. Talleraand Bachofchen, Backofenkroffer (Hesse), Back-
ofenschlüpfer (Palatinat), Backowelken (Gottingen), Bnckôwenkrû-
perken (Grubenhagen), tous des noms du troglodyte (Suolahti).
91
ces noms en disant que le nid du troglodyte a la forme
d’un four. Mais je doute de la justesse de cette expli¬
cation, car les trois oiseaux qui portent ce nom n’ont
rien à faire avec le four.
On ne peut pas séparer ces mots, je crois, des noms
du pouillot et du roitelet dans le Doubs : foiwn’lo, foun’lo
(Meuse ; Rolland, compl.), fouanasse, fouhso (dans la
Nièvre et l’Yonne) ; ces deux derniers désignent la fau¬
vette des foins (sylvia orphea). Tous ces mots appar¬
tiennent à la même région, et je crois qu’il faut plutôt
penser à l’oiseau des foins qu’à l’oiseau du four.i)
Un autre nom du roitelet emprunté au pouillot est
chantre (Littré, Larousse).
§ 74. C’est à la fauvette que sont empruntés les
noms de ô/ssoi/rcfe^ (Orléans; Salerne), mousquet (Hérault;
Marcel de Serre) et oiseau-mouche (Jura; Beauquier).
Voici les noms actuels de la fauvette qui nous concernent :
A l’est, en Bourgogne et dans le Dauphinet bnskarido
(p. 822), bueardj botsorda, bneardè, busardé (p. 910, 913,
921, 931, 911, 914), boearlô, pu^arla (p. 819, 818, 829),
mntserîo (p. 827, 837, 838). A l’ouest il y a la même
hésitation entre b et m à, l’initiale : busket (p. 735), buh-
keto (p. 717), mmket (p. 766, 777, 778). Quelle est la
forme première, celle avec m ou celle avec 6? Voici les
formes des dictionnaires ; Godefroy donne mouclierolle,
„un petit oysillon de la grandeur d’une fauvette hantant
les buissons, qui mange les mouches et de là est aussi
nommé moucheroUe^ (Belon, 1555).
Moucheton: L’on prend à la glu mouchetons (XV^*"*^
et XVF°^® siècle, Testament de monseigneur Desbarres),
Je n’ai pas trouvé bosquillon que Rolland, compl.,
dit y avoir trouvé. Rolland donne encore moucheri, masc.
(franç. dial., 1688), moucherla (Isère, 1809), mousquet
(Hérault, 1822, Gard, 1844), mouscayrolo (Tarn, 1845).
Voici les formes avec b: bocharde (Savoie, 1853),
boucharde (Isère, 1846), bouscarido (Gard, 1820 — 44),
Cfr. la carte „foin“ de ALF et le nom irlandais du pouillot
hay-hird.
92
hisquerlo (ibidem), houscarla (Hérault, 1820, Nice 1821,
1826), busqueta (Pyrénées-Orientales, 1861).
Est-ce par hasard qu’en vieux-français les formes
avec m sont seules conservées, ou étaient-elles les seules
existantes? Il faudrait alors voir dans toutes ces expres¬
sions des dérivés de mouche; mouchet, moucheton, mou-
cherolle, moucheri, moucharde, mouchière (mouscairolo =
celui qui prend des mouches). Le dernier de ces noms
n’a pas besoin d’explication. Pour ^nouchet, etc., confrontez
ritalien mouscone (Tessin; Schinz), mmchitta (log. camp.;
Merlo), roitelet, oslen moska (parm. ; Flechia), moskin
(mess.), pouillot. Même si l’allemand Grasmücke est dû
à l’étymologie populaire (selon Winteler), il faut pourtant
qu’à un moment donné la comparaison de l’oiseau à un
moucheron se soit présentée à l’esprit.
Le développement de u et de sc est partout le même
que dans mouche. La seule difficulté phonétique est le
changement de 7n initial en h, dont je ne connais pas
d’autres exemples. L’étymologie populaire doit avoir eu sa
part à cette transformation : bosquet (adjectif) signifiait selon
Godefroy: „qui habite les bois“, ensuite aussi „écureuil“.
Mouscairolo > mntserlo >> bu-eai'la (fém.), bnearde,
busorde avec un autre suffixe. Cette fois c’est buse, bure
(de couleur sombre) qui est en jeu (cfr. busette = fau¬
vette dans le Berry). i)
Bissourdei (roitelet) dans l’Orléanais est certainement
en rapport avec ce busorde (fauvette), de même que
mousquet dans le Hérault et oiseau-mouche dans le Jura
qui doit être inspiré par mtieerlo voisin.
§ 75. Le nom de rédébékadê, roitelet au p. 650,
Gironde, méro bécasso en prov. (Roll., compl.) qui signifie
roi (mère) des bécasses, est très curieux. 11 s’explique
cependant par une croyance populaire de la Gironde qui
dit que le roitelet voyage sous l’aile de la bécasse (Sé-
billot). Le nom de roi a pénétré dans la Gironde par le
nord. Le roi qui voyage sous l’aile de la bécasse de-
0 Cfr. l’expression hochârda = vache qui a des taches noires
sur le museau, vache à robe brune, se dit aussi en parlant de
bœufs et de moutons (Constantin-Desormaux).
93
vient ainsi le roi des bécassesd) Il se peut ([ue la res¬
semblance du plumage des deux oiseaux ait joué un rôle
aussi. Précigou dit à ce sujet: „Le plumage du troglo¬
dyte a les mêmes nuances que celui de la bécasse et
Buffon : ,.)Le troglodyte a en raccourci et, pour ainsi dire
en miniature, le plumage de la bécasse; aussi ai-je vu
des enfants à qui la bécasse était connue, du premier
moment qu’on leur montrait le troglodyte, l’appeler
petite bécasse“.2)
Je pense que l’expression horgnat (roitelet; Littré)
a le même point de départ. Elle désignait à l’origine la
bécasse. 3)
Pour des raisons déjà mentionnées plus haut le
roitelet a été confondu avec la mésange (cfr. § 71). Il
s’appelle 7nèiz, ynèizat aux Pommerais (M. Schmidt), cfr.
meize, meizat Meise (Tappolet, AUeman. Lehnwôrter,
IL, 107). Mistereta signifie en même temps roitelet (Ver-
rens-Arvey, Constantin) et mésange (Brachet). Peut-être
ce mot a-t-il quelque rapport avec miston (friandise).
Guerchette, fém. (Maine-et-Loire ; Verrier et Onillon),
pouiTait aussi être un nom d’emprunt désignant peut-être
à l’origine la bergeronnette. J’y vois un dérivé de
guérécher labourer, mettre en guéreis (Jaubert). Je n’ai
aucun témoignage pour guerchette signifiant bergeronnette,
0 Cfr. le bolonais papa dla inzzacra (pape des bécasses,
Merlo).
2) La même comparaison a été faite en Italie où le troglo¬
dyte porte les noms de heccaccino (Ancona, Merlo), polina à Ber-
game à côté de re di pôle (pola = beccaccia), galinazen (Italie du
nord, Bonelli). La gallinazza est la bécasse.
Je ne sais pas jusqu’à quel point roi des cailles, râle (crex
crex) a iufluencé ces différents rois des bécasses ou en a été in¬
fluencé. Il se rencontre en fr., prov., lang. (Eolland), aussi en
Italie et en Allemagne. Grimm dit que le troglodyte s’appelle
aussi „Wachtelkônig'‘, ce qui est probablement une erreur. Ce
nom paraît venir de ce que le râle semble en tout temps suivre
les cailles. Pour la même raison on appelle au point 650 (Gironde)
le roitelet rédéhékade.
^) Cfr. l’explication qu’en donne Sainéan, Etymologies lyon¬
naises, Rev. de pliil., XXII, 60. Von Wartburg (Die Ausdrücke für
die Fehler des Gesichtsorgans) n’en parle pas. Borgne est aussi un
nom de la mésange charbonnière.
94
il est vrai, mais les noms parallèles en allem. fAcker-
mànnchen), en picard (semeur [SalerneJJ, en prov. (houy-
eireto, petit laborenr) semblent confirmer notre suppo¬
sition.^)
cikro dans les Vosges (Bloch) signifie proprement
pinson. Peut-être le sujet interrogé ne connaissait-il pas
le troglodyte.
g) Les noms appartenant spécialement au regulus
cristatus.
§ 76. Tous ces noms se rapportent au trait carac¬
téristique du petit oiseau, au bandeau jaune ou
orange qui orne sa tête.
Honisô (jaunisson) au p. 630 de l’Atlas (Gironde)
ne peut désigner que le roitelet huppé.^)
Tout ce qui est jaune et qui plaît est comparé à
l’or, substance jaune par excellence, celle qui plaît le plus
à l’enfant et à l’homme, qui l’intéresse le plus vivement.
Si l’on rassemblait tous les noms de plantes et d’animaux
oïl l’or joue un rôle, le nombre en serait très grand, je
crois. On compare à l’or toutes les nuances du jaune,
le jaune foncé, presque brun, de la giroflée (Goldlack),
le jaune très pâle des „boutons d’or“ („Butterbluine“),
et même ce qui est seulement jaunâtre (Goldamsel).
On appelle le roitelet huppé petit doré en franç.
dial. (Gérardin, Traité élémentaire T ornithologie y 1806).^)
Le peuple ne se contente pas d’un nom en quelque
sorte scientifique, c’est-à-dire d’un nom purement descrip-
9 Je constate le fait curieux que pour ces mêmes endroits
(Brissac, Luigné) Verrier et Onillon offrent guèrche dans le sens
de crèche, sans que toutefois j’aie réussi à trouver un rapport qui
relie ces deux mots.
2) Jaunisse désigne le bruant jaune dans le Luxembourg à
cause de son plumage. En allemand cet oiseau s’appelle Goldammer.
Cfr. l’ital. capo Joro (Feltre; Bonelli), conca (tête) J ont
(sarde; P. Bolla, Fauna pop. sarda), cô d'or (suisse; Studer) ou
codorin, testin d'ôo (Spezia, Tortona, aless. ; Bonelli), uslin del
testin giald (suisse; Studer) ou riottin de la corona (milan.; Banfi);
Fallem. GoldhàlmcJien, Goldkdpfchen (Brehm), Goldschüpli (Studer),
Guldstangerl (stangerl, kleines Stück; Heanzer Mda. ; Suolahti),
Goldplüttchen, Goldele (Tyrol).
95
tif. En indiquant une couleur, une qualité quelconque,
il fait une comparaison comme le poète. Ainsi le nom
devient affectif; il exprime un jugement de
valeur, car selon que l’objet lui plaira ou ne lui plaira
pas, il choisira un symbole différent pour la même cou¬
leur. Le même roitelet peut être appelé pour la couleur
de sa crête un 'petit doré ou un juif (voir plus loin). Il
y a en Suisse allemande goldyelh à coté de „gâygeligcll^
(<^ cacare) péjoratif. La même couleur qui est agréable
à nos yeux et que nous comparons à l’or lorsqu’elle
appartient à une fleur ou à un oiseau, nous est des¬
agréable sur une plus grande étendue, sur une robe
par exemple qui ne sied pas bien ; nous l’appelons alors
„gaggeligâl^ y jaune criard. Nous avons constaté la même
divergence du jugement de valeur dans le choix des
symboles de petitesse (cfr. péteMx à côté de poulette au
bon Dieu),
§ 77. La flamme aussi est jamie-orange et fournit
un point de comparaison. On appelle le roitelet flamineile
en wallon (Grandgagnage). Flaminette ou flamive est
aussi le nom de la fleur de souci (calendula arvensis) en
vieux-français (Ducange) et en wallon à cause de sa
couleur orange vive.^)
Cette fleur a servi de bonne heure à désigner le
roitelet huppé. Godefroy cite Belon (Nat. des oijs.y 7, VII,
éd. 1555): „Ceux du Maine le nomment un poul ou une
sourcicle mais ceux qui parlent meilleur françoys dient
une soulcie: car il a les sourcilz de plumes noires esle-
vées sur chaque costé des temples au-dessus des yeux
au milieu desquelles il y a comme une creste de plu¬
sieurs plumes jaulnes sur le sommet de la teste. “ C’est
donc bien le roitelet huppé dont il est question. Je ne
sais ce que Godefroy entend par la traduction „pouillot
colybie“. Le deuxième exemple est tiré de Fr. Binet
( Merv, de nat.j p. 68, éd. 1622): ypnoineau à la soulsie
ou au collier jaune, c’est celui qui a au col comme un
petit carquan de duvet jaunissant^.
Cfr. l’anglais fire-crest.
96
Le dernier exemple se trouve dans la Nouv. Fabrique,
116 (Bibl. élz.): soulcicles.
Le moineau à la soulsie ou au collier jaune est
peut-être le friquet (passer montanus ou passer petronia),
non pas le regulus, car Cotgrave le traduit par „mig-
sparrow ; a small bird that hath a yellow ring about its
necke and builds in the trunke of a tree.“
Rolland rapporte encore d’autres témoignages de ce
mot: fleur de souci (franc, dial.; Salerne, 1767), sucet,
petit sucet (Orléanais, Salerne), sucet n’est autre que
petit souci (<< solseqxjia), appelé suss à Fougerolles
(Haute-Saône; Rolland, Flore pop., VII, 163), S7i€é, masc.,
à Vincelles (Dauzat). Au XVin®“® siècle il semble avoir
été en usage aussi dans le canton de Vaud, dans le
Jorat: souci, roitelet (Razoumowski).
La désignation paraît être ancienne et plus répandue
peut-être autrefois. Pour le siècle je n’en ai que
des témoignages isolés : souci en Lorraine (Toussenel,
1872 — 74), sourcicle à Guernesej (Métivier, 1870). 0
Au même ordre d’idées que flaminette appartient
soraij (soleil) à Charmoille (Berne, Glossaire). Ce mot aussi
a peut-être passé par l’intermédiaire du souci qui comme
le tourne- sol (Sonnenblume) ressemble au soleil par la
couleur et la forme. Il s’appelle espouse du soleil (Belon),
herbe solaire (Vinet et Mizaut, La maison champêtre),
solo, petit solo en luxembourgeois.^)
§ 78. On appelle le roitelet crêté poul (coq) en le
comparant à l’oiseau crêté par excellence : poul (Belon,
Le Mans), pou, pou de bois (Vienne, Manduyt, 1840),
La fleur de l’oranger a remplacé le souci au nord de
l’Italie où le regulus est appelé poranccin à Côme (Bonelli), en
Suisse (Studer), fiorancîo (Frioul, Pirona).
2) Le soleil est d’or et les étoiles et la lune sont généralement
d’argent dans le langage du peuple; mais quelquefois on parle
aussi des étoiles d’or (cfr. l’expression „die goldencn Sternlein'‘
de M. Claudius). C’est ainsi qu’on arrive à appeler le regulus
stéîle d'or, steiletta (piem. ; Bonelli), steiïa giauna (Verc.), stelen
(cremon.), stelin (Vie., Friul; Bonelli; Pirona, Suisse; Studer),
stilé (Brescia, Berg, ; Bonelli) ou stellat (Riva), stellatin (Rendena,
Torre). De même en portugais estrellinha (petite étoile ; Michaelis).
97
jpoUy petit pouë (Mayenne; Rolland, compl). Guillemeau
(1806) donne ce nom pour le pouillot dans le dép. des
Deux-Sèvres. 1) Peut-être faut-il mentionner ici aussi un
goché (roitelet huppé) à Frameries (Hainaut; Rolland,
compl.).
§ 79. Les Grecs firent de la petite crête une cou¬
ronne et donnèrent à l’oiseau le nom de Tupavvoç. Les
Français l’appelaient empereur dans le Jura (Ogérien),
petit empereur (Doubs; Beauquier), prince en Champagne
(Rolland). 2)
§ 80. La désignation jusiàu près d’Orange est un
peu moins respectueuse, si l’on tient compte du mépris
que les gens avaient pour les juifs au moyen âge. Mistral,
qui donne ce nom, dit qu’on comparait la tache jaune
du roitelet au chapeau jaune que les juifs devaient
porter pour qu’on les reconnût de loin. Ces prescriptions
étaient particulièrement sévères dans le midi de la
France (cfr. une notice d’Alex. Dancona dans le Giov-
nale storico V, p. 54).®)
Plus flatteurs sont les noms qui comparent notre
oiseau à un ecclésiastique. On comprend sans difficulté
le napolitain cardinale (Bonelli), les cardinaux portant
un costume pourpre. Mais petit quereye^) (curé) en
9 Cfr. le sicilien jadduzzeddu (Merlo), le tessinois cb d’or
(Studer), l’allemand Goldhahnchen, ou la comparaison avec un
autre oiseau, l’autruche: struzzet (trev., Merlo), en suisse allemand
Streilfile (Berne; GeÛner).
2) Le nom d’empereur lui est fréquemment donné en Italie :
imperator (veron. ; Bonelli — Val di Ledro; Torre), imperatorel
(veron.; Merlo, — Val di Ledro ; Ettmayer), imperatori (Ledro; Torre).
On a donné ce même nom à différentes plantes jaunes:
jîidievo est le narcisse jaune, erbo di judieu la gaude (réséda lu-
teola) dont la fleur est jaune et qui sert à teindre en jaune. Les
comparaisons avec les juifs se présentaient facilement à l’esprit
parce que ceux-ci occupaient les imaginations. On appelle peis
jouziou le sphyrgna zygaena (morteau) et le martinet (cypselus
apus) à cause des cornes du premier, de la queue bifurquée de
l’autre qui ressemblent aux cornes des chapeaux juifs (Barbier,
Noms des poissons, Rev. des lang. rom., LVII, 312).
9 Cfr. la carte „curé“ de l’ALF en Belgique et au nord-est
de la France.
7
98
luxembourgeois (Liégeois) est plus difficile à expliquer,
le roitelet n’ajant pas de calotte noire sur la tête comme
le rossignol de muraille (ruticilla phoenicura) appelé
aussi prêtre, clerc, le „moineau“ qui est un petit
moine, les bergeronnettes et certaines mésanges appelées
nonnettes ou béguines, la fauvette à tête noire (sylvia
atricapilla) nommé Mônchsgrasmücke en allemand. Le
grimpereau s’appelle keurè dans l’Orne (Rolland, compl.).
Peut-être y a-t-il aussi confusion.
Covreû (couvert, cfr. l’ALF carte „est couvert^) en
wallon (Rolland, compl.) est un équivalent de huppé.
5. Mots obscurs.
§ 81. Esterangle-porc en franç. dial. (Chenevière,
Carnet de chasse, s. d., p. 233).
Dôdê (Yonne; Rolland, compl.) est peut-être en
rapport avec dodine (sorte de caresse faite à un enfant
[Jossier], cfr. Fr. Kocher, op. cit., p. 27.)
Bihoudin (Normandie, Lemetteil) pourrait être le
roi qui boude (cfr. boudin dans Jaubert). Peut-être est-ce
le même mot que ribodi, ribaudet (pluvier) en Picardie,
baude (alouette huppée) dans le Poitou, dont l’origine
est obscure.
Racatin (Bosquet, Normandie merveilleuse, p. 220)
pourrait contenir Caün = sotte (<C Catherine).
Dans biskànké (p. 981 de l’Atlas, Hautes-Alpes) pour¬
rait se cacher un dérivé de cacaue dans une région
où a et a a (cfr. § 49).
Tyètb à Vinzelles (Dauzat) s’explique peut-être de
la même manière que le fribourgeois tgin (culot). (Cfr.
M. Gauchat: Die franzôsische Schiveiz als Hüterin latei-
nischen Sprachgutes, Festschrift Blümner 1914, p. 346 et
Bulletin du Gloss., VH, p. 58). (Cfr. les noms du § 49).
99
6. Conclusions,
a) La multitude des noms.
§ 82. H me reste encore à résumer brièvement les
résultats de mon travail et à passer en revue la répar¬
tition et la succession des différentes couches de noms
du roitelet.
Un premier coup d’œil sur la carte roitelet, nous
donne l’impression d’un tableau très varié, d’une multi¬
tude de types indépendants, dits „éruptifs“, sans rapport
les uns avec les autres. Mais un examen plus approfondi
montre que beaucoup de ces types qui semblaient d’abord
isolés, procèdent d’un même mot primitif. S’ils varient
à l’infini, c’est qu’ils ont été transformés par l’étymologie
populaire.
La tendance d’unification n’entre presque
pas en ligne de compte pour le nom du roitelet, fort
différent en cela de celui d’autres oiseaux. Pour le ros¬
signol par exemple nous n’avons guère dans toute la France
qu’un type. Là, les formes de l’extrême nord sont com¬
prises par les gens de l’extrême sud et vice-versa. C’est
que le rossignol a joué de tout temps un rôle dans la
littérature, surtout dans la littérature artistique. On en
parle plus souvent en poésie que dans la conversation
de chaque jour. Or, le poète veut être compris en dehors
de la région qu’il habite, il préfère les termes du français
littéraire à ceux de son parler dialectal. Dans beaucoup
de contrées de la France, le rossignol n’est même connu
que de nom.
Le roitelet par contre fait l’objet du folklore. Son
nom est sans prétention ; il reste sédentaire ou passe de
bouche en bouche, mais ne voyage pas d’un coin de
France à l’autre. Le roitelet n’étant pas non plus un
objet de commerce, ses noms peuvent varier à l’infini,
d’endroit en endroit sans gêner personne, en toute liberté.
L’unification ne s’impose pas.
Mais la cause de ces variations multiples n’est pas
purement négative; il y avait aussi un stimulant positif;
lorsqu’un terme désignant le roitelet était atteint de
100
> ?
„déchéance sémantique^, c’est-à-dire lorsqu’il n’avait plus
aucune valeur affective, lorsqu’il ne suscitait plus aucune
association, le peuple créait une nouvelle expression, en
utilisant généralement le terme déjà existant, auquel il
donnait une nouvelle valeur affective, une nou¬
velle signification grâce à l’étymologie populaire. Ainsi
les anciens termes, continuellement renouvelés, pouvaient
de nouveau exprimer l’idée de roitelet, tout en s’éloignant
de plus en plus de leur origine.
b) L’ordre de la succession.
§ 83. Essayons de donner un aperçu général de
l’histoire de ces noms, de leurs couches successives.
Lorsque la civilisation latine importa en Gaule avec
la légende du roitelet et de l’aigle le nom de „ petit roi“
pour désigner le troglodyte, les habitants du pays possé¬
daient déjà un nom pour l’oiseau, un nom d’origine
celte: bitriscus. Ce nom était implanté, car toute sorte
de légendes et de contes amusants s’y rattachaient. Dès
lors il y eut lutte entre l’ancien terme et le nouveau
venu, et partout où, dans la suite, bitriscus montrera
un point faible, le nom latin tendra à le remplacer, tout
au moins dans le nord de la France.
La lutte de ces deux termes latin et gaulois
est analogue à celle de verne et d'aune (cfr. M. Jud,
Aune Arch. /. d. Stud d. neueren Spr. u. Lit., CXXl,
76 — 96), berbix et multone (v. Wartbiurg, Zur Benennung
des Schafes in den romanischen Sprachen, p. 15) ; elle est
moins acharnée cependant, parce que le besoin d’unité
est moins sensible. On tolérait sans difficulté plusieurs
termes dans des régions voisines, parce que l’oiseau ne
jouait aucun rôle dans la vie quotidienne.
La répartition de ces deux types est très curieuse
dans le nord de la France. A l’ouest un rété, donc une
des formes les plus anciennes de roitelet (cfr. § 19) et
un rio isolé à Jersey et à la Villette (Calvados) se
trouvent à côté des descendants de bitriscus prélatin.
Des vestiges de cet ancien nom se trouvent aussi dans
le Pas-de-Calais et en Lorraine à côté de reietel.
101
Il n’est donc pas permis d’admettre une grande aire
unie du type reietel dans toute la partie nord de la
France, bien que ce type y ait sûrement pénétré très tôt.
Il faut admettre que déjà au moyen âge deux
mots pour le seul roitelet existaient côte à côte dans
une même région, l’un étant le nom populaire, traditionnel,
l’autre le nom francien, importé avec la fable, le nom
du roitelet fabuleux en quelque sorte, le nom savant.
Ensuite le nom celtique aurait fini par l’emporter dans
une des régions, et le nom latin dans l’autre. Des formes
comme rebettin, reheré, roirobert, etc., seraient alors des
produits d’une contamination secondaire.
Il se peut fort bien que les choses se soient passées
de même en francien, car l’Ile de France est encore
aujourd’hui entièrement entourée par les déscendants de
ce BiTRiscüS. Roiet est peut-être, je dirais même pro¬
bablement, un mot savant, introduit par les clercs qui
traduisaiemt ainsi le mot latin regulus parce qu’ils ne
connaissaient pas le mot populaire ou parce qu’ils ne
reconnaissaient pas le héros de la fable antique dans
l’oiseau des campagnes françaises.
Grâce à la fable le nom latin se répandait dans le
peuple et se substituait en partie au nom populaire à
cause de la conception d’être fabuleux, toute particulière
à notre oiseau, conception dont j’ai déjà parlé dans mon
introduction.
Le type bitriscus et ses dérivés multiples et variés,
presque méconnaissables en bien des endroits, a donc
une fois été en usage dans presque toute la France, à
l’exception peut-être du sud-ouest du pays, de l’aire
rekuUet, qui, fort probablement, était alors plus étendue
que maintenant.
Ensuite bitriscus a dû reculer en plusieurs points
du nord de la France devant „roitelet“, le type
parisien qui avait le grand avantage d’être expressif,
tandis ^que les dérivés de bitriscus étaient devenus in¬
compréhensibles. Le manque de témoignages ne me
permet pas de poursuivre l’histoire de cette lutte entre
l’ancien bitriscus et le mot savant.
102
Mais c’est surtout dans la France orientale que
BiTRiscus dut passer par une crise qui lui fut fatale.
C’est dans cette région qu’on en avait fait, peut-être
par étymologie populaire, petaret, mot quelque peu
malséant. Tôt ou tard il se manifestera une tendance à
éviter ou à cacher ce qu’il peut avoir de choquant.
J’ai déjà parlé des transformations qu’il a subies,
en reypetit ou en rampantin. Reypetit surtout a pris dans
la suite une grande force d’expansion. Il ne renfermait
plus rien de choquant et était de plus appuyé par la
fable. Rampantin par contre est en train de disparaître
à cause de la collision avec un autre mot.
Cette transformation lente, qui n’est pas entière¬
ment inconsciente, puisque ceux qui parlent ont une
certaine tendance, est un moyen pour éviter un mot
choquant.
Un autre moyen consiste à ne plus employer le
mot, à le remplacer par un autre terme. Mais dans ce
cas l’imagination n’est pas indépendante dans la
création du mot nouveau. C’est ainsi qu’on a substitué
à repeteret des mots de signification semblable, mais
peut-être un peu moins transparents: vessinarda, pet de
hoUj culot, roi de quille, cagadâouleta, etc.
Mais comme ces mots avaient tous la même tare
que le nom dont ils prenaient la place, d’autres rempla¬
çants se présentent à l’esprit. D’abord ce seront d’autres
symboles exprimant la petite taille: petaret suscite peyro
dian (espèce de châtaigne) par une ressemblance de sons,
en Savoie. Peyro dian appelle châtaigne-, châtaigne ap¬
pelle noisette et fève. Plus au nord on pense au petit
Poucet et on donne ce nom au roitelet.
D’autres termes remplaçants encore sont fournis
surtout dans les Vosges, par les noms de la fauvette,
ou par les noms du roitelet dans les contrées allemandes
voisines. Tels sont moez à hay, mussot, rasota. Ici aussi
un des termes appelle l’autre.
Des types de la même catégorie se retrouvent isolés
en Savoie, dans une région de crise, à types très
103
hétérogènes, importés ici peut-être du Piémont voisin
où ils sont très fréquents.
En dehors de la Savoie c’est plutôt à l’ouest qu’on
trouve ce type de désignations qui se rapportent aux
mœurs de l’oiseau, dans le voisinage de reknUet, type
d’inspiration semblable, qui aura appelé les dénominations
de trauca-hartaSy bartassiéy rondo- si èy'ro, frela-buissony
lorsqu’il n’était plus assez expressif.
Toujours en Savoie nous trouvons encore des noms
onomatopéiques, très peu caractéristiques pour le
roitelet, et enfin le type parisien qui, ici, comme en
Suisse romande, est assimilé aux lois phonétiques du pays.
C’est bien à une couche secondaire que nous avons
affaire ici en Savoie. Son hétérogénéité le prouve et plus
encore le fait qu’elle sépare l’aire principale de repeteret
de reypetaret isolé dans la vallée d’Aoste. Mais c’est une
couche secondaire assez ancienne, où le type parisien
n’a pas été accepté tel quel comme ce fut le cas plus
récemment dans la région voisine des départements de
l’Ain et de l’Isère.
Une autre région fortement troublée par les
innovations est le Languedoc; cette zone située
entre la zone petouze qui recouvre à peu près l’ancien
domaine de la langue provençale et l’aire repetit, revêt
un caractère tout différent. On y trouve une véritable
nichée de toutes espèces de noms empruntés à
d’autres oiseaux. On se tire d’affaire en appellant le
roitelet tantôt pitru, rigal (rouge-gorge), tantôt martélét
(hirondelle de rivage), benerit (ortolan) ou simplement
paserô.
Plus au nord, dans l’Auvergne, parmi les derniers
vestiges de rebéré (bitriscus), nous trouvons une zone
assez étendue de „roi des oiseaux. “
Une autre région où se croisent des influences mul¬
tiples se trouve dans l’Yonne entre les zones roïbri et
roi de quille. Il y a là tout d’abord des produits de
contaminations comme roi de ghézi, ghéziya, ensuite
des remplaçants de toute sorte tels: écouteur et roi de
froidure et ses équivalents, puis des onomatopées. Enfin
104
à côté de quelques mots difficiles à expliquer, il y a une
catégorie de noms empruntés à d’autres oiseaux. Donc,
comme en Savoie, nous trouvons beaucoup d’expressions
différentes sur un espace restreint. Notons cependant que
„roitelet“ parisien n’y a pas pénétré.
Le trait caractéristique de l’histoire des noms du
roitelet, c’est que le mot parisien a été relative¬
ment rarement appelé à remplacer des noms
disparus, à combler les lacunes, fréquentes pourtant,
et encore ces substitutions ont-elles toutes eu lieu assez
récemment. Paris, centre économique et politique,
linguistique et littéraire n’a joué qu’un rôle insignifiant
dans l’histoire des noms populaires du roitelet. Tout au
plus le roitelet, grâce à la propagation du récit de l’aigle
et du roitelet par les livres de lecture scolaire, a-t-il au¬
jourd’hui la chance de remplacer le mot régional par¬
tout là où le dernier va disparaître.
C. INDICES
1. Index des mots.
araig 24.
artviüo 62.
-attus 30.
avem regaliolum 21.
bâcher in O 73.
harnaheli 43.
barnatsarada 44.
hartassié 81.
20.
iîaa'.li,axoç 21.
hë 45.
heccaccîno 93.
hedou 47.
begron 45.
beneri 90.
beré 45, 47.
berée, besée 45, 47.
ber go 50.
berîchon 51.
berillon 39.
berteau 48.
bertb 48.
bertrand 50.
beruet 38.
betyétyé 89.
beurîchon 51.
bezoïie 47.
bezuet 47.
bidelet (roi) 42.
bieutin 45.
biô 43.
bîrou 46, 48.
biroufle 48.
biskànké 98.
bissourdet 91.
bitorius 35.
bitriscus 35.
bœuf de Dieu 73.
borgnat 93.
bouleratte 70.
bourichon 52.
(roi de) bourse 90.
bousslo 90.
(roi) bouti 52.
bovino 74.
britiscus 35.
brilmbla 67.
burichon 51.
cabot 69.
cagadauleto 63.
capo d’or O 94.
(re) castagna 66.
castagnolo 66.
cece 88.
cent-rübb 70.
cercer 88.
c’err 88.
chaleron 49, 79.
chantagnCy eotand 66.
chantre 91.
(rei) chichou 63.
èikro 94.
chourro, chouret 59.
ciccer 88.
cicirilu 88.
cinse-cadê 83.
coda 66.
cocoyrou 64.
cb d’or 94.
conca d’oru 94.
conta-fascinas 82.
covreû 98.
crac-jan 70.
crecre 87.
cricri 87.
culot 64.
dôdê 98.
Dommendick 65.
106
(petit) doré 94.
Dumeling 65.
Dumenzîoîtscherle 65.
écalon 80.
écouteux 84.
-ellus 27.
empereur 25, 97.
-eret 80.
estr angle-porc 98.
eatrelUnha 96.
faharelo 67.
farfonte 70.
favite 67.
fauzza 67.
(rey) felip 89.
fenouiet 83.
fevat 67.
ferduzio 84.
M 88.
fi or anodin 96.
fiamînette 95.
flip 89.
forahocc 81.
forafratte 81.
foramakkie 81.
forasiepe 81.
fouonHo 91.
fouroul 90
fourre-huisson 81.
fouti-fouti 63.
frela-buîsson 88.
fri-fri 89.
(roi de) froidure 84.
fucila 22.
galînazen 93.
gey de poue 63.
(roi de) gliézi 62.
ghézîya 62.
goché 97.
Goldele 94.
Goldhâhnchen 94.
Goldkbpfchen 94.
Goldplattchen 94.
Goldstangerl 94.
Goldtschupli 94.
goursillon 81.
granin d*fava 67.
grapeto 57.
greguariolus 22.
gueyatf 63.
guerchette 93.
honiso 94.
hüî 88.
jadduzzeddu 97.
(petit) janvier 84.
-illon 30, 39
imperator 97.
-isco 37.
-ichon, -ucTion 52.
-ittus 26, 55.
jusiou 97.
kiki 87.
Kbniglin 13.
kra-kra 88.
krané 70.
krîvaoiza 82.
krolik 13.
kutia 66.
kuket 64.
(re) hutoet 74.
lagagnou(s)o 52.
laouenik 68.
liva-cava 71.
louhri 39.
lurümi 58.
madonin 72.
magus avium 22.
mari-héré 47.
marie-chourre 59.
martèle 90.
méiz 93.
mero-hécasso 92.
mess-en-hay 80.
miey’liahe 67.
migeome 82.
mistereta 93.
mistouUno 69.
(oiseau) mouche 92.
mousquet 91.
muschitta 92.
musri 80.
mussot 80.
nini 88.
noisette 66.
nouchat 66.
nugeta 66.
7iuèiiia 66.
nuzilu 66.
miserle 66.
roi de quilles 61.
occhio hovino 74.
racatin 98.
Ochsenôgele 74.
radhira 42.
oiseau de Dieu 72.
raddmü 82.
-olet 31, 33.
rajfelot 84.
-one 30, 32.
rakia 62.
orchil 24.
raklé 29.
ordelet 33.
rampantin 55.
-osus 54.
rapatet 55.
-ottus 26, 27.
rappelot 83.
de sri 66.
rappetolet 58.
papa dla pizzacra 93.
rapya(neta) 57.
parpajo 68.
rastelet 28.
passera 90.
ratatet 30.
pemphignon 68.
rateré 29.
(re) pépin 69.
ratereau 30.
pêro d*bou 66.
ratillon 30.
percia ruvettu (mura) 82.
ratitolé 58.
pet de hou 60.
ravisset 83.
(roi) Pétaud 61.
razerou 32.
petaret 52.
rehédédé 42.
petit rey 57.
rehederé 42.
petouso 54.
rehéné 43.
pey de hou 60.
reheire 46.
peyro dian 60.
rehette 45.
pieucart 65.
rehettin 45.
pilloni di her 84.
rehlette 45.
pintorius 35.
reéece 88.
pipi 89.
rëche 87.
pitilui 88.
redatol 34.
pitriscus 36.
rédéhékade 92.
pitristus 36.
redehedloe 42.
pitru 89.
re di siepe 81.
pœsro 65.
redoyell 33.
polaschet 65.
refouchion 64.
polina 93.
regaliolus 21.
potohillou 57.
regillus 25.
pouce 65.
regina 24.
poufinion 68.
regulus 21.
poul 96.
reiat 25.
poulette 71.
reiet 25.
upéa(Buç 20.
reietel 26.
prince 25, 97.
reietelet 27.
psipsi 88.
reigunet 71.
(roi) pueça 65.
reinou 31.
purisculus 36.
reiot 26.
putih rocket 84.
reipetoun 54.
puzone de ranu 84.
reire helet 43.
guereye 97.
Reiserkonig 82.
108
répéquet 83.
repetetit 58.
reseto 80.
rex avium 21.
reyhelé 43.
reyenit 34.
reygartus 50.
reymanut 58.
rey 57.
reyteu 58.
rezeto 34.
rWe 45.
riherna 44.
riblê 45.
riboudin 98.
ribwe 45.
ricochet 76.
rigalii 89.
rikiki 87.
riottin de la corona 94.
ripatea 54.
riguieu 64.
ristoula 33.
ritola 32.
ritoleri 33.
roable 39.
Robert 39.
rodo-hartassou 82.
roibery, roibri 38.
roi de bezigue 39.
roidelo 33.
roido 33.
rondo-sièy’ro 82.
rouapsi 39.
roze-boss 82.
rubi 39.
riigle 79.
riipido 22.
sauta hbcc 81.
sbucafratte 81.
(s)buzasess 81.
Scherzer 88.
Schnàrzer 88.
Schnurzer 88.
Schyterchingli 82.
senator 22.
sepîvaga 79.
sizin 89.
soray 96.
fleur de souci 96.
sourcicle 95.
sp^rciasiepe 81.
steile d^or 96.
steiletta 96.
steila giauna 96.
stelin 96.
stellat 96.
Strâufile 97.
struzzet 97.
sucet 96.
testin d’ÔQ 94.
thumh-hird 65.
topi di matta 82.
trauca-bartas 82.
trenta pes 70.
tretre 88.
tritri 87.
xpôyiloç 20.
TpWYloSuTTflÇ 20.
trouspe 60.
trousse-gueue 71.
tsik 87.
tyeto 98.
Tupavvo; 20.
ujywé de stala 82.
-ulus 25.
usel dla madona 72.
uslîn del testin giald 96.
uzi]ü 66.
vacherino 73.
vaco petouo 73.
vaguete 73.
vessinarda 60.
vichou 60.
vitriscus 35.
wœil de buu 73.
ivren 13.
u'rendo 13, 81.
zeriat 88.
ziddi 89.
zizi 88.
109
2. Index des matières.
à > a 55.
a entre labiale > o 68.
agglutination de l’article 58, 66.
agilité 74.
aïeul 43.
alouette 98.
Artus 50.
(nom) banal 81.
bandeau jaune 94.
Barnabé 44.
beau 43.
bécasse 92.
béni (oiseau) 15, 43, 71.
bergeronnette 23, 37, 71, 74,
93.
Bernard 44.
Berrichon 51.
Bertaud 48.
Bertrand 50.
Bidelet 42.
Bituriges 37.
bruant 57, 90.
biiche 82.
bure 51, 92.
butor 35, 36.
(nom de) caresse 71.
celte (noms et fables) 14.
chassieux 52.
châtaigne 66.
chieur, chiure 63.
choquant (terme) 54, 65, 102.
coccinelle 72.
collision 55.
conception obsédant l’imagi¬
nation 60, 102.
contamination 62, 73.
comparaison populaire 67, 94,
95.
coq 96.
couche secondaire 56, 79, 103.
culot 64.
curé 97.
(région de) crise 102 ss.
-d- sporadique 34.
-de- intercalé 34, 41, 43.
diminutifs caritatifs, doubles
25, 45, 71.
dissimilation de r — r 39, 43,
45.
e -\- r > ar 44, 55.
éclair 48, 79.
emprunts 89 ss.
étincelle 85.
étymologie populaire 37 ss.,
59, 78.
expression dialectale qui pé¬
nètre dans la langue littéraire
76.
extinction d’un mot 42.
fausse régression de s + ^ 29.
fauvette 51, 54, 59, 62, 66, 67,
71, 80, 82, 91.
(noms) féminins 24, 32, 45, 47,
54
fier 70.
flamme 95.
froidure 84,
g sporadique initial 50.
genévrier 83.
géographie linguistique 41,
99 ss.
grimpereau 29, 30, 54, 55, 68,
88, 90.
-gu- > w 62.
haricot 66.
hirondelle 72, 90.
homonymie 55 ss.
huppe 54.
(composition avec) impératif
59, 81.
impertinence 70.
interprétation du chant 16, 85.
ironie populaire 54, 69, 70.
importation 103.
(mot) isolé 37, 62.
juif 97.
-?- > r ou tombe 29, 32.
langue enfantine 63, 85.
lutte entre deux termes 100.
Marie 47, 59.
mésange 54, 72, 89, 93.
métathèse 43, 62, 71.
mouchet 51.
multitude de noms 10, 99,
110
noisette 66.
noms de personne 39 ss., 42,
44, 47, 48, 50, 59, 69, 89.
nourriture 83.
œil 73.
onomatopée 84 ss.
or 94.
papillon 68.
Pépin 69.
pet 60.
pétard, péteur 53, 54.
ÎPhilippe 89.
pinson 47, 88, 94.
pois 67.
pou 68.
pouce 65.
pouillot 67, 68, 74, 81, 88, 90,
97.
proyer 88.
prune 67.
queue 71.
quille 61.
-r- > -5;- ou tombe 39, 47.
r adventif 46.
raillerie 16.
râle 29, 93.
ramper 55 ss.
rat et roi 30.
remplaçants d’un mot hors d’u¬
sage à signification semb¬
lable 60, 80, 81, 102.
remplaçant banal 81.
Robert 39.
rouge-gorge 47, 73, 82, 87,
89, 90.
rubis 39.
-s- tombe 54.
mot savant 24.
simplification méchanique 74.
soleil 96.
sot 64, 66.
souci 95.
substantif verbal 59, 75, 80.
-tr- celte 53.
tradition latine 23.
(comparaisons) traditionnelles
67, 94.
traquet 82.
unification 99.
valeur affective des désigua-
tions 37, 62, 87, 101.
(jugement de) valeur 71, 95.
veau 42.
y > n 68.
zone d’expansion 28, 104.
CURRICULUM VITRE.
Je suis née à Frauenfeld le 2 décembre 1896. J’ai
suivi les écoles primaires et secondaires de Frauenfeld,
de Bevers (Engadine) et de Neuchâtel où j’ai obtenu au
printemps 1916 le diplôme de fin d’études. En mars
1921, après avoir suivi à Zurich pendant 10 semestres
les cours de MM. Bovet, Gauchat, Jud, Bachmann, Frey
et Unger, j’ai obtenu „das Diplom fürs hôhere Lehramt“
pour les langues française et allemande et, au mois de
juillet de la même année, je fus reçue docteur ès lettres.
Qu’il me soit permis d’adresser mes remercîments
chaleureux et sincères à tous mes maîtres, mais notam¬
ment à MM. Gauchat et Jud qui m’ont toujours aidée
de leurs précieux conseils pendant la rédaction de ma thèse.
THE llBRAR'f ÜF FHE
JUL 9 . 1924
UN1VERS1TY OF ILLINOIS
' THE ttHR^^Ry
OF THE
UNIVEBSITV' OF ILElNniR